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et

c'est une des meilleures parties de cette collection. VI. Lettres écrites de Suisse, d'Italie, de Sicile et de Malte, en 1776-78, Amsterdam, 1782, 6 vol. in - 12, réimprimées en 1801. Ces Lettres, que Roland adressa successivement à celle qu'il épousa deux ou trois ans après, sont remplies de notices intéressantes, de vues utiles sur les manufactures de divers pays; mais elles sont trop mêlées de citations, qui embarrassent et font languir le style. Selon Mme. Roland, elles ne manquent que d'une meilleure rédaction pour être les premières en rang dans les Voyages d'Italie. La refonte de cet ouvrage avait été un de ses projets. VII. De l'influence des lettres dans les provinces, comparée à leur influence dans les capitales, 1786. VIII. Roland est aussi auteur du Financier français, ou la Nation éclairée sur ses vrais intérêts, et d'un Recueil d'idées patriotiques, Paris, 1789, in-8°. Il a publié, en outre, une foule d'Opuscules, de Lettres, de Rapports et de Comptes rendus lorsqu'il parvint à l'administration mais sa femme eut la meilleure part à la partie politique de ces derniers ouvrages.

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B-P. ROLAND (MANON-JEANNE PHLIPON), femme du précédent, naquit à Paris, en 1754. Fille d'un graveur obscur, elle reçut cependant une éducation soignée; à quatre ans elle savait lire ses progrès furent ensuite très-rapides dans le dessin, la musique et l'histoire. Elle montra, de bonne heure, un caractère opiniâtre, ne cédant pas à ce dont elle ne voyait point la raison. Ses premières années s'écoulèrent dans la paix domestique, mais dans une grande activité d'esprit. L'ardeur de s'instruire la possédait tellement, qu'ayant déterré un

trafté de l'art héraldique, elle en fit son étude. Mais elle goûta la vie des hommes illustres de Plutarque, plus qu'aucune autre lecture, l'emportant même à l'église: elle avait alors 9 ans. « C'est de ce moment, dit-elle dans »ses Mémoires, que datent les im

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pressions et les idées qui me ren » daient républicaine, sans que je » songeasse à le devenir. » Dans les élans de son jeune cœur, elle pleurait de ne pas être née Spartiate ou Romaine. Mais bientôt les idées religieuses la dominèrent; elle supplia sa mère de la mettre au couvent, et fit son entrée chez les dames de la Congrégation, faubourg Saint-Marcel, La gravité de sa petite personne, l'air posé dont elle avait contracté l'ha bitude, sa manière de s'énoncer douce et correcte, la firent distinguer au milieu d'un essaim de jeunes filles étourdies et folâtres. Elle avoue qu'elle fut captivée par la religion catholique. Un commerce de lettres avec une de ses compagnes, rentrée au sein de sa famille, fut l'origine de son goût pour écrire, et l'une des causes qui, par l'habitude, en augmenta chez elle la facilité. De retour chez sa mère, elle reprit ses premiers exercices, fit des extraits de ses lectures, étudia les principes de physique et de mathématiques. Elle avait rapporté du couvent, des dispositions tendres et recueillies. Les ouvrages de controverse de Bossuet la mirent sur la voie de raisonner sa a croyance; ce fut son premier pas. y avait loin de là au scepticisme où elle devait arriver quelques années plus tard, après avoir été successivement cartésienne, janseniste, stoïcienne et deïste. Sa sensibilité, concentrée jusqu'alors, fut mise à la plus rude épreuve: elle eut en songe le pressentiment de la mort de sa

mère; perte qu'elle eut en effet à déplorer, et qui fut le coup le plus sensible qu'ait jamais éprouvé son cœur. On ne la rendità la vie qu'avec peine: après deux mois de déchirements, la lecture de la Nouvelle Héloïse vint faire diversion à sa douleur; elle avait alors vingt-un ans. Se chargeant de tous les détails du ménage de son père, elle partagea son temps entre les soins domestiques, la lecture, et des écrits sur la philosophie. Ellelut les orateurs chrétiens, critiqua Bourdaloue, et fit elle-même un prône. Elle traita aussi une question proposée par l'académie de Besançon. Dans une séance publique de l'académie française, alors rendez-vous de la belle compagnie, elle fut frappée de tous les contrastes que nos mœurs et nos folies ne pouvaient manquer de produire. Une liaison, fondée sur l'estime, prépara son mariage avec Roland de la Platière, qui, d'abord, essuya un refus de la part du graveur Phlipon. Tandis qu'il faisait un voyage en Italie, elle se retira au couvent, et sépara bientôt ses intérêts de ceux de son père, dont la dissipation détruisait la fortune. Roland, de retour, s'enflamma de nouveau, et, redoublant ses instances, l'emporta sur plusieurs rivaux, malgré une grande disproportion d'âge. « Je devins, dit-elle, la »femme d'un véritable homme de » bien, qui m'aima toujours da»vantage à mesure qu'il me connut » mieux: mais je sentis qu'il man» quait de parité entre nous; que » l'ascendant d'un caractère domina»teur, joint à celui de vingt années » de plus que moi, rendait de trop »l'une de ces deux supériorités. Si » nous vivions dans la solitude, j'a» vais des heures quelquefois péni»bles à passer; si nous allions dans

» le monde, j'y étais aimée de gens » dont je m'apercevais que quel » ques-uns pourraient me toucher. » Je me plongeai dans le travail » de mon mari: autre excès qui » eut son inconvénient; je l'ha>> bituai à ne savoir se passer de moi » pour rien au monde, ni dans un » seul instant. » La première aunée s'écoula tout entière à Paris, où Roland mettait au net ses manuscrits et faisait imprimer la description de quelques arts. Il fit de sa femme son copiste et son correcteur d'épreuves, tâche qu'elle remplit exactement, quoique peu conciliable avec un esprit aussi exercé que le sien. Un cours d'histoire naturelle et de botanique fut une laborieuse récréation de ses occupations obligées de secrétaire et de ménagère; car la santé de Roland nes'accommodait pas de toutes les cuisines : sa femme prenait soin de lui préparer elle-même les aliments qui lui convenaient. Amiens étant devenu leur résidence, elle y passa quatre années, y devint mère et nourrice sans quitter le cabinet, si ce n'est pour des promenades hors de la ville, où elle fit un herbier des plantes de la Picardie. On a vu, dans l'article précédent, qu'elle obtint, en 1784, la translation de son mari dans la généralité de Lyon, où elle le suivit. Elle avait déjà fait avec lui un voyage en Angleterre ; en 1787, elle en fit un en Suisse. Passant par Genève, elle fut scandalisée de ne pas y trouver la statue de J.-J. Rousseau. Ce fut à Lyon que la révolution vint la surprendre et l'enflammer. Elle et son mari l'embrassèrent avec

la même ardeur; ils participèrent d'abord à la rédaction du Courrier de Lyon, dans des articles en faveur du nouvel ordre de choses. Mme. Ro

and y donna la description de la félération lyonnaise du 30 mai 1790, et en rendit les détails avec tant d'énergie et de talent que ce numéro fut vendu à plus de 60 mille exemplaires. Son incognito la faisait jouir mieux encore du triomphe de sa plume. Croyant voir,dans la révolution, l'application des principes dont elle s'était nourrie; elle suivait, avec la plus extrême attention, la marche des travaux de l'assemblée nationale : elle étudiait, avec un intérêt difficile à décrire, le caractère et les talents des députés les plus remarquables. Ayant accompagné Roland à Paris, en 1791, elle courut aux séances de l'assemblée, et à celle des Jacobins, où elle le fit initier. Quatre fois la semaine, Brissot, Péthion, Buzot et d'autres députés, liés par la conformité des doctrines, venaient passer la soirée chez elle en petit comité. Lors de la fuite du roi et de son arrestation à Varennes, Mme. Roland se mit à la tête d'un projet de journal intitulé le Républicain, et qui n'eut que deux numéros, les tentatives pour établir une république ayant alors échoué. Elle suivait, avec le plus vif intérêt, les séances des Jacobins, quand on y agita la question de la déchéance de Louis XVI, se montrant républicaine ardente et s'emparant de toutes les facultés de son mari pour le dirigerà son gré. La place d'inspecteur ayant été supprimée à Lyon, elle le ramena dans Paris, et renoua ses liaisons révolutionnaires avec plus d'activité. Nyl doute que le charme qu'exerça son esprit sur les meneurs de la révolution, n'ait contribué à faire comprendre Roland dans la formation du ministère jacobin, que la cour, pour sortir d'embarra s'imposa

elle-même. Ce fut alors que Mme, Roland acquit la conviction de sa supériorité: on en trouve l'aveu dans ses Mémoires où, après avoir dit combien elle avait été frappée de la médiocrité des hommes en place, elle ajoute : « C'est de cette époque » que j'ai pris de l'assurance: jusque» là j'étais modeste comme une pen»sionnaire de couvent; je supposais » toujours que les gens plus décidés » que moi, étaient aussi plus habi»les.» S'efforçant d'accélérer le mouvement de la révolution et la chute du trône, elle traça, d'un seul trait, la lettre fameuse que Roland fit remettre à Louis XVI, à l'occasion du décret contre les prêtres : cette lettre, où le ministre d'un roi affectait de parler le langage d'un républicain et d'un factieux, valut à Roland sa première disgrace. Dans l'intervalle du 10 août, Mme, Roland se lia encoredavantage avec les coryphées du parti républicain, entre autres avec Barbaroux, qui lui revéla le plan des fédérés: ce plan tendait à renverser la cour, et à nommer une Convention qui donnerait la republique. Le trône abattu, et son mari rappelé au ministère, le rôle qu'elle joua fut plus considérable, mais plus scabreux. Son parti, qui voulait gouverner, se trouva bientôt aux prises avec les desorganisateurs et les brigands de Paris. Le saisissement d'horreur qu'elle éprouva aux journées des 2 et 3 septembre (1792), porta Roland à dénoncer à l'assemblée les fauteurs des massacres des prisons. C'en fut assez pour le dépopulariser et pour signaler sa femme commne gouvernant le ministère de l'inté rieur. Lorsque Roland, élu député de la Somme à la Convention, prié de ne point abandonner le por tefeuille, Danton, l'un des chefs du

fut

parti populaire, s'écria : « Si l'on » fait une invitation à Monsieur, il » 'en faut aussi faire une à Madame. » Je connais toutes les vertus du » ministre ; mais nous avons besoin >> d'hommes qui voient autrement » que par leurs femmes. » Mme. Roland ne tenait pas précisément de cercle; mais elle recevait à dîner, deux fois la semaine, les députés et les hommes de son parti. Ces diners, les orateurs populaires les traduisirent en festins somptueux, où, nouvelle Circé, elle corrompait tous ceux qui avaient le malheur de s'y associer. Mandée à la barre, le 7 décembre, pour répondre à une dénonciation calomnieuse, elle força, par les grâces de son éloquence, ses ennemis à se taire et à l'admirer. On lui accorda les honneurs de la séance: mais ce fut son dernier triomphe. Bientôt son courage fut mis aux plus rudes épreuves; chaque jour voyait éclore un nouveau danger, chaque nuit devait être la dernière de sa vie. Les avis les plus sinistres lui arrivaient de toutes parts; on la pressait de coucher hors de l'hôtel du ministère mais tout ce qui sentait le découragement était éloigné de son caractère. Convaincue enfin de la faiblesse du parti modéré, elle porta Roland à résigner le portefeuille, sans que sa retraite pût désarmer ses ennemis. Quand, au 31 mai, le décret d'arrestation fut rendu contre les députés de son parti, elle crut la France perdue, et favorisa la fuite de Roland. Elle aurait pu le suivre; mais elle resta : « Le soin de me » soustraire à l'injustice, dit-elle, » me coûte plus que de la subir. » En vain la section de Beaurepaire la prit sous sa protection: elle fut jetée dans les cachots de l'Abbaye, le 1er, juin 1793; et peu de temps après

:

transférée à Sainte-Pélagie. Voyonsla aux prises avec le malheur: quelle dignitéelle porta dans sa prison! Ses amis forment un plan pour son évasion : « Non, dit-elle, je réveillerais >> la furcur des ennemis de non ma» ri; je resterai ici, telle est ma ré» solution; » et il ne fut pas possible de l'en faire changer. Elle prit, dans sa prison, une véritable passion pour Tacite: « Je ne puis, disait»elle, dormir sans avoir lu quelques » morceaux de lui; il me semble que » nous voyons de même.» Elle ne se méprenait point sur la nature du gouvernement d'alors. « C'est, di»sait-elle, une espèce de monstre, » dont l'action et les formes sont » également révoltantes : il détruit >> tout ce qu'il touche, et se dévore » lui-même!» Malheureusement elle avait contribué à l'élever sur les débris du trône. N'apercevant que dans les efforts de ses amis qui cherchaient à soulever les provinces, l'espoir d'un meilleur avenir, ses regards se tournaient vers le Calvados. Le député des Bouches-du-Rhône Duperret, resté à la Convention, était son intermédiaire: il recevait pour elle des lettres de Barbaroux et de Buzot, alors à Caen, et par elle des remercîments et des vœux en faveur de proscrits. Mais Duperret fut arrêté, et ses papiers saisis la correspondance de ce député: on fonda une accusation contre

sur

madame Roland. Le 1er. octobre, jour de l'exécution de Brissot et des députés de la Gironde, elle fut transférée à la Conciergerie, placée dans un lien infect, et couchée sans draps sur un lit qu'un prisonnier voulut bien lui céder. Elle s'était procuré de l'opium pour rester maîtresse de son sort, et tromper ses tyrans; mais elle n'en fit point usa

A

ge. L'idée que son supplice pourrait encore être utile à sa patrie, suffit pour lui inspirer le courage d'en supporter les apprêts. Le jour où elle fut mandée à l'interrogatoire, on la vit passer avec son assurance ordinaire; et, quand elle revint, ses yeux étaient humides de larmes. On l'avait traitée avec une telle dureté, jusqu'à lui faire des questions outrageantes pour son honneur, qu'elle n'avait pu y tenir. Son avocat (M. Chauveau-Lagarde) vint pour se concerter avec elle. Mme. Roland l'écoute d'un air tranquille, discute de sang-froid les moyens proposés pour sa défense, puis toute émue, tire de son doigt un anneau, et le présente à son avocat, en lui disant: « Ne venez pas demain au tribunal, >> ce serait vous perdre sans me sau» ver; acceptez ce seul gage que ma >> reconnaissance puisse vous offrir.... » Demain je n'existerai plus ! » Elle parut devant le tribunal habillée en blanc et avec soin; ses longs cheveux noirs tombaient jusqu'à sa ceinture. Après sa condamnation, elle passa dans le guichet, avec une vîtesse qui tenait de la joie, indiquant, par un signe démonstratif, qu'elle était condamnée à mort. Placée sur la fatale charrette, avec Lamarche, directeur de la fabrication des assignats, qui allait partager son sort, mais dont le courage n'égalait pas le sien, elle parvint à lui en inspirer, avec une gaîté si douce et si vraie, qu'elle fit naître le rire sur ses lèvres. Arrivée sur la place où était dressé l'échafaud, elle s'inclina devant la statue de la Liberté, et prononça ces paroles: O Liberté, que de crimes on commet en ton nom! Conservant son

air calme et la sérénité de ses traits sur l'échafaud même, elle fut décapitée le 8 novembre 1793, à l'âge d'en

viron quarante ans. En mourant, elle n'eut qu'un regret : ce fut de ne pouvoir transmettre les sentiments nouveaux et extraordinaires qu'elle ve nait d'éprouver, dans sa route, depuis la Conciergerie jusqu'à la place de la Révolution ; en vain demandat-elle du papier et une plume; tout lui fut refusé : elle eût écrit au pied de l'échafaud, comme dans son cabinet, sans préoccupation, et avec une raison tranquille. Voici le portrait qu'a laissé de cette femme extraordinaire un écrivain (Riouffe), qui partagea sa captivité. « Mme. Roland » avait l'ame républicaine dans un >> corps pétri de grâces, et façonné » par une certaine politesse de cour. » Dans sa prison, elle parlait sou » vent à la grille, avec la liberté et le courage d'un grand homme. Ce » langage républicain, sortant de la » bouche d'une jolie Française, dont > on préparait l'échafaud, était un » miracle de la révolution. Les dé>> tenus étaient tous attentifs autour » d'elle, dans une espèce d'admira » tion et de stupeur. Sa conversation » était sérieuse sans être froide; >> s'exprimait avec une pureté, un » nombre et une prosodie qui fai »saient de son langage une espèce de » musique, dont l'oreille n'était ja » mais rassasiée : quand elle parlait » de ses amis, elle ne leur reprochait » que de n'avoir pas pris des mesu >> res assez fortes. Quelquefois aussi » son sexe reprenait le dessus, et l'on

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elle

voyait qu'elle avait pleuré au sou» venir de sa fille, et de son époux: » ce mélange d'ainollissement natu»rel et de force la rendait plus in» téressante. » Elle avait dit que son époux ne lui survivrait pas. En effet, rien de plus tendre que leur union, que n'avait jamais troublé le plus léger nuage. L'ordre, l'écono

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