Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

cause de son malheur. Une élégie sur l'amour et l'absence n'a que peu d'intérêt dans une traduction; d'ailleurs elle serait au-dessus de mes forces; j'entends le texte trop imparfaitement. On y voit cependant cet abandon de douleur, cette profonde mélancolie amoureuse, qui a fait dès lors le caractère de tous les poètes portugais, qui fait un si singulier contrasté avec leurs exploits, leur constance opiniâtre, souvent leur cruauté. « Je suis captif, dit-il, mais c'est de ma » tristesse que tous prennent épouvante, tous » demandent quelle disgrace est celle qui me » tourmente à ce point...... J'ai cru m'élever à » la grandeur pour atteindre ensuite un bien >> plus désirable, et je suis tombé dans une >> telle misère, que je meurs abandonné dans la » douleur et les désirs. Que puis-je vous dire? >> malheureux que je suis, si ce n'est ce que j'ai » bien entendu; l'insensé tombe d'autant plus >> bas, qu'il a voulu s'élever davantage... » Hélas! je ne la reverrai plus, à moins que » désir ne soit une vision.... Ç'a été ma destinée >> de m'attacher à un désir si douteux, que mon » cœur lui-même m'avertit que je serai tou>> jours refusé (1) ».

le

(1) Voici cette chanson d'après Sanchez (T. 1, p. 138, S. 212 à 221).

Cativo, de miña tristura

Ya todos prenden espanto,

Les antiquaires portugais assurent que l'école de Macias fut extrêmement nombreuse, et que

E preguntan qué ventura

Foy que me atormenta tanto?
Mas non sé no mundo amigo
Que mais de meu quebranto
Diga desto que vos dio,
Que bem ser nunca debía
Al pensar que faz solia.

Cuidé subir en alteza
Por cobrar mayor estado,
E caí en tal pobreza
Que moiro desamparado.
Com pesar e com deseio;
Que vos direy mal fadado ?
Lo que yo hé ben ovejo;
Quando o loco cay mas alto
Subir prende mayor salto.

Pero que pobre sandece!
Porque me deu á pesar,'
Miña locura asi crece
Que moiro por entonar.
Pero mas non a verey
Si non ver e desejar,
E porem asi direy,
Qui en carcel sole viver
En carcel sobeja morer.

Miña ventura en demanda
Me puso atan dudada,
Que mi corazon me manda
Que seya siempre negada.
Pero mais non saberan

De miña coyta Jazdrada,
E poren asi diràn

Can rabioso é cosa braba

De su señor se que traba.

le quinzième siècle vit paraître un nombre infini de poètes romantiques, qui tous chantaient leurs amours avec une tendresse, avec un enthousiasme, avec une rêverie mélancolique, dont les Castillans ne pouvaient pas même se vanter d'approcher. Mais les ouvrages de ces poètes, recueillis dans des cancioneri sous le règne de Jean 11, ne se trouvent point dans le reste de l'Europe. Le diligent Boutterwek les a vainement cherchés dans les bibliothèques d'Allemagne ; je les ai cherchés tout aussi vainement dans celles d'Italie et de Paris; et cette période qu'on nous dit si brillante de l'histoire littéraire portugaise, échappe absolument à notre observation (1)..

Cependant le siècle de gloire du Portugal était enfin arrivé; tandis que Fernand et Isabelle combattaient encore en Espagne contre les Maures, les Portugais poussaient leurs conquêtes et leurs découvertes en Afrique et dans les In

(1) Un membre de l'académie de Lisbonne, Joaquim José Ferreira Gordo, envoyé, en 1790, à Madrid par son académie, pour y rechercher les livres portugais conservés dans les bibliothèques espagnoles, y découvrit un Cancioneiro portugais écrit dans le quinzième siècle, et contenant les vers de cent cinquante-cinq poètes dont il rapporte les noms. Tous appartiennent à la poésie burlesque, mais il n'en donne aucun échantillon. (Memorias de Letteratura portugueza, tomo 1, p. 60.)

des; l'héroïsme de la chevalerie s'était uni chez eux à la constance et à l'activité d'une nation commerçante. Pendant quarante-trois ans (14201463) l'infant don Henri avait dirigé les efforts du peuple; la côte occidentale de l'Afrique était couverte de factoreries portugaises, celle de Saint-Georges de la Mine se changeait déjà en colonie, les royaumes de Benin et de Congo se convertissaient à la foi chrétienne et reconnaissaient la suzeraineté du Portugal; enfin Vasco de Gama franchit en 1498 le cap de Bonne-Espérance; déjà découvert par Barthelemi Diaz, et il silJonna le premier les immenses mers qui mènent aux Indes; des héros portugais d'une bravoure que l'imagination suit à peine, se succédèrent rapidement dans ce monde inconnu. En 1507, Alphonse d'Albuquerque conquit le royaume d'Ormuz, en 1510 celui de Goa, et en bien peu d'années un empire immense fut soumis dans les Indes à la couronne de Portugal.

C'est à cette époque, et sous le règne du grand Emmanuel (1495-1521), que Bernardim Ribeyro, le premier des poètes distingués du Portugal, s'éleva à une haute réputation. Après avoir reçu une éducation savante et avoir étudié le droit, il entra au service du roi don Emmanuel. C'est à sa cour qu'il se livra à une passion qui lui inspira ses plus beaux vers, mais qui fit son malheur. On croit que la dame

de ses pensées était Béatrix, propre fille du roi ; cependant Ribeyro a pris à tâche de cacher avec un soin extrême, dans ses poésies, tout ce qui pourrait trahir le secret de son cœur. Son imagination fut dès lors uniquement occupée de son amour, et elle en reçut une profonde teinte de mélancolie. On raconte qu'il passait souvent dans les bois des nuits solitaires, soupirant auprès d'un ruisseau ses chants pleins de tendresse et de désespoir. D'autre part, on sait qu'il a été marié, qu'il a aimé sa femme, et comme on n'a point la date des divers événemens de sa vie, de sa naissance ou de sa mort, on ne sait si ces sentimens doivent être placés à des époques différentes, ou comment on doit les concilier.

Les plus distinguées parmi ses poésies, sont des églogues; le premier parmi les Espagnols, il regarda la vie pastorale comme le modèle poétique de la vie humaine, le point de vue idéal sous lequel toutes les passions, tous les sentimens, devaient être considérés. Cette opinion, qui a donné de la douceur, de l'élégance et du charme aux poésies du seizième siècle, mais qui les a rendues monotones, et qui a dégénéré ensuite en une langoureuse affectation, est devenue, en quelque sorte, la foi poétique des Portugais; ils ne s'en sont presque jamais écartés : aussi leurs poètes bucoliques peuvent-ils être regardés comme les premiers de l'Europe. La

« VorigeDoorgaan »