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>> une apparition de la grandeur de la nation, » qui déjà était à moitié détruite, après avoir » menacé de conquérir le monde; tandis qu'ils >> voyaient verser dans une poésie toujours nou» velle toute l'harmonie des mètres les plus » variés, toute l'élégance du jeu le plus spiri>>tuel, toute la magnificence des images et des >> comparaisons que leur langue seule peut per>> mettre. Les trésors des zones les plus éloignées » étaient en poésie, comme dans la réalité, im» portés pour satisfaire la mère-patrie, et l'on >> peut dire que dans l'empire de cette poésie, » comme dans celui de Charles-Quint, le soleil » ne se couchait jamais.

>> Même dans les drames de Caldéron, qui re» présentent les mœurs modernes, et qui, pour » la plupart, descendent au ton de la vie com» mune, on se sent enchaîné par un charme » fantastique, et l'on ne saurait les considérer >>> comme des comédies, dans le sens ordinaire » du mot. Les comédies de Shakespeare sont >> toujours composées de deux parties étran» gères l'une à l'autre, la partie comique, qui >>> est toujours conforme aux mœurs anglaises >> parce que l'imitation comique doit se rapporter >> à des choses locales et bien connues, et la » partie romantique, qui est toujours importée » de quelque théâtre méridional, parce que le » sol natal n'est pas suffisamment poétique. En

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Espagne, au contraire, le costume national » peut encore être pris sous son côté idéal. Il est » vrai que cela n'aurait point été possible, si >> Calderon nous avait introduits dans l'intérieur » de la vie domestique, où le besoin et l'habi»tude réduisent tout à des limites étroites et >> vulgaires. Ses comédies finissent, comme celles >> des anciens, par des mariages, mais combien » tout ce qui précède ce dénouement est diffé» rent. Là, pour satisfaire des passions sen>>suelles et des vues égoïstes, on emploie sou>> vent des moyens très-immoraux; les hommes, » avec toutes les forces de leur esprit, n'y sont >> que des êtres physiques opposés les uns aux >> autres, et ils cherchent à profiter de leurs >> faiblesses pour se surprendre. Ici domine >> avant tout, un sentiment brûlant et passionné, » qui ennoblit tout ce qui l'entoure, parce qu'il >> attache à toutes les circonstances une affection » de l'âme. Calderon nous représente, il est vrai, >> ses premiers personnages des deux sexes dans >> les premiers bouillons de la jeunesse, et dans >> l'ambition confiante de toutes les jouissances » de la vie ; mais le prix pour lequel ils luttent, >> et qu'ils poursuivent en rejetant tout le reste, >> ne peut à leurs yeux être échangé pour aucun >> autre bien. L'honneur, l'amour, la jalousie » sont les passions dominantes; leur jeu, leur jeu, noble >> et hardi, forme le noeud de la pièce, qui n'est

TOME IV.

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>> point compliqué par des friponneries, ou » d'industrieuses tromperies; l'honneur y est » toujours un système idéal, qui repose sur une » morale élevée, qui sanctifie le principe, sans » songer à ses conséquences. Il peut, en descen»dant à des opinions de société, à des pré» jugés, devenir l'arme de la vanité; mais, sous >> tous ses déguisemens, toujours on reconnaît en » lui le fantôme d'une idée élevée. Je ne saurais > trouver une plus parfaite image de la délica»tesse avec laquelle Calderon représente le sen>> timent de l'honneur, que la tradition fabu» leuse sur l'hermine, qui, dit-on, met tant de » prix à la blancheur de sa fourrure, que, plutôt » que de la souiller, elle se livre elle-même à la » mort, lorsqu'elle est poursuivie par les chas>>seurs. Ce sentiment d'honneur n'est pas moins >> puissant chez les femmes de Calderon; il do>> mine l'amour, qui ne trouve de place qu'à >> côté, non au-dessus de lui. D'après les senti» mens qu'expose le poète, l'honneur des femmes » consiste à ne pouvoir aimer qu'un homme » d'un honneur sans tache, et avec une par» faite pureté; à ne souffrir aucun hommage » équivoque, qui pût atteindre la plus sévère >> dignité féminine. Cet amour demande un » secret inviolable, jusqu'à ce qu'une union » légale permette de le déclarer publiquement. >> Cette condition seule le défend contre le mé

>> lange empoisonné de la vanité, qui se pava» nerait de prétentions ou d'avantages obtenus. >> L'amour paraît ainsi comme un vœu secret, » une religion cachée. Il est vrai que dans cette. >> doctrine, pour satisfaire l'amour, la ruse et >> la dissimulation que l'honneur défend par>> tout ailleurs, sont permises. Mais les égards >> les plus délicats sont encore observés dans la >> collision de l'amour avec d'autres devoirs, >> entre autres ceux de l'amitié. La puissance de » la jalousie, toujours éveillée, toujours terrible >> dans son explosion, n'est point, comme chez >> les Orientaux, attachée à la possession, mais » aux plus légères préférences du cœur, à leur >> manifestation la plus imperceptible. Elle enno>> blit l'amour, car ce sentiment tombe au-des>> sous de lui-même, s'il n'est pas complètement >> exclusif. Souvent le noeud que ces diverses >> passions avaient formé, ne produit aucun ré»sultat, et alors la catastrophe est vraiment >> comique; d'autres fois il prend une tournure >> tragique, et alors l'honneur devient une des» tinée ennemie, qu'on ne peut satisfaire sans >> sacrifier son bonheur, et tomber dans le >> crime.

>> C'est là l'esprit le plus élevé des drames que >> les étrangers appellent pièces d'intrigues, mais >> que les Espagnols, d'après le costume dans le>> quel on les joue, nomment comédies de cape

» et d'épée. Ordinairement elles n'ont de bur» lesque que le rôle du valet bouffon qui est » connu sous le nom de gracioso. Celui-ci sert » seulement à parodier les motifs poétiques d'a»près lesquels son maître agit, et il le fait sou>> vent de la manière la plus élégante et la plus >> spirituelle. Il est rare qu'il soit employé comme >> instrument pour augmenter l'imbroglio par >> ses ruses; le plus souvent celui-ci est dû à des » événemens fortuits, mais d'une invention ad>> mirable. D'autres pièces sont nommées come» dias de figuron ; les autres rôles y sont com>> munément les mêmes; mais on y distingue » une figure proéminente, représentée en cari» cature. On ne peut refuser à plusieurs pièces » de Calderon le nom de comédies de caractère, >> quoiqu'on ne puisse s'attendre à voir saisir les >> aperçus les plus fins du talent caractéristique, >> par les poètes d'une nation dont les sentimens >> passionnés et l'imagination rêveuse ne sau>>raient s'accorder avec le loisir et le sang froid » de l'observation.

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» Calderon a donné à une autre classe de ses » pièces le nom de fétes: elles avaient en effet » été destinées à être représentées à la cour, dans >> des occasions solennelles. D'après la pompe » théâtrale, les fréquens changemens de décora» tions, les prodiges qu'on a sous les yeux, la » musique même qui y est introduite, on pour

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