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de leur procurer à tous la liberté. Don Juan Coutinho, comte de Miralva, l'un des chevaliers portugais qui, dès le débarquement, avaient le mieux signalé leur bravoure et leur amour pour Fernand, se dévoue à lui, fait vœu de ne plus le quitter, et le fait reconnaître par tous les captifs tous, au milieu de leurs misères, s'efforcent encore de lui faire honneur. Muley 'Cheik survient; il écarte tous les témoins: << Sache, lui dit-il, que dans le coeur d'un Maure >>> peut habiter la loyauté et la foi. Je ne viens >> point conférer une faveur, je viens acquitter >> une dette ». Il l'avertit rapidement qu'il trouvera, dans l'embrâsure de la fenêtre de sa prison, des instrumens pour rompre ses fers; que lui-même aura soin d'en briser les barreaux; qu'un bateau l'attendra au rivage, et le reconduira dans sa patrie. Mais le roi les surprend dans cette conférence; et au lieu de manifester ses soupçons, il lie Muley à faire sa volonté par les lois de l'honneur et du devoir : il lui confie à lui seul la garde du prince Fernand, assuré que lui seul est au-dessus de toute corruption, et qué ni amitié, ni crainte, ni intérêt ne pourront le séduire. Muley, en effet, sent que ses devoirs ont changé depuis que le roi s'est confié à lui. Il hésite cependant encore entre l'honneur et la reconnaissance; Fernand qu'il consulte le décide contré lui-même. Ce prince déclare qu'il

ne profitera plus de ses offres, qu'il refusera même la liberté, si tout autre vient la lui offrir; et Muley se soumet enfin à regret à ce qu'il regarde comme la loi du devoir et de l'honneur.

Ne pouvant plus donner lui-même la liberté à son libérateur, Muley s'efforce du moins de l'obtenir de la générosité du roi maure. Au commencement du troisième acte, on le voit implorer sa pitié en faveur de son prisonnier. Il fait une peinture horrible de l'état où ce malheureux prince est réduit: dormant dans des cachots humides, travaillant aux bains et aux étables, et privé de nourriture, il a été frappé de paralysie; on le couche sur une natte à la porte d'une voierie, et les détails de sa misère sont tels que le goût français n'en peut souffrir même l'indication. Un seul valet et un chevalier fidèle se sont attachés à lui, et ne le quittent point: ils partagent avec lui leur mince ration, qui pourrait à peine suffire à la nourriture d'un seul. Le roi écoute ces horribles détails; mais comme il ne voit que de l'obstination dans la conduite du prince, il ne répond que par ces deux mots.: «< Cela va bien, Muley ». Phénicie vient à son tour implorer son père pour Fernand; mais il lui impose silence. On annonce ensuite deux ambassadeurs de Maroc et de Portugal; et ce sont les deux princes eux-mêmes, Tarudant et Alphonse v, qui se mettent sous

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la sauvegarde du droit des gens pour traiter en personne leurs intérêts. Ils sont admis à l'audience en même temps. Alphonse v offre au roi de Fez deux fois la valeur en argent de la ville de Ceuta pour la rançon de son frère; et il déclare en même temps que, s'il est refusé, sa flotte est déjà prête, et qu'il mettra l'Afrique à feu et à sang. Tarudant qui entend ces menaces, les considère comme une provocation personnelle; il répond qu'avec l'armée de Maroc, il va bientôt tenir la campagne, et qu'il sera en état de repousser les outrages des Portugais. Le roi, cependant, refuse à Alphonse la liberté de Fernand pour tout autre prix que la restitution de Ceuta. Il accorde à Tarudant sa fille, et il donne ordre à Muley de l'accompagner à Maroc. Quelque douleur que ressente Muley d'assister aux noces de sa maîtresse, et d'abandonner son ami dans la dernière misère, il se dispose à obéir. Les ordres des rois, dans Calderon, sont toujours considérés comme des ordres de la destinée, et c'est encore à cela qu'on reconnaît un courtisan de Philippe IV.

La scène change; don Juan avec d'autres captifs apportent don Fernand sur une natte et le couchent par terre. C'est la dernière fois qu'il doit paraître sur le théâtre; il est accablé sous le poids de l'esclavage, de la maladie et de la misère; sa situation fait frisonner; peut-être

est-elle trop forte pour le théâtre, où les maux physiques ne doivent être exposés qu'avec une grande réserve. Pour diminuer néanmoins une impression trop douloureuse, Calderon lui prête le langage d'un saint au martyre; il considère toutes les souffrances comme des épreuves, et il rend grâce à Dieu pour chacune de ses peines, comme pour autant de gages de sa prochaine glorification. Cependant le roi de Fez Tarudant et Phénicie traversent la rue où il est étendu, et don Fernand s'adresse à eux. « Donnez aujourd'hui, leur dit-il, à un pau>>vre, le soutien de quelque aumône; voyez, je >> suis un homme de votre espèce; je suis ma» lade, affligé, mourant de faim; hommes >> ayez pitié de moi; un animal féroce aurait » pitié d'un autre animal ». Le roi lui reproche son obstination. Sa liberté, lui dit-il, dépend encore de lui seul; elle est toujours au même prix. La réponse de Fernand est d'un style tout oriental: ce n'est point par des raisons, ce n'est presque pas par des sentimens qu'il cherche à toucher son maître, c'est par cette pompe de poésie figurée, qui, pour les Arabes, était de l'éloquence, et qui pouvait, peut-être en effet, mieux toucher un roi Maure, qu'un discours plus conforme à la nature et à la situation. La compassion, lui dit-il, est le premier devoir des rois, la terre entière porte dans toutes les

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classes de créatures, des emblêmes de royauté, et toujours à ces emblêmes est attachée la vertu royale, la générosité : le lion, roi des quadrupèdes ; l'aigle, roi des oiseaux; le dauphin, roi des poissons; la grenade, reine des fruits; le diamant, roi des minéraux, sont tous d'après des traditions que Fernand développe, sensibles à la pitié pour les malheurs des humains. Parmi les hommes, le sang royal rapproche Fernand du roi de Fez, malgré la différence de religion; dans toutes les religions, la cruauté est également condamnée. Cependant, tandis que le prince se fait un devoir de prier pour la conservation de sa vie, ce n'est point la vie qu'il désire, c'est le martyre, et il l'attend du roi de Fez. Ce roi lui répond que toutes ses peines ne viennent que de lui-même. « Si tu » prends pitié de toi, don Fernand, lui dit-il, >> alors j'en aurai pitié aussi».

Après que les princes Maures se sont retirés, don Fernand annonce à don Juan Coutinho qui lui apporte du pain, que ses soins et son généreux dévouement ne lui seront bientôt plus nécessaires, qu'il touche à sa dernière heure. Il demande seulement qu'on le revête des habits de sa religion, car il était grand-maître de l'ordre religieux et militaire d'Avis, et il recommande à ses amis de bien marquer le lieu de sa sépulture. « Bien qu'aujourd'hui, dit-il, je

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