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de Calderon est en Afrique; dans plusieurs autres, les Maures sont, en Espagne, mêlés aux Chrétiens ; et malgré la haine de religion, malgré le préjugé national qui perce sans cesse, de tous les peuples étrangers, ce sont encore les Maures que Calderon peint avec le plus de vérité. On sent que ce sont pour lui, pour tous les Espagnols, d'anciens frères, unis par une même chevalerie, par un même point d'honneur, par l'amour pour une même patrie; et que les anciennes guerres, non plus que les • persécutions récentes, n'ont point pu leur faire oublier réciproquement le lien primitif qui les unissait. Mais de toutes les pièces où les Maures sont mis en scène en opposition avec les Chrétiens, aucune ne me paraît exciter à la lecture un intérêt plus vif que celle qu'il a intitulée Amar despues de la Muerte (Aimer après la Mort). Son sujet est la révolte des Maures sous Philippe i, en 1569 et 1570, dans l'Alpujarra ou la montagne de Grenade. Cette guerre terrible, que des vexations inouies avaient occasionnée, fut la vraie époque de la destruction des Maures en Espagne. Le gouvernement, averti de leurs forces, en leur accordant la paix, résolut de les détruire; et si jusque-là il avait été cruel et oppresseur envers eux, il fut dès lors toujours perfide. C'est la même révolte de Grenade dont Diego de Mentloze a écrit l'histoire, et dont

nous avons déjà dit quelques mots à son occasion. Mais l'on apprend mieux peut-être à la connaître par Calderon que par l'historien le plus détaillé.

La scène s'ouvre dans la maison du cadi des Maures de Grenade, où ils célèbrent en secret, et avec les portes fermées, la fête des Musulmans, le vendredi. Le cadi préside à leur assemblée, et ils chantent :

Dans sa triste captivité,

L'Afrique pleure ses misères,

La loi, l'empire de ses pères,
Et leur antique liberté.

Nous versons des larmes amères.

Allah le veut, plions sous son joug redouté ;
Allah le veut, respectons ses mystères.

Célébrons le jour glorieux

Où, par nos ayeux subjuguée,
L'Espagne, dans notre mosquée,
Adora le Maître des cieux.

Grand jour, si loin de nos misères !
Allah de notre peuple a détourné ses yeux;
Allah le veut, respectons ses mystères (1).

(1) UNA VOZ. Aunque en triste cautiverio

TODOS.

LA VOZ.

TODOS.

De Alà por justo misterio
Llore el Africano imperio
Su misera suerte esquiva.
Su ley viva!

Viva la memoria estraña

De aquella gloriosa hasaña

Que en la libertad de España
A España tuvo cautiva,
Su ley viva!

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Mais leurs chants sont tout à coup interrompus par quelqu'un qui frappe avec impétuosité à leur porte. C'est don Juan de Maleo, descendant des rois de Grenade, et appelé par sa naissance à être le vingt-quatrième souverain de cette dynastie maure. Il avait obéi aux lois de Philippe, il s'était fait chrétien et il avait en récompense obtenu une place dans le conseil de la ville. Il raconte qu'il sort de ce conseil où l'on a apporté un édit de Philippe, par lequel toute la race des Maures était soumise à de nouvelles vexations. « Quelques-uns » des règlemens, dit-il, étaient anciens, mais » on les renouvelait avec plus de rigueur; d'au >>tres étaient absolument nouveaux. Dans toute >> cette nation africaine qui, aujourd'hui, n'est » qu'une cendre caduque de la flamme invin» cible par qui l'Espagne fut consumée, per» sonne ne pourra chez soi donner des danses » ou des fêtes; les Maures ne pourront plus se >> revêtir d'habits de soie, se rassembler dans » les bains, ou même dans leurs propres mai» sons parler leur ancienne langue arabe; tous » feront usage de la langue castillane ». Juan de Malec, comme le plus âgé des conseillers, avait témoigné, le premier, le chagrin et l'inquiétude que lui causaient des mesures précipitées. Don Juan de Mendoza lui avait répondu avec emportement, en lui reprochant d'être Maure, et

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de vouloir sauver à la race abjecte et avilie des Maures le châtiment qui lui était dû. Ils s'étaient irrités, ils s'étaient provoqués de parole. <«<< Mal» heur à nous d'être entrés au conseil sans épée, >> et avec la langue seulement; malheur à nous, » car la langue est la plus dangereuse des armes; » une blessure se guérit bien mieux qu'une pa>>role. Je lui en ai dit sans doute quelqu'une qui » a poussé son arrogance a bout, et lui.... je trem+ » ble en le disant, il a arraché(ô peine horrible!) » mon baton de mes mains, et il a ....... mais il » suffit; il y a des choses qui coûtent trop à » dire. Cet affront que j'ai reçu en votre dé» fense, il vous atteint tous également. Je n'ai >> point de fils qui puisse ôter la honte de dessus » mes cheveux blancs; je n'ai qu'une fille qui, » dans un si grand malheur, est pour moi une » peine de plus, et non un soulagement. Ecoutez » donc, vaillans Maures, nobles restes des Afri» cains : les Chrétiens ne songent plus désor» mais qu'à vous faire esclaves. Mais l'Alpujarra, » cette chaîne de montagnes qui élève au ciel sa » tête, qui est peuplée de villes, et dont les châ>>teaux forts, Galera, Berja, Gavia, au milieu » des rochers et des arbres, semblent naviguer >> dans des flots d'argent; l'Alpujarra est toute en»tière à nous: portons-y nos munitions et nos >> armes. Choisissez un chef dans la race illustre » de vos Aben Humeya, dont il reste plusieurs

» en Castille, et d'esclaves, faites-vous seigneurs, » Pour moi, quoiqu'il m'en coûte de raconter » ma honte, je m'efforcerai de persuader à tous » que ce serait une bassesse, une infamie, de » vous laisser tous offenser dans mon offense » et de ne pas vous venger tous avec moi ».

Les Maures, entraînés par le discours de Juan de Malec, jurent en effet de le venger, et leur assemblée se sépare. Cependant la scène est transportée dans la maison de Malec, où dona Clara, sa fille, s'abandonne au désespoir. L'affront qu'a reçu son, père lui enlève à ses yeux son honneur, son père et son amant, car don Alvare Tuzani qu'elle aime, ne la trouvera plus digne de lui après l'outrage qu'a reçu sa maison. Dans ce moment, Tuzani entre chez elle, et lui demande sa main, afin de pouvoir la venger, comme fils de l'offensé. Une vengeance n'abolit l'affront que quand c'est l'offensé luimême ou son fils, ou tout au moins son frère, qui tue l'offenseur. Tuzani peut donc bien tuer Mendoza, mais il faut qu'il soit l'époux de Clara, pour que ce duel rende l'honneur au vieux Malec. Clara résiste, elle ne veut pas apporter à son amant sa honte pour dot. Pendant ce combat de générosité, le corregidor Zuñiga, et don Fernand de Valor, autre descendant des rois de Grenade, qui s'était aussi fait chrétien, arrivent chez don Juan de

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