Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

toute sa vie de publier sa Défense de la déclaration, et lorsque cet ouvrage parut, longtemps après sa mort (en 1730), on examina sérieusement à Rome si on ne devait pas le proscrire. On s'en abstint néanmoins, non pas tant par respect pour la mémoire de l'auteur que par crainte d'exciter de nouvelles collisions (1).

Il nous reste peu de chose à dire pour terminer cette histoire, qui vient se perdre désormais dans l'histoire bien connue de la déclaration de 1682.

Le nom de Du Puy n'apparaît plus que par intervalles dans la querelle; les haines s'apaisent autour de lui à mesure que son importance diminue, et l'on voit s'atténuer insensiblement jusqu'au souvenir de cette longue réprobation. On en peut juger par cette note de l'ouvrage de Bossuet:

[ocr errors]
[ocr errors]

« Petrus Du Puy, vir inter Gallos de Ecclesia deque republica op<< time meritus, anno 1638, una cum fratre suo Jacobo, publici juris « fecit librum, cui titulus : Traité des droits et libertés de l'Église galli« cane; eique libro alterum adjunxit sub hoc titulo: Preuves des libertés « de l'Église gallicane. In illo altero libro, varia monumenta collegerat ex tabulariis Franciæ et suprema Curiæ Parisiensis, ex col« lectionibus canonum, actis conciliorum, capitularibus et decretis Regum Galliæ, ac demum ex historiis. Sed statim atque excusus « est ille liber, nuntius apostolicus proscribi petiit; et quidem illius « impulsu, consilium regium eodem anno cavit edicto ne venderetur; << quia nempe excusus fuerat nullo regiæ majestatis privilegio munitus. « Anno autem 1639, Episcopi numero XIX, hunc librum, lata sen<< tentia, proscripserunt, non quod regni jura proscripta esse vellent, . et Ecclesiæ gallicanæ libertates, sed quod in eo quædam nimia, quæ<dam etiam parum accurata reprehendebant. Itaque fratres Du Puy « opus suum ad incudem retraxerunt, quod multis monumentis auc<< tum, Theologis retractandum commiserunt; sicque iterum prodiit, « anno 1651, cum Regis privilegio (2). »

[ocr errors]

(1) Voyez la lettre de Benoît XIV rapportée par le cardinal de Beausset. Histoire de Bossuet, t. II, pag. 428, pièces justif. du livre VI.

(2) Defensio declarationis cleri gallicani, dans les œuvres complètes de Bossuet. Versailles, Lebel, 1815, 1820, t. XXXIII, page 356. Cette note est empruntée à l'édition de Paris. L'authenticité de la Defensio, telle que nous la possédons, me paraît complétement prouvée par le cardinal de Beausset (Hist. de Bossuet, pièc. just. du liv. VI). Quant à l'authenticité de cette note en particulier, on en pourrait douter, si l'on ne trouvait dans le récit de P. de Marca le point de départ de toutes les erreurs historiques qu'elle contient. Aussi bien la hauteur de vue de Bossuet avait dû lui faire oublier toutes ces colères qui n'avaient pas été sans compromettre la royauté. Du reste,

On a vu, au contraire, par la suite de notre récit, que les circonstances où le privilége a été obtenu, les termes de ce privilége et les réclamations postérieures du clergé sont incompatibles avec la version de Bossuet; mais c'est cette erreur même qu'il importe d'observer. La paix semble alors si bien faite entre Du Puy et les docteurs du gallicanisme orthodoxe, que Fleury allait puiser dans les Preuves, « ce recueil de fausses et hérétiques servitudes, plus d'un document à l'appui de son Institution au Droit canonique et de ses Discours sur les Libertés.

[ocr errors]

Cependant, par deux fois dans le cours du dix-huitième siècle, les livres de Du Puy apparaissent encore à des époques critiques, mais c'est dans des circonstances toutes nouvelles. Comme ces livres étaient l'âme des Parlements, ils semblent appelés à raviver contre le Roi luimême les vieilles traditions parlementaires. En 1731, la bulle Unigenitus venait d'être enregistrée dans un lit de justice; le Parlement avait protesté au nom des Libertés; l'arrêt fut cassé, le Parlement exilé; ce fut le moment que choisit un jurisconsulte pour donner l'édition la plus complète qui eût encore paru des Traités et des Preuves (1731) (1).

Puis, en 1771, lors de la création du Parlement Maupeou, Durand de Maillane publia les « Libertés de l'Église gallicane prouvées et com<< mentées suivant l'ordre des articles dressés par P. Pithou, sur les << recueils de P. Du Puy (2). »

il se défend dans ce passage même de son ouvrage de partager toutes les idées des jurisconsultes..... « Quasi metuendum sit, ne antistites gallicani omnia Fevreti, Puteani, << omnia ab antecessoribus rejecta toties, probasse videantur. » Ibid. C'est dans le même esprit qu'il écrivait, le 1er décembre 1681, au cardinal d'Estrées, à propos du sermon sur l'unité de l'Église : « Pour venir maintenant un peu au fond, je dirai à Votre « Éminence que je fus indispensablement obligé à parler des Libertés de l'Église gallicane: elle voit bien à quoi cela m'engageoit, et je me proposai deux choses : << l'une de le faire sans aucune diminution de la vraie grandeur du saint-siége; l'au«<tre de les expliquer de la manière que les entendent les évêques, et non pas de la << manière que les entendent les magistrats. » Éd. de Versailles, t. XXXVII, p. 244.

(1) Ces deux ouvrages formèrent cette fois chacun deux volumes. Les Preuves furent réimprimées suivant l'édition de 1651, mais on ajouta aux traités : 1o le traité de Du Puy concernant la juridiction criminelle sur les ecclésiastiques; 2o le discours du cardinal Bertrand contre Pierre de Cugnières; 3o le commentaire de Du Puy sur le traité de Pithou, imprimé plusieurs fois séparément; 4° le songe du Vergier, 5o et la Remonstrantia Hibernorum contra Lovanienses ultramontanasque censuras. (2) « C'est, dit M. Dupin (Manuel de droit ecclés., p. 439), l'édition la plus complète (du commentaire) et la plus commode pour les recherches. Maillane a fait un

"

«< choix des principales preuves qu'il rapporte sur chaque article, et renvoie pour les pièces plus étendues au recueil de Du Puy. »

[ocr errors]

Ici finit cette notice; mais, pour qui voudrait faire l'histoire effective de ces livres, l'histoire des idées dont ils furent l'expression, il faudrait remonter plus haut, et descendre plus avant dans le passé. A toutes les époques, on retrouverait ce même antagonisme entre le clergé et l'ordre laïque, Barons, Tiers État ou Parlements. Qu'on prenne au hasard dans les faits classiques: le différend de 1302, le plaidoyer de Pierre de Cugnières (1326) (1), le concile de Pise, le concile de Trente, et les démêlés qui s'ensuivirent, la Ligue et les États de 1614, partout et toujours on verra le clergé de France plus défiant du Roi que du Saint-Père. En rattachant tous ces faits dans leur ensemble, on rencontrerait en chemin la théorie mise en honneur par le comte de Maistre, sur le caractère démocratique et libéral de la papauté au moyen âge. On se demanderait quel entrainement irrésistible porta constamment le peuple de France du côté du Roi dans ces affaires; s'il est vrai qu'il y ait dans cette position du peuple contradiction réelle et inintelligence de ses vrais intérêts; comment il se fait néanmoins que de cette lutte ressorte le premier symptôme de notre vie nationale, et comment les peuples qui ont manqué jadis de l'énergie de la résistance pour sauver leurs libertés ecclésiastiques, n'ont pas su retrouver plus tard le principe d'une autre énergie? Il faudrait enfin saisir dans les discussions de l'Assemblée nationale, dans les longues divisions du schisme constitutionnel, et même encore par delà, la trace du gallicanisme parlementaire; mais un pareil sujet, outre qu'il est beaucoup au-dessus de mes forces, ne saurait aujourd'hui trouver place dans ce recueil, et je serais heureux d'avoir pu seulement disposer quelques matériaux pour l'auteur de cette histoire.

(1) Les canonistes rattachent généralement à ce plaidoyer le droit que s'étaient attribué les cours laïques de connaître du possessoire des matières bénéficiales, parce que, disait-on, il s'agissait d'une question de fait qui était de la compétence du sens commun. Pascal, dans sa dix-neuvième Provinciale, où il fait appel à toutes les passions parlementaires, propose sérieusement de déférer au parlement le point de fait du grand procès janséniste : « Nous aurons le plaisir de leur voir examiner régulière<< ment et ce en pleine assemblée des chambres, si ces cinq propositions sont dans le «< livre de Jansenius; nous saurons si c'est une témérité de ne le pas croire, et nous « verrons le jugement du pape exposé au jugement du parlement. )) (( Autrefois, dit Fénelon, l'Église, sous prétexte du serment des contractants, jugeoit de tout. Au«jourd'hui les laïques, sous prétexte de possessoire, jugent de tout. » T. XXII, éd. de Versailles, p. 587, Plans de gouvernement.

GABRIEL DEMANTE.

SÉANCE PUBLIQUE

ANNUELLE

DE L'ACADÉMIE

DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

9 août 1844.

La séance publique annuelle de l'Académie des inscriptions et belleslettres est, pour ainsi dire, la fête patronale de l'érudition, fête grave et sévère, d'où sont bannis les divertissements et les jeux de l'esprit, et où la science rencontre seule sûreté et protection. Voilà pourquoi, sans doute, cette solennité n'a jamais été très-fréquentée. Il y a là-dessus deux anecdotes malicieuses, que je n'oserais rapporter si elles n'émanaient du sein même de l'Académie. Feu M. Dacier, qui fut, comme l'on sait, l'un des secrétaires perpétuels de cette Compagnie, avouait volontiers, dit-on, qu'au temps où l'Institut siégeait au Louvre, deux huissiers, presque deux raccoleurs, placés à la porte extérieure qui donnait sur le quai, s'adressaient aux passants d'élite, et leur offraient gracieusement des billets d'entrée, en leur demandant s'il pouvait leur être agréable d'assister à une séance de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Un autre Académicien, M. Raynouard, qui, certes, n'était point suspect d'irrévérence envers l'érudition, m'a conté lui-même, avec quelque coquetterie, le trait suivant qu'il s'était permis. On apprit un jour, à l'Académie, que des billets avaient été vendus à des étrangers, à des Anglais, peut-être, gens dont la curiosité ne recule devant aucune épreuve; on s'en émut, comme d'une inconvenance qui compromettait le corps, et quelqu'un demandant si les auteurs de ce trafic ne pourraient pas être punis : « Oui, répondit M. Raynouard, ils peuvent l'être; il faut même qu'ils le soient, et sévèrement : j'opine, en conséquence, pour qu'on les condamne à assister à une séance tout entière. ».

De ces plaisanteries innocentes, et de tant d'autres, on ne saurait que rire, sans en rien conclure; mais on peut confesser, toutefois, qu'elles accusent, sous une forme frivole, un état de choses sérieusement regrettable; c'est, d'un côté, le peu d'empressement du public, même éclairé, à encourager les pénibles travaux de l'érudition, et, d'autre part, le peu de souci que prennent, en général, les érudits pour intéresser le public, sinon pour lui plaire. Il semble que ce soit entre eux comme une lutte d'amour-propre, comme un point d'honneur, et l'on dirait que c'est à qui ne fera point les avances. L'un veut être amusé; les autres ne veulent pas être amusants. Qui a tort ou raison? le public ou les érudits? Tous deux, ce semble: le public, d'abord, avec ses prétentions exagérées et sa tendance à dédaigner tout ce qui ne le charme pas presque malgré lui; il devrait comprendre que l'érudition n'a pas pour objet direct de lui procurer des jouissances littéraires. Mais aussi, disons-le, les érudits sont parfois, avec beaucoup de science, si agrestes, si mal léchés, et cela le plus souvent de parti pris et par système; ils méprisent tant la forme et sont si amoureux du fond, qu'ils ne sauraient exercer aucun attrait, aucune séduction.

C'est ce que plusieurs ont très-bien senti, qui se sont gouvernés de façon à éviter cet écueil : aussi ceux-là sont lus, écoutés avec intérêt, avec plaisir, et partant avec fruit. Il n'en manque pas à l'Académie, et déjà, l'an dernier, nous aimions à le remarquer. De ce nombre est M. Ch. Lenormant, esprit vif et net, souple et facile, qui saisit promptement, et bien, et beaucoup à la fois, qui manie un sujet, quel qu'il soit, avec infiniment d'aptitude et de bonheur, et qui fait toujours d'heureux efforts pour être compris et apprécié. Cette année, pour la seconde fois, M. Lenormant était rapporteur de la commission des Antiquités nationales. Il s'est acquitté de sa tâche comme d'habitude, non pas seulement en savant, mais en homme de goût, et qui veut être goûté; c'est-à-dire qu'il y a mis tout l'intérêt dont le sujet était susceptible. Et ce que nous en disons n'est point par reconnaissance, comme on pourrait bien le croire. M. Lenormant, en effet, a caractérisé en des termes d'une si rare bienveillance le mérite et la science d'un de nos confrères, qui était là; il a trouvé des paroles si simplement touchantes et si bien senties pour un autre de nos confrères, qui ne pouvait plus l'entendre; il a si peu marchandé l'éloge à celui-ci et l'encouragement à celui-là, qu'il nous serait difficile, à nous qu'on n'a jamais gâtés sous ce rapport, de ne pas lui en savoir un gré infini. Mais ce qui donne du prix à cette faveur, ou, si l'on veut, à cette

« VorigeDoorgaan »