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» geance. Si tu veux, ô grand roi! dit-il au >> Castillan, te venger de ma téméraire con>> fiance, je viens m'offrir moi-même à toi, >> pour accomplir ma promesse au prix de mes >> jours. Tu le vois, je t'offre encore les vies >> innocentes de mes fils et de ma femme, qui » n'ont point pêché; mais une mort cruelle, à >> laquelle tu livrerais ces êtres faibles, ne sau» rait satisfaire ton cœur généreux. Voici mes >> mains, voici ma langue qui ont pêché; sur >> elles tu peux exercer tous les genres de tour» mens. Tel un coupable devant son bourreau, » se croyant déjà assuré de la mort, place sa » gorge sur le billot, et n'attend plus que le >> coup redouté, tel Egaz, disposé à tout souf>> frir, se montrait au prince indigné; mais le >> Castillan, touché de sa rare loyauté, pré>> féra enfin écouter la pitié plutôt que la co

» lère ».

Après les guerres civiles du premier Alphonse, Vasco de Gama raconte ses exploits contre les Maures, et d'abord la victoire d'Ourique dans l'Alentejo ( 26 juillet 1139), qui la première donna quelque consistance au royaume de Portugal. Cinq rois maures furent vaincus ensemble par Alphonse, et ce prince, se croyant le droit de demeurer au moins l'égal de ceux qu'il avait vaincus, de comte se fit roi, et donna pour armes à son nouveau royaume,

cinq écussons rangés en croix, sur lesquels sont dessinés les trente deniers pour lesquels Jésus fut vendu. Les plus fortes villes du Portugal, encore occupées par les Maures, se soumirent après cette victoire. Lisbonne, que les Portugais prétendent avoir été fondée par Ulysse, fut prise en 1147, avec l'aide des croisés d'Allemagne et d'Angleterre qui se rendaient à la seconde croisade; de même que, sous le règne suivant, Sylves fut prise avec l'aide des Chrétiens qui se rendaient à la troisième croisade, celle de Richard et de Philippe-Auguste. Alphonse poursuivit ses conquêtes; il défit les Maures à plusieurs reprises, il s'empara de leurs forteresscs ; enfin il arriva devant Badajoz, qu'il soumit aussi à son empire. Mais la vengeance tardive de la divinité accomplit enfin sur le conquérant du Portugal, les malédictions de sa mère, qu'il avait retenue captive. Il était déjà âgé de quatrevingts ans, lorsqu'il s'empara de Badajoz, et ses forces étaient encore proportionnées à sa taille gigantesque, tandis que son ambition n'était arrêtée ni par les traités, ni par les liens du sang. Badajoz devait demeurer en partage à Ferdinand, roi de Léon, son allié et son gendre; mais Alphonse, au lieu de lui rendre cette ville, y attendit un siége; il voulut ensuite se faire jour l'épée à la main au travers de l'armée de Ferdinand. Il fut renversé de son cheval, il se

rompit la jambe, et fut fait prisonnier. Se défánt alors de sa fortune, il résigna l'administration du royaume entre les mains de son fils don Sanche. Mais lorsqu'il sut que celui-ci était assiégé dans Santarem par l'émir el Mumenim accompagné de treize rois maures, le vieux héros du Portugal trouva encore assez de forces pour marcher à la délivrance de son fils avec ses vieux soldats, et gagner la bataille où l'empereur de Maroc perdit la vie. Ce ne fut que dans sa quatre-vingt-onzième année (en 1185), que le fondateur de la monarchie portugaise succomba enfin aux attaques de la maladie et de l'âge (1): Gama raconte ensuite les victoires de Sanche, fils d'Alphonse; la prise de Sylves sur les Maures, et de Tui sur le roi de Léon; la conquête d'Alcazar dò Sal par Alphonse II, la faiblesse et la lâcheté de Sanche II, qui, ne songeant qu'à ses plaisirs, fut déposé pour faire place à son frère Alphonse iti, conquérant du royaume des Algarves. Après lui, vint Denys, le législateur du Portugal et le fondateur de l'université de

(x)

De tamanhas victorias triumphava

O velho Afonso, Principe subido ;

Quando quem tudo em fim vencendo andava,
Da larga e muita idade foi vencido.

A pallida doença lhe tocava

Com fria mao o corpo enfraquecido,

E pagaram seus annos deste geito
A triste Libitina o seu direito.

Coimbre, dont les dernières années furent troublées par l'ambition de son fils Alphonse Iv. Cet Alphonse acquit à son tour le surnom de Brave, par douze ans de guerre contre les Castillans; mais lorsque le pouvoir des princes chrétiens fut mis en danger par une nouvelle invasion des Maures Almoades, conduits par l'empereur de Maroc, ilamena des troupes auxiliaires au roi de Castille, à qui il avait donné sa fille en mariage, et il contribua à la brillante victoire de Tarifa, le 30 octobre 1340. C'est à la fin de ce règne qu'arriva l'aventure de la malheureuse qui fut reine après sa mort; ainsi commence l'épisode d'Inès de Castro, la plus touchante comme la plus célèbre de tout le poëme; elle est destinée à relever, par un intérêt dramatique, les détails trop secs de l'histoire dans laquelle le Camoëns s'est engagé.

<< Toi seul, ô pur Amour! toi, qui par ta >> force cruelle maîtrises les coeurs des humains, » tu causas sa mort lamentable; on dirait qu'à » tes yeux elle était une ennemie perfide. Cruel » Amour! ta soif n'est point désaltérée par les » larmes de la douleur, et dans ta tyrannie tu >> veux voir le sang humain baigner tes au»tels (1). Gentille Inès, tu demeurais dans ta

(1) Cant. III, Strop. 120, 121,

Estavas, linda Ignez, posta em socego,

>> retraite, recueillant le doux fruit de tes jeunes >> années, dans cette illusion de l'âme libre et >> aveugle, dont la fortune ne permet point la >> longue durée. Tu habitais les rives solitaires >> du Mondego, que tes beaux yeux n'avaient » jamais perdu de vue, et tu enseignais aux >> montagnes, comme aux plus jeunes herbes, >> le nom qui était écrit dans ton cœur. Les » souvenirs de ton prince te répondaient tou>> jours, les tiens demeuraient toujours dans son >> âme; toujours il les portait devant ses yeux, >> quand il se séparait de toi ; la nuit, de doux » songes par leur illusion; le jour, les pensées >> qui flottaient devant son esprit, te peignaient >> toujours à lui; tout ce qui frappait son sou

De teus annos colhendo doce fruto;
Naquelle engano da alma, lédo, e cego,
Que a fortuna naõ deixa durar muto;
Nos saudosos campos do Mondego,
De teus formosos olhos nunca enxuto,
Aos montes ensinando, e ás hervinhas
O nome que no peito escrito tinhas.

Do teu Principe alli te respondiam
As lembranças, que na alma lhe moravam;
Que sempre ante seus olhos te traziam,
Quando dos teus formosos se apartavam;
De noite em doces sonhos que mentiam,
De dia em pensamentos que voavam;
E quanto em fim cuidava, e quanto via.
Eram tudo memorias de alegria.

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