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l'inquisition. Telles sont entr'autres deux comédies de don Bernard Joseph de Reynoso y Quiñones; l'une est intitulée, le Soleil de la foi à Marseille, et la Conversion de la France par sainte Marie-Magdelaine; l'autre, le Soleil de la Magdelaine brilla plus encore à son coucher. La première fut représentée dix-neuf fois de suite après les fêtes de Noël en 1730; la seconde ne fut pas reçue l'année suivante avec moins d'enthousiasme. Magdelaine, Marthe et Lazare, arrivant à Marseille dans un vaisseau qui fait naufrage au fort d'une tempête, se promènent tranquillement et à pied sur les flots agités; Magdelaine, appelée à lutter avec un prêtre d'Apollon, tantôt lui apparaît à lui et à tout le peuple dans le ciel et au milieu des anges, tantôt sur la même terre que lui; elle renverse son temple, d'un mot, et ordonne ensuite aux colonnes ébranlées, aux chapiteaux renversés, de retourner d'eux-mêmes à leur place; les plaisanteries les plus grossières des bouffons qui l'accompagnent, le travestissement le plus bizarre des mœurs et de l'histoire, sont mêlés aux prières et aux mystères de la religion. J'ai parcouru aussi deux comédies plus monstrueuses encore, s'il est possible, de don Manuel Francisco de Armesto, secrétaire de l'inquisition, qui les publia en 1736. Elles ont pour sujet la vie de la soeur Marie de Jesus de

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Agreda, qu'il appelle la plus grande historienne de l'histoire la plus sacrée (la Coronista más grande de la mas sagrada historia, parte primera y segunda ). De tout ce que Calderon avait su faire entrer dans ses bizarres compositions, it ne restait plus aux auteurs modernes que l'extravagance. Mais tandis que le goût du peuple était encore si vif pour ce genre de spectacle, qu'il était encouragé par le clergé et soutenu par l'inquisition, la Cour, éclairée par les critiques et les gens de goût, voulut soustraire l'Espagne aux reproches de scandale que ces représentations, prétendues pieuses, excitaient chez les étrangers. Le roi Charles III défendit, en 1765, de jouer davantage les comédies religieuses et les Autos sacramentales; déjà la maison de Bourbon avait retranché au peuple un autre spectacle qui ne lui était pas moins cher, les autos-da-fé. Le dernier de ces sacrifices humains fut célébré en 1680, d'après les désirs de Charles II, et comme une fête religieuse et nationale en même temps, qui attirerait sur lui les bénédictions du ciel. Après Pextinction de la branche espagnole de la maison d'Autriche, on n'a plus permis à l'inquisition de faire périr en public ses victimes, mais elle a continué jusqu'à nos jours à exercer sur elles d'horribles cruautés dans ses cachots.

Le parti de la littérature critique, qui s'ef

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forçait de réformer et de franciser le goût na tional, eut à sa tête, au milieu du siècle dernier, un homme de beaucoup d'esprit, et de connaissances très-étendues, qui eut une grande influence sur le caractère et les productions de ses contemporains, c'est Ignazio de Luzan membre des Académies de langue, d'histoire et de peinture, conseiller d'Etat, et ministre du commerce. Il aimait la poésie, et il faisait des vers avec élégance; il n'avait trouvé dans sa nation aucune trace de critique, excepté parmi les imitateurs de Gongora, qui avaient réduit en maximes tout le mauvais goût de leur école. C'était pour les attaquer qu'il étudia avec soin les principes d'Aristote et ceux des littérateurs français; et comme lui-même était plus porté à l'élégance et à la finesse, qu'à l'énergie et à la richesse d'imagination, il chercha moins à réunir aux qualités éminentes de ses compatriotes, la correction française, qu'à mettre à la place de la littérature nationale, une littérature étrangère. D'après ces principes, et pour réformer le goût de sa nation, il composa sa célèbre poétique, imprimée à Saragosse en 1737, en un volume in-fol. de 500 pages. Cet ouvrage, écrit avec une grande justesse d'esprit et une vaste érudition, clair sans langueur, élégant et orné sans bouffissure, accueilli par les lettrés comme un chef-d'oeuvre; et dès lors, il a toujours été cité par les Espa

fut

gnols du parti classique, comme faisant la règle et le fondement de toute foi littéraire. Les principes de Luzan sur la poésie, considérée comme un délassement utile et instructif, plutôt que comme un besoin de l'âme et l'exercice d'une des plus nobles facultés de notre être, sont ceux que nous avons vu répéter dans toutes nos poétiques, jusqu'au temps où quelques allemands ont regardé l'art d'un point de vue plus élevé, et ont substitué à la poétique du philosophe péripatéticien, une analyse de l'esprit humain et de l'imagination, plus ingénieuse et plus fertile.

Quelques littérateurs espagnols commencerent, au milieu du siècle dernier, à travailler pour le théâtre, d'après les principes de Luzan, et dans le goût français. Lui-même, il avait traduit une pièce de La Chaussée, et beaucoup d'autres traductions furent représentées vers le même temps sur les théâtres de Madrid. Augustin de Montiano y Luyando, conseiller d'Etat, et membre des deux Académies, composa, en 1750, deux tragédies, Virginie, et Ataulphe ̧ qui sont, dit Boutterwek, tellement, calquées sur des modèles français, qu'on les prendrait plutôt pour des traductions que pour des compositions originales. Toutes deux, ajoute-t-il, sont froides et manquent de vigueur; mais la pureté et la correction du langage, le soin qu'à pris l'auteur d'éviter toute fausse métaphore, et

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le naturel du dialogue, les rendent agréables & la lecture. Elles sont écrites en vers ïambes non rimés, comme les tragédies italiennes. Louis Joseph Velasquez, l'historien de la poésie espagnole, s'attacha au même parti; son livre intitulé Origines de la Poesia española, imprimé en 1754, fait voir combien l'ancienne poésie nationale était déjà oubliée, puisque un homme d'autant d'esprit et d'érudition l'a souvent embrouillée plutôt que de l'éclaircir. Son ouvrage a été traduit en allemand, et enrichi de trèsamples commentaires par Dieze (Gottingue, 1769, 1 vol. in-12). A côté de ces critiques, qui ne marquaient pas de talent et de goût, mais qui étaient à peine capables d'apprécier l'imagination de leurs ancêtres, l'Espagne, depuis la mort de Philippe IV jusqu'au milieu du siècle dernier, n'a pas produit un seul poète qui mérite l'attention de la postérité.

La seule éloquence qui eût été cultivée en Espagne, même dans les siècles de la splendeur de la littérature, était celle de la chaire. Jamais dans aucune autre carrière un orateur n'avait eu la permission de s'adresser au public. Mais si l'influence des moines, et les entraves dont ils avaient accablé l'esprit national, avaient détruit enfin presque toute poésie, on peut juger ée que l'art oratoire devait devenir entre leurs mains. L'étude absurde d'un galimathias inintelligible, qu'on présentait aux jeunes gens sous

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