Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

RECHERCHES

SUR L'HISTOIRE DE LA

CORPORATION DES MÉNÉTRIERS

OU JOUEURS D'INSTRUMENTS

DE LA VILLE DE PARIS.

TROISIÈME PÉRIODE (1).

La corporation des joueurs d'instruments de la ville de Paris aidée, d'un côté, par des temps favorables à l'esprit de monopole et aux prétentions de domination universelle qu'elle avait proclamés; de l'autre, par l'état encore peu avancé de l'art, qui lui permettait de se tenir jusqu'à un certain point à la hauteur de ses progrès, avait pu, durant les deux périodes précédentes, naître, se développer, et monter insensiblement à son apogée. Mais il n'en est plus de même à l'époque à laquelle nous sommes parvenus les principes de liberté dans les arts et l'industrie, qui commencent à se répandre, vont s'opposer au système de privilége qui forme la base de l'existence de la corporation; en même temps, l'établissement de plusieurs autres corps privilégiés va lui créer une concurrence nuisible, et l'art, marchant à pas de géant, laissera loin derrière lui le talent modeste du ménétrier. Aussi, verrons-nous une longue série de luttes et une période de décadence succéder à la période de prospérité que nous avons parcourue.

Dès le commencement de cette troisième période, nous rencontrons un nouveau règlement à en juger par ce troisième

(1) Voy. Bibliothèque de l'École des Chartes, t. III, p. 377, et t. IV, p. 525 et suivantes.

code de législation, la corporation va entrer dans son ère la plus prospère. Tout, dans ces statuts, dénote un état de vie et de force qui semble lui promettre encore un long et brillant avenir. De nouvelles taxes, en harmonie avec le développement qu'avaient pris depuis deux siècles l'industrie d'instrumentiste et la richesse publique, y sont établies sur la maîtrise et sur l'apprentissage. Les amendes y sont également élevées proportionnellement à ce développement; des subsides de toutes sortes y sont imposés dans l'intérêt du roi des ménétriers, et celui-ci y proclame solennellement ses droits à la suprématie générale du jeu des instruments; mais ces apparences de vie et de force ne doivent point nous tromper: produit de l'époque précédente, ce règlement est, ainsi qu'on le verra, moins l'expression d'une prospérité actuelle que d'une prospérité passée.

Les nouveaux statuts furent promulgués dans l'année 1658 par Guillaume Ier Dumanoir, violon de la chambre, que le roi Louis XIV, pour le récompenser de son talent (1), promut à la charge de roy et maistre des ménestriers et de tous les joueurs d'instrumens tant hauts que bas du royaume, après la mort de Louis Constantin, par lettres du 20 novembre 1657 (2).

Les dispositions des nouveaux statuts, dont le titre porte qu'ils sont promulgués pour toutes les villes de France, se classent sous les chefs suivants : Police et taxes de l'apprentissage et de la maîtrise ordinaire, maîtrise de salle, priviléges et obligations des maîtres, droits de confrérie, choix et fonctions des jurés, juridiction du roi des violons.

Voici le sommaire des articles placés dans l'ordre que nous venons d'indiquer :

Article 1er. Les maîtres, tant à Paris que dans les provinces, ne peuvent prendre d'apprentis que pour quatre années, et ils ne peuvent les dispenser que d'une année d'apprentissage, sous peine de 150 livres d'amende pour les maîtres qui accorderaient

(1) Bonnet. Histoire de la musique et de ses effets, p. 325 et 326.

(2) Voyez ces lettres, avec leur enregistrement à la prévôté de Paris et au parlement, imprimées en une demi-feuille in-4". Un exemplaire de cet imprimé est conservé dans l'étude de Me Dessaignes, notaire à Paris, carton Dépôt par MM. les Organistes de leurs titres contre les Maîtres à danser. M2 Gervais, notaire, 29 décembre 1750, pièce cotée neuvième. Nous dirons plus loin à quelle occasion fut fait ce dépôt, que Me Dessaignes, le dernier successeur de Me Gervais, a bien voulu nous communiquer avec autant de grâce que de libéralité.

une dispense de plus d'une année, et d'exclusion à tout jamais de la maîtrise pour les apprentis qui auraient surpris une telle dispense.

Art. 2. L'apprenti, à son entrée en apprentissage, doit être présenté, selon l'usage, au roi des violons, et son nom inscrit sur son registre et sur celui de la communauté. Le droit d'enregistrement est de 3 livres pour le roi des violons, et 30 sous pour les maîtres de confrérie ou jurés.

Art. 3. Défense est faite à tout maître, sous peine de 50 livres d'amende, d'enseigner son art à d'autres apprentis qu'à ceux qui se seraient engagés et demeureraient actuellement chez eux en cette qualité.

Art. 12. Défense est faite à tout apprenti, sous peine de ne pouvoir jamais aspirer à la maîtrise, d'exercer à son profit l'industrie de ménétrier pendant le temps de son apprentissage, comme aussi de l'exercer dans les tavernes et les mauvais lieux.

Art. 4. L'aspirant à la maîtrise musicale doit faire expérience devant le roi des violons, qui peut appeler à cette expérience vingt maîtres à son choix pour les aspirants non fils de maîtres, et six pour les fils et gendres de maîtres.

Art. 5 et 6. L'aspirant admis à la maîtrise doit prendre des lettres du roi des violons, et paye à la boîte de la communauté 60 livres s'il n'est pas fils de maître, et 25 livres s'il est fils ou mari d'une fille de maître.

Art. 17 et 18. Outre ces droits, l'aspirant, s'il n'est pas fils ou gendre de maître, paye 60 livres au roi des violons et 10 livres aux maîtres de confrérie, et, s'il est fils ou mari de fille de maître, 20 livres au roi et 5 livres aux maîtres.

Art. 19. Ces divers droits sont de la moitié pour les lieutenants du roi des violons et les maîtres de confrérie dans les provinces.

Art. 7 et 11. Suivant l'usage accoutumé, les vingt-quatre violons de la chambre du roi sont admis à la maîtrise sans faire expérience, et sur simple présentation de leur brevet de nomination à la charge de violon de la chambre; pour leur droit de maîtrise, ils payent à la communauté 50 livres; mais ils ne peuvent faire aucun exercice de leur art en dehors de la cour et en l'absence du roi de la ville de Paris.

Art. 20. L'usage immémorial d'admettre à la maîtrise de salle est continué. Pour chaque réception, il est payé 10 livres à la boîte de la communauté.

Art. 8. Les maîtres ont seuls le droit d'exercer la profession de ménétrier. Défenses sont faites à toutes personnes non admises à la maîtrise, ou non agréées par le roi des violons ou ses lieutenants, de tenir école de musique, salle de danse et de jouer des instruments moyennant salaire, sous peine de 100 livres d'amende et saisie et vente des instruments pour la première fois, et de punition corporelle pour la seconde.

Art. 9, Défense est faite aux maîtres, conformément aux sentences et arrêts rendus le 2 mars 1644 et 5 juillet 1648, et sous les peines qui y sont portées, de jouer des instruments dans les tavernes et les mauvais lieux.

Art. 10. Les maîtres des faubourgs et des justices subalternes ne peuvent exercer la profession de ménétrier dans les villes, ni former entre eux aucune jurande ou association au préjudice des droits du roi des violons, sous peine de 100 livres d'amende.. Art. 13 et 14. Défenses sont faites aux maîtres, de s'enlever les pratiques les uns aux autres; de s'offrir eux-mêmes pour jouer aux fêtes et aux noces; de conclure des marchés pour d'autres que pour leurs compagnons ordinaires; d'en conclure plusieurs à la fois et pour le même temps; de manquer aux engagements pris; de quitter les fêtes et les noces avant la fin, comme aussi de s'associer les vingt-quatre violons privilégiés ou autres individus non reçus maîtres, sous peine de 30 livres d'amende dans les premiers cas, et de 10 livres pour le maître, et 5 livres pour l'associé dans le cas d'association illicite.

Art. 15. Chaque maître paye, pour droit de confrérie, une cotisation annuelle de 30 sous. Cette somme, ainsi que le tiers de toutes les amendes qui doivent être partagées entre le fisc, la communauté et le roi des violons, est employée à l'entretien de la chapelle de Saint-Julien. Les sommes payées à la boîte de la communauté servent à ses besoins.

Art. 16 et 20. Nul, à moins de dispense spéciale, ne peut être élu maître de confrérie ou juré de la corporation sans avoir été reçu maître de salle. Les jurés, élus tous les ans le jour de la Saint-Thomas (21 décembre), rendent compte, à la fin de chaque année, des sommes perçues tant pour droits de communauté que pour ceux de confrérie. Cette reddition de compte a lieu en présence du roi des violons et des maîtres de salle.

Art. 21. Le roi des violons ne pouvant être présent dans toutes les villes du royaume, est autorisé à se nommer des lieu

[ocr errors]
[ocr errors]

trompettes et sans tambours, et comme si mesme dans toutes ⚫ les occasions de surprise on ne se passoit pas entièrement de ce bruit ordinaire de la milice.

[ocr errors]

« J'avoue bien avecque vous que ce n'est pas précisement l'harmonie qui forme les démarches et les figures d'une dance et que cela dépend de l'industrie du danceur : comme ce ne sont point les tambours ni les trompettes qui rangent les troupes - d'une armée, et que cet ordre dépend de la conduite et de la << suffisance des chefs; mais il faut confesser aussi qu'on n'ordonne pas une armée sur le bruit des trompettes ou des tambours, «< comme l'on ajuste une dance et sur les mouvemens et sur les «< airs de la musique. Et il s'ensuit de là que si je ne suis pas précisément la mère de la dance, du moins en suis-je l'ayeule, pour ainsi dire, à l'égard de la production, comme j'en suis la sœur et la compagne inséparable en tout ce qui peut être de sa pra"tique. »

[ocr errors]

La démonstration que faisait le roi Guillaume de l'union intime. de la musique et de la danse, et par suite des deux maîtrises, était péremptoire. A la vérité il se trompait lorsque, contrairement aux origines et à l'histoire du corps, il affirmait dans son factum que celui-ci avait été fondé bien plus pour la maîtrise de danse que pour celle du jeu des instruments, et que liberté entière avait été laissée à l'art musical. Ce n'était point pour la maîtrise de danse que la corporation avait été établie, mais bien pour celle des instruments; ce n'est qu'accessoirement, dans des temps récents et à cause de l'emploi du violon pour l'étude de la danse, que celle-ci y avait été rattachée. Du reste, quoique ajoutée après coup, la maitrise de danse était devenue partie intégrante du privilége de la corporation, et le roi Guillaume était complétement fondé en raison lorsqu'il voulait rendre la nouvelle académie tributaire de son sceptre. Ses efforts ne furent point couronnés de succès. Protégée par un prince amateur de la danse, abritée par une dénomination pompeuse, et se rattachant d'ailleurs à un ensemble de créations qui embrassaient l'universalité des beaux-arts, l'académie triompha. A la date du 30 août 1662, intervint un arrêt du parlement qui, statuant sur l'opposition formée contre l'enregistrement qui avait eu lieu dès le 30 mars précédent, mit simplement les parties hors de cour et de procès (1).

(1) Voyez cet arrêt. Lettres patentes du roi pour l'établissement de l'Académic royale de danse. Paris, 1663, in-4°, p. 15.

« VorigeDoorgaan »