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virons d'Ingelheim, selon le dire de M. Lindenschmit, qui la fit connaitre le premier au monde savant'.

Que M. de Reffye veuille bien considérer ensemble tant de circonstances bizarres, et il reconnaitra, je n'en doute pas, qu'il n'y a rien à en conclure jusqu'à présent, sinon que l'arme trouvée à Ingelheim avec une marque romaine, ni aucune de ses pareilles, n'est une arme gauloise du temps où succomba l'indépendance de la Gaule. S'il n'admet pas cette déduction, qu'il renonce au moins à vouloir tirer la lumière de ce qui n'est encore que ténèbres; qu'il recherche plutôt les analogues de certaines lames d'une longueur énorme (quatre-vingtdix centimètres au moins, en apparence), très propres à caractériser un dépôt, et qui n'ont rien dit à ses yeux, puisqu'il en a donné le dessin sans disserter dessus. Ces rapières de l'ancien âge ont été trouvées jusqu'ici dans les sépultures de l'Allemagne et de la Belgique déjà germanisée; elles portent le même témoignage que les spatha, que les fers de lance, que les fers de javelot examinés cidessus.

Afin de compléter l'assortiment barbare, il faudrait de ces couteaux grands et petits qui sont sortis en si grande abondance des tombeaux. Rien ne caractérise mieux l'équipement du Germain dans les derniers temps de l'Empire. M. de Reffye, qui opère sur les objets apportés d'Alise sans avoir assisté aux fouilles, croit que celles ci n'ont produit que les lames tranchantes des deux côtés. Cependant j'ai sous les yeux un numéro de la Revue française dans lequel M. Léon Fallue signale comme découverts à Alise « des couteaux semblables à ceux qui ont été trouvés dans les cimetières mérovingiens des pays de Caux, de Metz, de Namur. » M'étant renseigné auprès de M. Fallue lui-même pour savoir s'il avait parlé de visu, il me répondit que oui; que, lorsque les objets lui avaient été montrés, il y avait certainement dans le nombre au moins un scramasax et d'autres couteaux plus petits. C'est donc un indice chronologique de plus à mettre avec tous ceux que j'ai déjà fait ressortir.

Divers petits objets énumérés très succintement par M. de Reffye, ou simplement figurés sur les planches qui accompagnent son article, ne peuvent point ètre discutés, faute de renseignements suffisants :

1. Die Allerthümer unserer heidnischen Vorzeit, cahier I. pl. V.

2. Lindenschwit, Die vateriændischen Alterthümer der fürstlich Hohenzoller'schen Sammlungen, pl XXXI; Publication de la Société archéol. du Luxembourg, t. VIII, article de M. Namur, cité par l'abbé Cochet, Tombeau de Childeric, p. 70.

3. 1er septembre 1863.

ainsi les deux viretons ou fers de flèche d'arbalète photographiés sur la planche XXII 1, l'éperon et l'espèce de tétière écrasée qui sont rendus sur la même planche', les jugulaires de casque publiées de préférence au casque lui-même dont on dit que la forme a pu être restituée, et qui eût été un bien meilleur élément de critique, l'umbo ou bosse de bouclier représenté en projection sans ombre, lorsque le caractère de cette pièce réside uniquement dans son relief. Sur toutes ces pièces, je me bornerai à une remarque: c'est que, selon toute apparence, il ne faut pas leur appliquer l'indication de gisement donnée d'une manière générale au commencement de l'article. « Les objets recueillis dans les fouilles, est-il dit, ont été retrouvés gisant sur le sol du fond d'un fossé qui devait avoir été rempli d'eau à l'époque du siège. » Mais ceux dont il s'agit seraient-ils dans l'etat de conservation où on les voit, s'ils avaient séjourné dans l'eau?

D'ailleurs une personne bien informée a parlé des bosses de bouclier au moment de la découverte. Il y en avait deux qui recouvraient chacune un petit tas de six monnaies gauloises, et celui qui racontait cela ne doutait pas que les boucliers n'eussent été posés dans l'origine sur la sépulture de deux guerriers indigènes. C'est dans le Journal de Beaune, du 14 mars 1863, que j'ai lu cette curiosité archéologique. J'en laisse la responsabilité au narrateur, ne faisant profit pour mon compte que de l'impression qui fut produite par la découverte des résidus de boucliers. Si on a pu dire qu'ils avaient couvert des sépultures, c'est qu'ils n'étaient pas au fond de fossés anciennement remplis d'eau.

Encore une observation, qui sera la dernière.

A l'exposition industrielle qui se tient actuellement au palais des Champs-Élysées, on voit le moulage en galvanoplastie d'un magnifique casque de gladiateur, lequel est indiqué comme trouvé dans les fouilles d'Alesia, c'est-à-dire d'Alise. Les mèmes fouilles ont produit encore à ma connaissance des boulets de pierre, des monnaies de tous les empereurs, d'innombrables fragments de tous les genres de poterie gallo romaine, et mème, à ce qu'assurent diverses personnes, des ossements qu'on ne s'attendait pas à y rencontrer. Pourquoi garde-t-on le silence sur ces objets? Est-il sans portée pour le procès qui se débat que des choses d'une toute autre nature que celles que l'on produit aient été trouvées dessus, dessous ou à côté? Une poignée d'échantillons minéraux, triés arbitrairement et exhibés sans autre indication

1. Première colonne à gauche.

2. Deuxième colonne.

que celle de la contrée d'où ils viennent, justifierait-elle un système qu'on voudrait faire triompher quant à la formation géologique de cette contrée? J'en appelle à la raison de l'honorable officier dont je conteste ici la doctrine. Qu'il veuille bien réfléchir à mon objection S'il en comprend la gravité, il reconnaitra, je n'en doute pas, que sa manière d'envisager les choses a été par trop incomplète; il confessera qu'il a jugé sous l'empire d une illusion. parce qu'il n'a tenu compte que de ce qui s'adressait à son érudition spéciale, et que son érudition spéciale ne pouvait pas lui donner toute seule la clef d'un problème d'où il n'est possible de sortir que par le concert de toutes les parties de l'érudition.

Et maintenant, laissant de côté la lettre au docteur Keller, je m'achemine à ma dernière conclusion.

En 1861, lorsque l'on commença à annoncer que la question d'Alesia était définitivement résolue par la découverte de fossés traversant la plaine des Laumes sous Alise-Sainte Reine, j'obtins la permission de soumettre à l'Académie des Inscriptions et Belleslettres un passage des Commentaires de César, d'où il résulte qu'aucun fossé n'a traversé la plaine qui régnait devant Alesia. Une réponse verbale et évasive, à laquelle je n'eus pas le droit de répliquer sur le moment, fut la seule que reçut ma communication, et les choses en sont restées là, quoique ce que j'avais lu à l'Académie ait été aussitôt après imprimé dans une Revue 1, tiré et vendu à part.

Dans le même temps. M. le capitaine Bial, professeur à l'École d'artillerie de Besançon, après inspection des fouilles qui s'exécutaient sous Alise, démontra que les fossés découverts n'avaient pas de rapport avec ceux dont César se couvrit devant Alesia 3. Il ne lui fut pas répondu.

En 1862, M Delacroix, le père de la question d'Alesia, dégagea du texte des Commenta res soixante-quatre conditions de topographie nécessaires pour fixer le site de la ville assiégée par César, et dont aucune ne convient à Alise-Sainte-Reine. Il ne lui fut pas répondu.

En 1863. M. Auguste Castan, rapportant devant la Société d'Émulation du Doubs l'état des fouilles continuées autour d'Alise Sainte

1. Correspondance littéraire du 25 juill t 1861.

2. Nouvelle defaite des défenseurs d'Alise sur le terrain d'Alesia. Voy. plus hant. p. 551.

3. La vérité sur Alise-Sa ̄nte-Reine; Paris. Garnier frères. 1861. in-8°.

4. Alaise et le Moniteur; Besançon, Bulle, in-8: Mémoires de la Société d'Émulation du Doubs, année 1862.

Reine, donna les preuves invincibles de l'age postérieur auquel se rapportaient les ouvrages d'investissement, ainsi que les objets nouvellement découverts. Son rapport, publié et distribué dans le monde savant 1, ne reçut pas de réponse.

La même année, M. Léon Fallue dénonça, dans l'article de la Revue Française que j'ai précédemment cité, le caractère mérovingien des armes apportées d'Alise. Il ne lui fut pas répondu.

Il n'a pas été répondu davantage à un mémoire considérable publié au commencement de cte année 1864, et dans lequel M. Sarrette, lieutenant-colonel au 86e de ligne, qui avait déjà subsidiairement combattu l'Alesia bourguignonne, fait l'application militaire du texte de César à l'Alesia franc-comtoise.

Au milieu de cette conspiration du silence, il faut placer, pour être exact, la tentative isolée d'un adversaire qui, en 1862. jugea utile d'établir que nous avions succombé, M. Delacroix et moi, à une irréparable défaite. Le Moniteur de l'Armée fut choisi pour loger cette démonstration. Nous n'eûmes pas de peine à établir, au contaire, que nous n'étions pas défaits du tout, mais nous en eùmes tant à obtenir l'insertion de notre réponse que je n'y réussis, pour ma part, qu'avec le ministère d'un huissier 3.

Tel est l'état de la question seulement depuis quatre ans. Quant au débat qui avait précédé et qui comptait déjà cinq années d'existence, puisque c'est en 1856 qu'il prit naissance, il avait fourni dès lors tout ce qu'il était susceptible de rendre pour le point en litige. Il avait mis en lumière les textes d'où résulte l'impossibilité de maintenir Alesia sur le mont Auxois; il avait provoqué les fouilles d'Alaise, qui ont confirmé pleinement l'attribution franc-comtoise; il avait déterminé la critique vigoureuse de M. Carl Müller, par qui la même attribution a pris place dans les notes du Strabon de la nouvelle Bibliothèque grecque *.

Il est plus commode d'affirmer ou de nier que de discuter. Les écrits pour Alaise contre Alise sont nombreux et disséminés. Leur publicité a été celle à laquelle peuvent atteindre dans notre pays les

1. Les comps, les tombeiles et les villas du pourtour d'Alaise, dans les Mémoies de la Société d'Émultion du Dubs. 1963.

2 Alesia (Alaise), élu le d'archeologie militare, Besançon, in-8.

3. Moniteur de l'armée, uos du to avril et du 1er mai 1962, et la brochure intitulée: La Question d'Alesi dans le Moniteur de l'armee, B sauçou, Dodivers, in-8.

4. « Alesia est hod. Alæse, non vero, ut olim putabant et ipse in nomi«<num indice dixi, hod. Alise. » T. II, p. 963. col. 1.

travaux d'érudition. On compterait les personnes qui les ont lus, et plus d'une à qui il serait nécessaire de les avoir lus n'a jamais voulu s'en donner la peine. Des millions d'hommes, au contraire, sont depuis quatre ans périodiquement informés, par des nouvelles insérées presque de mois en mois dans tous les journaux, que décidément l'Alesia de César est Alise-Sainte Reine, qu'on y retrouve tout des Gaulois et des Romains, et les ouvrages militaires de César, et jusqu'au gobelet du grand capitaine ', enfin qu'une statue colossale de Vercingétorix (preuve devant laquelle on n'aura plus qu'à se taire) doit être élevée bientôt sur le mont Auxois.

La disproportion des forces est grande. Elle ne nous décourage pas. La vérité n'a pas encore été écrasée sous la pression des entrefilets. Sa voix a été couverte par des hurrah prématurés; elle s'empresse de la faire entendre aujourd'hui que s'annonce le moment qu'il aurait fallu prévoir avant de chanter victoire, aujourd'hui que la prévention subit l'inévitable nécessité de fournir ses preuves. Réduisant aux points capitaux les raisons que j'ai fait valoir tant de fois, et dont le seul défaut est d'avoir été trop nombreuses, je dis :

Alise Sainte-Reine n'est pas Alesia :

1° Parce qu'Alise fut une ville de la cité éduenne, et qu'Alesia fut si peu de la cité éduenne, que le premier mot de César après avoir raconté la prise de cette ville, est qu'il donna l'ordre du départ pour la cité éduenne ";

2o Parce qu'Alise, située à l'ouest, n'a pas pu être le point de rencontre de deux généraux qui prirent d'abord leur direction à l'est: César exécutant sa retraite du pays des Senons (diocèses de Sens et d'Auxerre) en Séquanie ou Franche-Comté, par le pays des Lingons, qui répond à l'ancien diocèse de Langres; Vercingétorix ayant commencé par une marche du côté des Allobroges, c'est-à-dire vers le Bas-Bugey ou le Valromey 5;

3o Parce que la bataille qui précéda l'investissement d'Alesia eut lieu en Séquanie ou Franche-Comté 6, et qu'il y a trop de distance

1. Illustration du 6 décembre 1862.

2. L'Alesia de César rendue à la Franche Comté. Lettre à M. le Directeur du Spectateur militaire, deuxième série, t. XX (1857), p, 309. Conclusion pour Alaise dans la question d'Alesia.

La question d'Alesia dans la

Revue des Deux-Mondes: Revue archéologique, année 1858.

3. «His rebus coufectis, in Æduos proficiscitur » De bello Gallico, 1. VII, c. xc. 4. « Quum Cæsar in Sequanos per extremos Lingonum fines iter faceret. » B. G. VIII, LXVI.

5. Οὐερκιγγετόριξ... ἐπ' Αλλόβριγας ἐστράτευσε : Dion Cassius, I. XL, c. ΣΧΣΙΣ. 6. 'Ev Enxovavot: Dion Cassius, ibid.

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