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Il y a plusieurs années déjà, je m'avisai d'examiner l'opinion qu prévaut depuis plus d'un siècle au sujet de la bataille que Labiénus livra aux Parisiens pendant que César assiégeait Gergovie. Cette opinion impliquant, à mon sens, trop de circonstances incompréhensibles dans les mouvements des deux armées, je fus conduit par l'étude du texte à placer au-dessus de Lutèce, dans la plaine d'Ivry, ce qu'on plaçait au-dessous, dans la plaine d'Issy. La dissertation où j'exposai ce nouveau système est dans le recueil des Mémoires de la Société des Antiquaires de France1.

M. de Saulcy, membre de l'Académie des inscriptions et belleslettres, vient de reprendre la question dans la Revue contemporaine". Il ne pense pas que j'aie rencontré juste. Selon lui, l'ancienne attribution est celle qui doit rester, sauf quelques modifications qu'il y introduit, et dont je vais tout de suite examiner la valeur.

Labiénus, campé sur la rive droite de la Seine, alla chercher les Gaulois sur l'autre rive en traversant le fleuve. Il est dit que le passage eut lieu à quatre milles au-dessous du camp. D'après cela les anciens auteurs que j'ai réfutés ont compté quatre milles ou 5925 mètres à partir du Grand-Châtelet, position qu'ils donnaient tous au camp romain, et cette distance les a fait tomber sur Auteuil, juste à l'endroit où est aujourd'hui le pont de Grenelle. C'est là qu'ils ont fixé le lieu du

passage.

J. Tome XXI (nouvelle série). C'est le mémoire précédent. 2. Numéro du 15 avril 1859.

A. G.

M. de Saulcy, qui remet le camp romain au Châtelet, transporte l'opération du passage à Billancourt; mais en faisant cela, il a oublié de se servir de son compas. Billancourt est à 9 kilomètres de la place du Châtelet; 9 kilomètres font plus de 6 milles ; c'est donc la moitié en sus de la distance précisée dans le texte.

La raison pour laquelle M. de Sauley change ainsi le lieu du passage, c'est qu'on a trouvé dernièrement des armes celtiques en draguant la Seine entre l'ile Séguin et le Bas-Meudon. Pour que des armes se trouvent dans l'eau, il faut qu'on se soit battu sur l'eau. Y at-il quelque chose dans les Commentaires de César qui autorise à croire que des bateaux gaulois aient essayé d'empêcher le passage des bateaux romains? Loin de là, le texte dit au contraire qu'à la faveur d'un orage qui s'éleva pendant l'opération, les Romains purent aborder la rive gauche et accabler à l'improviste les sentinelles qui la surveillaient. D'un autre côté la bataille se passa de telle sorte que les Romains, s'étant formés dans la plaine, poussèrent l'ennemi devant eux et le refoulèrent sur les hauteurs. Les armes retirées de la Seine ne peuvent donc rien prouver pour une action qui commença et finit de cette manière. Elles sont le témoignage d'un autre combat que l'histoire n'a pas enregistré.

Autre changement introduit par M. de Saulcy dans le thème de ses devanciers, ou du moins dans le thème accepté depuis l'abbé Lebeuf, car l'opinion qu'on va voir fut celle de Guillaume Sanson et d'Adrien Valois.

Labienus couvrit d'une feinte l'opération de son passage. Afin de faire croire qu'il voulait aborder la rive gauche par trois points, en même temps que de grands bateaux, naves, descendirent à 4 milles du camp pour recevoir le gros de l'armée, cinq cohortes restèrent à faire tout le bruit possible dans le camp même, et cinq autres cohortes remontèrent le fleuve, aussi en tumulte, escortant une flottille de batelets, lintres. Les Gaulois crurent effectivement à trois irruptions, et pour y faire face, d'une part Camulogène, leur général en chef, partit avec ses gros bataillons dans la direction prise par les grands bateaux ; d'autre part un corps d'observation resta en face du camp romain; enfin un petit détachement, parva manus, fut envoyé du côté de Metiosedum, Metiosedum versus, dit le latin; et il ajoute : quæ tantum progrederetur, quantum naves processissent.

Ce dernier passage offre un peu d'obscurité, parce que c'est la seule fois que le nom de Metiosedum apparait dans le récit, et qu'aucun autre auteur n'a parlé d'un lieu ainsi appelé. Mais le sens est fixé de la manière la plus certaine par le reste de la période. Puisque l'on

veut, du côté des Gaulois, répondre aux trois démonstrations de Labiénus, que Camulogène s'oppose à la démonstration d'en bas, et le corps laissé en face du camp à la démonstration du milieu, le terme obscur, c'est-à-dire le détachement envoyé vers Metiosedum, est pour s'opposer à la démonstration d'en haut. Metiosedum est donc en amont, et naves doit s'entendre des mêmes bateaux qui ont été appelés précédemment lintres.

<< Non, dit M. de Saulcy, naves ne peut avoir été employé pour lintres; il n'y a pas d'autres naves que les grands bateaux avec lesquels Labienus compte opérer réellement son passage, et ainsi les Gaulois détachés dans la direction de Metiosedum sont l'avant-garde de l'armée conduite par Camulogène. » Mais s'il en est ainsi, le tour de phrase des Commentaires est absurde, car César énumérerait de deux côtés trois termes relatifs, sans que le troisième de la seconde énumération répondit au troisième de la première, et après avoir annoncé que les Gaulois ont prévu trois attaques, il les ferait agir comme s'ils n'en avaient prévu que deux, tout en s'exprimant comme s'ils avaient obvié aux trois. Évidemment M. de Sauley a perdu de vue le sens général par l'attention excessive qu'il a accordé au mot naves. Cependant navis est générique. Il veut dire aussi bien un petit bateau qu'un grand bateau. Qu'on le traduise par embarcation et l'on aura l'équivalent exact en français. César, sans déroger à la précision habituelle de son style, a donc pu appeler naves les chalands ou toues dirigés en aval pour l'usage de Labiénus, et naves encore les batelets, lintres, dirigés en amont pour tromper les Gaulois. Il en avait dit assez auparavant pour qu'une confusion fùt impossible.

Du moment que M. de Saulcy a adopté l'interprétation que je viens de dire, tout naturellement il cherche Metiosedum au-dessous de Paris, et il abonde dans le sens de ceux qui ont cru le trouver à Meudon, en s'appuyant toutefois sur des raisons que n'ont pas données les autres: « Quelle est, dit-il, la forme la plus ancienne du nom de Meudon dans les titres des XII et XIIIe siècles, analysés par l'abbé Lebeuf? Meodum! or Meodum n'est que le squelette du nom primitif Metiosedum. »

C'est là, je suis forcé de le dire, de l'anatomie tout à fait contraire aux lois invariables qui ont présidé à la transformation du latin en français. La désinence edum est des plus fréquentes dans nos anciens noms de lieux. Il en est sorti constamment des dérivés en ay ou en oy: Gerboredum, Gerberoy; Paredum, Paray ou Paroy; Brennedum, Brunoy; Gomedum, Gomay (qu'on écrit à tort Gometz), etc. Si le nom de Metiosedum s'était conservé, il serait devenu (en observant

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