Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Je, Pierre Sauvage, secrétaire et conseiller de monseigneur le duc d'Orléans, certifie à tous que, comme depuis le xxr jour d'octobre deirenierement passé, que je arrivay de Saumur sur Loyre en ceste ville, avecques monseigneur Jehan de Rochechouart, seigneur de Mortemart, et le xxvre jour dudit mois, que maistre Jehan de Tullières, maistre Hugues Perrier, Jaquet Colins, garde de la tapicerie de mon dit seigneur le duc, et Simon de la Croix, répareur d'icelle, y vindrent, nous tous pour amener et conduire audit lieu de la Rochelle, les chartres, livres, tapiceries, et autres biens plusieurs de mondit seigneur le duc, extraitz et levés de son chastel de Blois, et par nous dessus diz, mis et dechargiés en ladicte ville, devers mon dit seigneur de Mortemar, en son habitacion et demeuré, et en sa garde, il nous ait tous dessus diz convenu demourer en la dicte ville, à cause des diz biens, jusques au xIr jour de novembre ensuivant, pour les asseoir et mettre à point, et pour inventoires delivrer et laisser à mondit seigneur de Mortemar, pour les garder et saulver à mondit seigneur le duc, excepté lesdites chartres, que le dit maistre Jehan de Tuillières, qui d'icelles depieça a la garde, lesquelles il a fait mettre en deux fardeles liés de cordes à toille, et estoupes, en manière de draps ou de marchandises, lesquelx il a laissiés et mis ou dit hostel avecques les autres diz biens, sans en avoir fait illec aucun inventoire. Nous le dit temps durant, tous dessus diz, avons esté continuelement logiez XIes personnes en l'ostel de mondit seigneur de Mortemar, à ses propres coustz et despens, et deux miens chevaulx avecques les siens, fournis de ses foing, avoine et lictière jusques au dit XIIe jour de novembre, que les diz maistre Jehan et maistre Hugues et leurs deux suites s'en partirent pour leur retour, restèrent environ huit jours qu'ilz furent logiés hors du dit hostel. Et aussi par deliberacion et apointement lors prins par mon dits seigneur de Mortemar et lesdiz maistre Jehan et maistre Hugues, il m'a convenu pour certaines causes touchant lesdiz biens, puis leur dit partement, cy demourer sans en estre partiz, jusques à ores que Dieu devant, j'entreprens le pelerinage de Notre Dame du Puy; pendant tout lequel temps j'ai continuelement esté comme dessus, à la charge et despen de mon dit seigneur de Mortemar, moy deuxiesme, tousjours buvans et mangens en son dit hostel, ma mule en ses estables, à son foing et litière seulement, et à semblable charge et despense avecques la

dite mule, un cheval que j'ay achatté pour faire le dit voyage, puis le mercredi XVI, jour du mois présent jusques à ce jour de mon partement, ouquel hostel, tant en vivres comme autrement, tous avons tousjours esté moult largement et honnorablement pourveus et servis, et par mon dit seigneur de Mortemar et ses gens, très doulcement et bien traictiés, sans ce que de mondit seigneur le duc, ne de par lui, ne d'autre de nous dessus diz, ait été faicte aucune recompensacion, satisfacion ou paiement de toute la dite charge et despense, ou de partie d'icelle, par nous dessus diz, ainsi fait que dit est. En tesmoing et averement de toutes les choses dessus dictes, j'ai ceste patente lettre escripte de ma propre main, et signée de mon seing manuel en la dicte ville de la Rochelle, le derrenier jour de fevrier MCCCCXXVIII.

Signé P. SAUVAGE.

Il résulte de ce document que les objets emportés de Blois avaient été déposés dans l'hôtel du seigneur de Mortemart, à Saumur; qu'ils y restèrent jusqu'à la fin d'octobre 1428 (1), et qu'à cette époque on les fit voyager de nouveau pour les mener à la Rochelle. Quelles circonstances avaient nécessité cette nouvelle translation? C'est que les Anglais n'ayant pas réussi dans leur expédition de 1427, une armée formidable fut rassemblée l'année suivante sous les ordres du comte de Salisbury pour aller mettre le siége devant Orléans; que cette fois toutes les dispositions avaient été si bien prises qu'il paraissait impossible que les pays riverains de la Loire ne tombassent pas au pouvoir des ennemis, et que les premiers succès de la campagne, ouverte par la conquête du Hurepoix, avaient jeté l'effroi dans le reste de la France. On sait comment l'apparition de Jeanne d'Arc arrêta tout à coup la prospérité des Anglais.

Pour terminer cette histoire de la translation de la bibliothèque et des meubles du château de Blois, nous rapporterons l'article 3510 du Catalogue imprimé des archives de Joursanvault :

« Charles d'Orléans ordonne à H. de Saint-Mars et à H. Perrier d'aller à la Rochelle pour retirer des mains du sire de Mortemart les chartes, livres, bijoux, tapisseries, etc., qui lui avaient été remis lorsque les Anglais vinrent mettre le siége à Orléans. 1435. »

Ainsi le duc avait pourvu, même avant son retour d'Angleterre, à ce

(1) Il faut faire attention que la déclaration de Pierre Sauvage est datée suivant l'ancien style, et qu'elle appartient à l'année 1429.

que sa bibliothèque fût réintégrée dans son château. Un autre article du même Catalogue (no 851) s'ajoute à celui-ci pour montrer quelle sollicitude le prince captif avait pour ses livres, et que dans sa prison il songeait encore à en augmenter le nombre, malgré l'impatience qu'il devait avoir de réunir l'argent exigé pour sa rançon : « En 1427, le duc d'Orléans achète de la veuve de Louis de Trie un petit livre où sont les armes d'Orléans et la signature du duc de Berri; lequel avait été pris autrefois sur les ennemis du roi par le seigneur de Guitry. »

S'ensuient les livres de monseigneur le duc d'Orliens, par maistre Jehan de Tuilies, licencié en lois, et lieutenant de monsieur le gouverneur de Blois, devers lequel ilz ont esté en garde, bailliés et délivrés le dernier jour de may l'an mil quatre cens vint-sept, à messire Jehan de Rochechouart, chevalier, seigneur de Mortemar, chambellan, et maistre Pierre Sauvage, secrétaire, et conseiller de mon dit seigneur le duc, par lui ordonnés et commis à yceulx livres retraire et rassambler, pour en faire et disposer par le dit seigneur de Mortemar, selon ce que mon dit seigneur le duc lui doit avoir naguères ordonné et commandé.

1. Une Bible translatée en françois, neufve, historiée, à lettre de forme et à grans lettres et nombres d'or.

Historiée, veut dire enrichie de miniatures. Lettre de forme, est le nom qu'on donnait à une écriture assez forte, dont les caractères se terminaient en pointe, et qui servit de modèle aux types des premiers livres imprimés. A grans lettres et nombres d'or, signifie que cette bible était décorée d'initiales et de chiffres peints en or.

Louis d'Orléans avait légué à son fils plusieurs bibles en français. L'une d'elles lui venait de sa mère, comme le prouve ce passage d'une quittance datée du 12 mars 1392, par laquelle Jean Poulain, trésorier du duc, paye aux exécuteurs testamentaires de la princesse une somme de deux mille huit cent quarante-quatre livres, tant pour certains livres de chappelle, la Bible en françois et plusieurs autres livres en roumans, etc. (Catal. des archives de M. le baron de Joursanvault, n° 831.) Au mois de décembre 1397, Louis d'Orléans avait acquis une autre bible d'un certain Pierre de Véronne. On lit à ce sujet dans une cédule signée de lui et adressée à son trésorier: « Jean Poulain, faictes paier, bailler et délivrer à Pierre de Véronne, à son certain commande

ment, la somme de trois cens frans d'or que nous avons ordonné lui estre baillée pour cause d'un Tite-Live, et d'un Boesce, de Consolacion, et d'une bible translatée et escripte en françois. » Bien plus, une traduction nouvelle de la Bible fut faite, dès l'année 1396, aux frais du même Louis d'Orléans. Plusieurs docteurs en théologie concoururent à cette œuvre, qui était la continuation d'un travail commencé d'après les ordres du roi Jean, par un nommé Jean de Sy (1). C'est ce que prouvent différentes quittances données par ces docteurs, et qui sont conçues dans la forme que voici :

<< Sachent tuit que je frère Jehan Nicholas, de l'ordre des frères prescheurs, docteur en théologie, confesse avoir eu et reçeu de monseigneur le duc d'Orliens, par les mains de Godefroy Lefèvre, varlet de chambre. et garde des deniers, des coffres de mondit seigneur, la somme de vingt escus d'or pour labourer sur la translation de la Bible en françois, laquelle fist commencier le roy Jehan que Dieux absoille. En tesmoing de ce, ay escrit ceste cédule de ma propre main, et y ay mis mon signe manuel avec mon sel... quoy j'ay acoustumé à user. Fait le tiers jour de septembre, l'an mil CCC IIII. xvij. Signé M. J. Nicholas (2). »

Sous la date du 22 novembre 1398, Thévenin Angevin recevait cent écus d'or du même duc d'Orléans « pour acheter parchemins et pour payer les escripvains et enlumineurs qui escripvent et enluminent pour mondit seigneur la grant Bible glosée, les Chroniques de Burgues, les Lamentations de saint Bernart, le livre de l'empereur Celestiel et autres livres (3). » Le mois suivant, Thévenin recevait encore « la somme de douze vins escuz d'or, pour baillier et distribuer aux translateurs qui

(1) Je trouve à cet égard, dans l'Inventaire de la Bibliothèque du roi Charles V, sous le n° 269: « LXII caiers de la Bible que commença Maistre Jehan de Sy, et laquelle faisoit translater le roy Jehan, dont Diex ait l'ame, à Mons. d'Anjou. IV may 1381. » Et sous le n° 12: « Un volume couverz de deux aiz blanz, ouquel sont contenus aucuns des livres de la Bible en françois, c'est assavoir les v livres Sallemon, Isaie et Jheremye jusques au xvшe chapitre de l'exposition sur iceux, faite par maistre Jehan de Sy, du commandement du roy Jehan, dont Diex ait l'ame. Le confesseur la fist bailler à Mons. d'Angou, régent du royaume. » L'autre volume ainsi couvert, ou quel sont contenuz les v livres de Moyse, Josué, et le premier chapitre du livre des Juges. » Inventaire ou Catalogue de l'ancienne Bibliothèque du Louvre, fait l'année 1373, par Gilles Mallet, etc. (publié par M. Van-Praet).

--

(2) D'après l'orig. de la Bibl. partic. du Roi. Voy. Arch. Jours., no 840. Autre quittance du même jour d'Estienne de Chaumont, docteur en théologie, autre du 5 janvier 1397 de Simon Domont, maistre en théologie; de Guillaume Vivian, de Jean de Chambly, maistres ès arts et licentiés en théologie. Autres quittances de Simon Domont, du 5 mai 1398, de Jehan Nicolas, du 6 mai. Arch. Jours., no 843. (3) Bibl. partic. du roi. — Arch. Jours., no 844.

translatent pour mondit seigneur la Bible glosée en françois, laquelle fist commencier le roy Jehan que Dieu absoille (1). »

2. Ung Ovide Metamorphoseos, en françois et lettres courant, rimé, couvert de veloux noir; et le dit livre tout neuf a deux fermaulx samblans d'argens dorés, esmailliés aux armes de mon seigneur d'Orléans.

Ce sont probablement les Métamorphoses d'Ovide traduites et moralisées en vers français, dans le quatorzième siècle, par un évêque de Meaux, nommé Philippe de Vitry. La Bibliothèque du roi possède deux manuscrits de cet ouvrage, nos 6986 et 69862.

Lettres courant indique que le ms. de Blois était exécuté en cursive. Les fermoirs semblant d'argent doré aux armes d'Orléans avaient été fabriqués par un nommé Josset d'Esture, orfévre à Paris, comme le prouve la quittance qui suit:

« Josset d'Esture, orfèvre, demourant à Paris, confesse avoir eu et receu de Denis Mariete, argentier de monseigneur le duc d'Orléans, la somme de quatre vins trois frans, quinze sols, quatre deniers tournois, qui deuz lui estoient pour vint paire de fermouers d'argent dorez et esmaillez aus armes de mondit seigneur, qu'il a faiz et delivrez pour vint des livres de la librayrie de mondit seigneur, pesans en somme six mars une once dix esterlins d'argent, et six frans quinze sols tournois, le marc valent quarante-un francs quinze sols quatre deniers tournois. Pour la façon d'iceulx, pour dorer et esmailler, trente huit frans dix sols tournois, et pour tissus de soye pour yceulx fermouers, trois frans dix sols tournois, lesquelles parties font ladicte somme de quatre vins trois frans quinze sols quatre deniers tournois, de laquelle, etc. Fait l'an mil ccc j** et dix sept, le mardi, dixiesme jour de juillet.» (Biblioth. partic. du roi.)

-

3. Une Légende dorée en latin et en lettre de forme, neufve, couverte de veloux noir, non historiée, sans fermoers.

Cet exemplaire de la Légende dorée était sans doute l'un des deux que Louis d'Orléans acheta le 13 février 1396 au nommé Jehan Cachelart, bachelier en décret, pour la somme de quarante écus d'or. (Arch. Jours., no 838.)

[blocks in formation]
« VorigeDoorgaan »