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Le génie seul aurait pu trouver dans une situation aussi violente, aussi déplorable quel aurait été le cri de douleur d'un amant au désespoir qui aurait été entendu de tous les spectateurs, et qui leur aurait fait partager son tourment; mais nous sentons tous que le langage d'Alvaro Tuzani est faux, et qu'il glace à l'instant l'émotion profonde qu'une situation déchirante et bien amenée avait excitée; et ce

Hacer de dos vidas sabe
Una vida! Pues si fueran
Essos milagros verdades,
Ni tu murieras, ni yo
Viviera, que en este instante
Muriendo yo, y tu viviendo,
Estuvieramos iguales.

Cielos que visteis mis penas!
Montes que mirais mis males!
Vientos que vís mis rigores!
Llamas que veis mis pesares!
Cómo todos permités
Que la mejor luz se apague,
Que la mejor flor se os muera

Que el mejor suspiro os falte?
Hombres que sabeis dé amor,
Advertidme en este lance,
Decidme en esta desdicha
Que debe hacer un amante
Que viniendo a ver su dama,
La noche que ha de lograrse
Un amor de tantos dias,
Bañada la halle en su sangre,
Azuzena guarnecida

Del mas peligroso esmalte,

Oro acrisolado al fuego

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Del mas riguroso examen, etc.....

défaut se retrouve sans cesse dans Calderon. L'intention si prononcée de couvrir des couleurs de la poésie le langage de tous les interlocuteurs, lui ôte toujours l'expression du cœur. J'ai trouvé en lui beaucoup de situations d'un effet admirable, mais jamais un mot touchant ou sublime par sa vérité ou sa simplicité.

Les admirateurs de Calderon lui font presqu'un mérite de n'avoir conservé à aucun sujet étranger des couleurs nationales. Son patriotisme, disent-ils, était trop ardent pour qu'il pût revêtir aucune autre forme que celles propres à l'Espagne ; mais il n'en a eu que plus d'occasions de déployer toute la richesse de son imagination, et ses créations ont un caractère fantastique qui donne un nouveau charme aux pièces où il ne s'est point laissé asservir par les faits. C'est le jugement des critiques Allemands; niais comment après tant d'indulgence d'une part, ont-ils tant de sévérité pour nos tragiques français de l'autre, parce qu'ils ont prêté à leurs héros grecs et romains quelques traits, et surtout les formes d'égards et de civilité de la cour de Louis XIV? On pourrait pardonner à un auteur de mystères du treizième ou quatorzième siècles de confondre l'histoire, la chronologie et les faits; alors toute instruction était difficile, et la moitié de l'histoire ancienne était encore voilée par d'épaisses ténèbres: mais que penser

de Calderon, ou tout au moins du public auquel il destinait ses pièces, quand on le voit brouiller tellement les faits, les moeurs, les circonstances, sur les périodes les plus illustres de l'histoire romaine, qu'il n'y a jeune écolier qui n'en fût rebuté. Ainsi, dans son Coriolan (1) qu'il a intitulé les Armes de la beauté, il nous montre Coriolan continuant contre Sabinius, roi des Sabins, la guerre que Romulus avait dejà commencée contre ce même roi imaginaire, et par conséquent, tout au plus, à une génération de distance; et cependant il nous parle déjà de l'Espagne et l'Afrique soumises, de Rome devenue reine de l'Univers, émule de Jérusalem: le caractère de Coriolan, celui du sénat, celui du peuple, tout est également travesti. Il est impossible de reconnaître un Romain à un seul des sentimens exprimés par un seul des personnages dans toute la pièce. Métastase, avec ses romans dialogués, était cent fois plus fidèle à l'histoire et aux moeurs de l'antiquité

D'ailleurs, il ne faut point attribuer à Calderon lui-même, son ignorance des moeurs étrangères ; que ce soit un éloge ou un blâme, il ne lui est point personnel; il appartient à la nation et à son gouvernement. Le cercle des

(1) La gran Comedia de las Armas de la Hermo, T. 1, p. 115,

sura,

TOME IV.

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connaissances permises devenait chaque jour plus étroit; tous les livres qui peignaient des mœurs ou une culture étrangère, étaient sévèrement défendus, car il n'y en avait pas un qui ne fût, dans son silence même, une satire amère du gouvernement et de la religion d'Espagne. Comment aurait-on permis de connaître les anciens, dont la liberté politique faisait la vie? Quiconque se, serait pénétré de leur esprit, aurait bientôt regretté les nobles privilé ges que la nation avait perdus. Comment auraiton permis de connaître les modernes dont la liberté religieuse faisait la prospérité et lagloire? Après les avoir étudiés, les Espagnols auraientils supporté l'inquisition?

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C'est ici le dernier trait de Calderon, et celui sur lequel je me permettrai le moins d'insister, justement parce que mon sentiment est trop vif. Calderon est en effet le vrai poète de l'inquisition. Animé par un sentiment religieux, qu'il ne manifeste que trop dans toutes ses pièces, il ne m'inspire que de l'horreur pour la religion qu'il professe. Jamais on ne s'était permis de défigurer, à ce point, le christianisme ; jamais on ne lui avait prêté des passions si féroces, une morale si corrompue. Parmi un grand nombre de pièces animées d'un même fanatisme, celle qui le peint le mieux, ce me semble, est celle qu'il a intitulée la Dévotion

de la Croix. Son but était de convaincre les spectateurs chrétiens, que la dévotion, pour ce signe de l'église, suffit pour excuser tous les crimes, et assurer la protection de la Divinité. Le héros Eusebio est un brigand incestueux, un assassin de profession, mais qui conservant, au milieu de ses forfaits, de la dévotion pour la croix au pied de laquelle il est né, et dont il porte l'empreinte sur son coeur, élève uné croix sur le tombeau de chacune de ses victimes, et même s'arrête souvent au milieu du crime à la vue de ce signe sacré. Sa sœur Julia, qui est aussi sa maîtresse, plus abandonnée et plus féroce encore que lui, partage cependant le même respect supertitieux. Il est enfin tué dans un combat, contre des soldats conduits par son propre père; mais Dieu le ressuscite, afin qu'un saint religieux puisse entendre sa confession et assurer ainsi şa réception dans le ciel. Sa sœur, sur le point d'être arrêtée, et dé demeurer enfin victime de ses monstrueuses iniquités, embrasse la croix qui se trouve auprès d'elle, en faisant vou de retourner dans son couvent, pleurer ses péchés ; et cette croix se soulève à l'instant dans les airs, et l'emporte loin de ses ennemis dans un asyle impénétrable.

Nous avons instruit en quelque sorte la cause de Calderon devant le lecteur, et fait entendre les deux parties. N'oublions point cepen

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