»lonté pour moi, je vous donnai ma liberté » aussi bien que ma pensée; en cela seul je de» meurai content, que si je donnai ma main » à une autre, à vous je donnai mon coeur, >> etc. » Cependant il y a, ce me semble, dans la naïveté de cette petite chanson, une gaîté qui devait tranquilliser son épouse. Ce n'était point avec cette légèreté, que Ribeyro avait chanté ses premières amours. Le même Ribeyro a laissé un ouvrage remar quable en prose; c'est un roman, dont le titre est Menina e Moça (l'Innocente jeune Fille). C'est le premier ouvrage en prose portugaise, dans lequel on ait cherché à relever ce langage, et à lui faire exprimer des sentimens passionnés; mais ce n'est qu'un fragment, et l'auteur qui a voulu y cacher ses propres ayentures, s'est étudié à le rendre obscur. Il a fait perdre le fil de son récit dans un labyrinthe de passions, d'intrigues, et de nouvelles qui s'entrecoupent. On peut cependant regarder ce roman moitié pastoral, moitié chevaleresque, comme celui qui a réveillé l'imagination d'un autre portugais, Montemayor; en sorte qu'on lui doit la Diane, et sa nombreuse famille dans la littérature espagnole; l'Astrée, et sa famille non moins nombreuse, dans la littérature française. Christoval Falçam, chevalier du Christ, amiral et gouverneur de Madère, fut contemporain cœur, de Ribeyro, et comme lui, il composa des églogues où l'on retrouve le même mysticisme romantique, le même culte de l'amour, et les mêmes douleurs. Le caractère de la poésie portugaise semble toujours plus triste que celui de la castillane; et cette mélancolie même qui part du et que l'esprit n'a point cherchée, semble un accent de la vérité que les Castillans atteignent rarement. Falçam, homme d'Etat et général, connaissait cependant les passions ailleurs que dans la poésie : on a des vers de lui qu'il écrivit pendant qu'il était retenu en prison, pour s'être marié contre le gré de ses parens, et cette prison dura cinq ans. Une égiogue de lui, de plus de neuf cents vers, se trouve à la suite du roman Menina e Moça; ce livre seul contient à peu près tout ce qui nous reste de poésie portugaise avant le règne de Jean III (1). (1) Voici quelques strophes de cette longue églogue. Marie, son amante, après l'avoir revu, se sépare de nouveau de lui: Christoval Falçam s'est caché sous le nom de Crisfal. E dizendo: o mezquinha, Como pude ser tam crua? C'est-là encore qu'on trouve plusieurs gloses ou voltas, sur des devises et des chansons; souvent l'esprit en est péniblement recherché, quelquefois aussi on y reconnaît une grâce et unę naïveté antiques (1). Que as lagrimas sam salgadas, Soltei as minhas entam, Amor de minha vontade Ora non mais! Crisfal manço, Ay que grande descanço He falar com a verdade! (1) Voici une des plus simples de ces voltas, et aussi des plus naïves. Nam posso dormir as noites, Desque meus olhos olharom TOME IV, 19 Le règne brillant du grand Emmanuel fut suivi, de 1521 à 1557, par celui de Jean ш, qui ne sut point maintenir ses sujets dans la prospérité à laquelle son père les avait élevés. Il s'engagea en Asie dans des guerres imprudentes; il attaqua en Europe les libertés civiles et religieuses de son peuple, et il établit dans Se algum tempo repousarom, Dias vam e noutes vem 8em vos ver nem vos ouvir; Meu pensamento ocupado Todo o bem he ja passado O coracao descontente; Como se deve sentir, Pouco leixara dormir. Cómo nam vi o que vejo Cos olhos do coraçam, ses Etats, en 1540, l'inquisition espagnole, pour dompter les esprits et dominer les consciences. Il donna dans sa cour tout pouvoir aux Jésuites, et il leur confia l'éducation de son petit-fils, don Sébastien, dont le fanatisme perdit le Portugal. Mais tandis que sa faiblesse et son imprudence préparaient, pendant son long règne, la ruine de la monarchie, son goût pour les lettres, et la protection qu'il leur accorda, contribuèrent à leur donner le plus grand éclat. Le premier poète classique qui se distingua dans sa cour, Saa de Miranda, nous est déjà connu en partie par ses poésies castillanes. Nous avons vu que ses églogues, dans cette langue, sont en même temps parmi les premières en date, et les plus distinguées en mérite. Tous les poètes portugais ont cultivé les deux langues en même temps; ils paraissent avoir regardé la leur comme plus propre à la douceur et à la tendresse ; mais ils recouraient au castillan toutes les fois qu'ils voulaient donner à l'expression de leur pensée plus de noblesse et de grandeur. Les plus belles poésies de Saa de Miranda, presque toutes celles de Montemayor, et quelques pièces de vers, tout au moins, de tous les autres poètes portugais, sont en castillan 5 tandis qu'on trouverait à peine un exemple d'un Espagnol qui eût fait des vers portugais. |