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ses, celui que les Anglais y possèdent aujourd'hui, fut l'ouvrage d'une poignée d'aventuriers. Cet empire est renversé, il est vrai, mais la langue des Portugais, monument de leur grandeur passée, est encore la langue du commerce de l'Inde et de l'Afrique ; elle y sert à toutes les communications, comme la langue franque, au Levant.

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La poésie commença dans la langue portugaise avec la monarchie, si même elle n'existait pas déjà parmi les Moçarabes. Manuel de Faria y Souza a conservé des chansons de Gon' zalo Hermiguès et d'Egaz Moniz, deux chevaliers qui vécurent sous Alphonse 1°, et dont le dernier est représenté par le Camoëns comme un modèle d'héroïsme : on assure qu'il mourut de douleur, de l'infidélité de la belle Violante à qui ses chants sont adressés. Mais ce que j'ai vu de ces poésies, est presqu'inintelligible (1). De même que les vers de ces deux chevaliers sont les monumens de la langue et de la versification portugaise au douzième siècle, on conserve aussi quelques pièces obscures et à moitié barbares, qui appartiennent au treizième et

(1) Manuel de Faria, qui les rapporte (Europa Portuguesa, T. 111, P. 1v, C. 1x, p. 379 et suiv.), dit que lui-même en comprend bien quelques paroles, mais qu'il ne peut en former un sens.

au quatorzième siècles. La curiosité des antiquaires leur a sur-tout fait réchercher les vers du roi Denys, le législateur, et l'un des plus grands hommes du Portugal, qui régna de 1279 à 1325; ceux de son fils Alphonse IV, qui lui succéda, et ceux de son fils naturel Alphonse Sanchez. On trouve même, dès cette époque reculée, quelques sonnets dans le mètre italien, évidemment imités de Pétrarque, ensorte qu'on ne saurait douter que le commerce de Lisbonne n'eût introduit de bonne heure en Portugal, la connaissance des grands poètes italiens du quatorzième siècle, dont les chefsd'oeuvre ne furent que beaucoup plus tard imités en Espagne. Cependant, tout ce qui reste de la poésie portugaise de l'an 1100 à l'an 1400, est du domaine des antiquaires bien plus que des littérateurs; on y peut chercher les progrès de la langue beaucoup plutôt que les développemens de l'esprit, ou ceux du caractère.

Ce n'est proprement qu'avec le quinzième siècle qu'on vit naître la littérature portugaise; et la même époque est aussi celle du plus grand développement du caractère national. Déjà depuis cent cinquante ans les Portugais possédaient les limites dans lesquelles ils sont renfermés encore aujourd'hui; dès l'an 1251, Alphonse III avait conquis le royaume des Algarves; - les Portugais, resserrés de toutes parts par les

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Castillans, ne confinaient plus avec les Maures; et les guerres du quatorzième siècle avaient fait répandre beaucoup de sang, sans pouvoir jamais rien ajouter à l'étendue de la monarchie. Au commencement du quinzième siècle, un esprit nouveau de chevalerie sembla s'emparer de toute la nation. Le roi Jean 1 transporta en Afrique son armée d'aventuriers, pour y conquérir un nouveau royaume : il arbora, le premier, le drapeau aux cinq écussons de Portugal sur les murs de Ceuta, ville puissante qui devait être pour lui la clef du royaume de Fez, et que son fils Fernand, le prince constant de Calderon, ne voulut jamais rendre pour recouvrer sa propre liberté, ou sauver sa vie. Pendant les règnes de ses fils et de son petit-fils Alphonse l'Africain, de nouvelles villes furent enlevées aux Maures sur les côtes de Fez et de Maroc; et peut-être les Portugais n'auraient pas tiré moins de parti de l'affaiblissement des puissances barbaresques, qu'avaient fait leurs ancêtres de celui des Maures d'Espagne, si la découverte des côtes du Sénégal et des mers de Guinée qu'ils poursuivaient à la même époque, n'avait pas divisé leurs efforts et distrait leur attention.

L'activité prodigieuse que développaient les Portugais à cette époque, se rencontrait dans leur cœur avec les passions les plus tendres, les rê

veries les plus enthousiastes; toujours occupés de la guerre et de l'amour, ils partageaient leur temps entre le culte de la poésie et celui de la gloire. Les Galiciens, leurs voisins, dont la langue était alors à peine différente du portugais, furent, dans ce siècle de moeurs romanesques, remarqués pour la vivacité de leurs sentimens, l'enthousiasme, la richesse d'imagination avec laquelle ils savaient exprimer leur amour. La poésie romantique sembla trouver son siége en Galice, et s'étendre de là également en Castille et en Portugal. Du temps du marquis de San→ tillane, les Castillans choisissaient toujours la langue et le mètre galicien pour exprimer leur amour, et à la même époque, tous les chants des poètes portugais se répandaient en Castille sous le nom de poesies galiciennes. Le chef de cette école d'amans tendres et enthousiastes, et de poètes langoureux, appartient également aux deux littératures, si ce n'est aux deux nations; il est célèbre dans toutes les Espagnes sous le nom de Macias l'Amoureux, l'Enamorado.

Macias s'était distingué dans les guerres contre les Maures de Grenade, et il y avait été fait chevalier; il s'était attaché au grand marquis de Villena, qui gouvernait en même temps l'Aragon et la Castille, comme ministre, comme favori, et presque comme tyran de ses rois. Villena estimait l'esprit et les talens de Macias; mais il

lui savait mauvais gré d'entremêler aux affaires les plus sérieuses de l'Etat, ses amours et ses rêveries mélancoliques. Il lui défendit expressément de suivre une intrigue que Macias avait commencée avec une demoiselle élevée dans la maison du marquis, et mariée à un gentilhomme nommé Porcuña. Macias crut son honneur de chevalier intéressé à suivre son amour en dépit de tous les dangers; il excita ainsi la jalousie du mari, et la colère de son maître, qui le fit mettre à Jaën dans une prison de l'ordre de Calatrava dont il était, grand-maître. C'est là qu'il écrivit la plupart de ses chansons, où il semblait oublier toutes les souffrances de la captivité pour ne se plaindre que des douleurs de l'absence. Porcuña surprit une de ces chansons que Macias avait trouvé moyen de faire parvenir à sa femme; ivre de jalousie, il partit à l'instant pour Jaën, et découvrant Macias au travers des barreaux de sa prison, il l'y tua d'un coup de javeline. On a placé cette javeline sur son tombeau, dans l'église de Sainte-Catherine, avec cette simple inscription : « Aqui yace » (ci gît) Macias el Enamorado», qui a consacré en quélque sorte son surnom.

A peu près toutes les poésies de Macias, si célébrées en Espagne, et si constamment imitées par les Portugais, sont perdues; Sanchez nous a conservé cependant la chanson même qui fut

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