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Il fallut douze ans d'entreprises, avant qu'ils pussent se résoudre à le franchir. C'étaient à peine soixante lieues de côtes de découvertes, et il y en avait encore deux mille à faire pour arriver au cap de Bonne-Espérance. Chaque pas qu'on faisait, toujours le long du rivage, pour découvrir le Sénégal, la Guinée, le Congo, présentait de nouveaux prodiges, de nouvelles terreurs, et souvent de nouveaux dangers. Des navigateurs qui se succédaient chaque année, avançaient cependant le long de cette côte d'Afrique, dont l'étendue surpassait si fort toutes les navigations européennes; mais aucune civilisation, aucun commerce, aucune alliance n'offraient aux Portugais, à cette distance inouie de leur patrie, les moyens de renouveller leurs vivres, de se restaurer de leurs fatigues, de réparer les désastres de la mer ou du climat. Enfin, en 1486, une tempête porta Barthelemy Diaz au-delà du cap de Bonne-Espérance, qu'il passa sans le voir. Il s'aperçut alors que la côte, au lieu de courir toujours vers le Sud, retournait vers le Nord; mais ses munitions étaient épuisées, ses matelots accablés de fatigués et découragés; et quoiqu'il entrevît déjà le parti qu'on pourrait tirer de sa découverte, il en abandonna le fruit à quelque autre plus habile ou plus heureux que lui. Tel était l'état des connaissances portugaises sur cette navigation, lorsque le roi

pas

Emmanuel chargea Gama de pénétrer aux Indes par cette route. Il restait encore deux mille lieues à découvrir, pour parvenir à la côte de Malabar, autant par conséquent qu'on en avait découvert dans tout un siècle. Les Portugais ignoraient, d'ailleurs, si cette distance ne serait deux fois plus grande encore; ils ne connaissaient ni les vents, ni les saisons convenables à la navigation; et dans le pays qu'ils cherchaient avec tant de dangers, ils ne savaient pas sides ennemis nouveaux, des ennemis puissans, et qui les égalaient peut-être dans les arts de la guerre comme dans ceux de la civilisation, ne les attendaient pas pour les accabler, La flotte destinée à une entreprise si hardie était composée seulement de trois petits vaisseaux de guerre, et un de transport; elle portait en tout cent -quarante-huit hommes d'équipage. Les vaisseaux étaient commandés par Vasco de Gama, par son frère Paul de Gama, et par Nicolas Coelho. Ils partirent du port de Belem, ou Bethleem, à une lieue de Lisbonne, le 8 juillet 1497. Voici comment Vasco de Gama, en continuant sa narration au roi de Mélinde, raconte ce départ :

« Après avoir préparé nos âmes à la mort >> toujours présente aux yeux des navigateurs, >> nous partîmes du temple bâti sur le rivage de » la mer, qui porte le nom de la terre où Dieu

>> fut incarné....... Ce jour là les habitans de la »ville, nos amis, nos parens, ou ceux que la >> curiosité seule attirait, accoururent sur le ri»vage, en témoignant leur inquiétude et leurs >> regrets cependant nous nous acheminâmes

vers nos bateaux, entourés de la sainte com>>pagnie de mille religieux qui, dans une pro» cession solennelle, priaient avec nous la Divi>> nité. Chacun nous regardait comme condam» nés à nous perdre dans une navigation si >> longue et si douteuse. Les femmes versaient >> des pleurs de compassion; les hommes pous»saient des soupirs déchirans; les mères, les >> épouses, les sœurs, qu'un amour inquiet pri» vait de confiance, faisaient naître en nous le » découragement et la crainte glacée de ne ja>> mais revoir notre patrie. L'une disait, ô mon >> fils ! toi que je regardais comme la seule con>>solation, la seule défense d'une vieillesse épui>>sée, que j'acheverai désormais dans l'amertume >> des larmes, pourquoi me laisses-tu, malheu> reuse que je suis? pourquoi, ô fils chéri! » t'éloignes-tu de moi? pourquoi vas-tu cher>>cher une triste sépulture dans les eaux, et te » destines-tu à être l'aliment des poissons? Une >> autre, s'arrachant les cheveux, s'écriait : ô » époux doux et chéri ! sans lequel l'amour ne >> me permettra point de vivre, pourquoi aven» turer sur une mer irritée cette vie qui m'ap

» partient, et qui n'est plus à vous? Comment » avez-vous préféré ce voyage dangereux à l'af>> fection si douce qui régnait entre nous? You» lez-vous donc que, comme le vent soulève >> vos voiles, il emporte aussi et notre amour et >> notre vain contentement (1)? Avec ces paroles » et d'autres encore que leur dictaient l'amour » et la tendre compassion, les vieillards nous >> suivaient avec les enfans en qui l'âge laisse le » moins de forces; les montagnes répondaient » à leurs gémissemens, comme émues elles» mêmes d'une profonde pitié, et nos larmes » baignaient les grains de la blanche arène dont » elles égalaient presque le nombre.

(1) Cant. IV, Strop. 90, 91.

Qual vai dizendo: o' filho, a quem eu tinha

Só para refrigerio e doce amparo

Desta cansada já velhice minha,

Que em choro acabará penoso e amaro;
Porque me deixas, misera e mesquinha?
Porque de mi te vás, o filho charo?
A fazer o funereo enterramento,
Onde seias de peixes mantimento?

Qual em cabello : o doce e amado esposo,
Sem quem nao quiz amor que viver possa;
Porque is aventurar ao mar iroso
Essa vida, que he minha, e naỡ he vossa?
Como, por hum caminho duvidoso,
Vos esquece a affeiçaõ tao doce nossa?
Nosso amor, nosso vao contentamento
Quereis que com as vélas leve o vento?

>> Nous autres, sans oser soulever nos regards » ni sur nos mères, ni sur nos épouses, pour ne >> pas augmenter nos angoisses, ou changer des >> projets fermement arrêtés, nous nous embar» quions en silence, sans prendre le congé accou» tumé; car cet usage de l'amour augmente la » douleur et de celui qui part, et de celui qui >> reste. Mais un vieillard d'un aspect vénérable, » qui s'arrêtait sur la plage au milieu de la foule, >> après avoir fixé sur nous ses yeux, et remué » trois fois sa tête mécontente, éleva sa voix » brisée pour nous suivre jusque sur la mer >> et tira de sa sage poitrine ces paroles que lui » dictait un savoir fondé sur l'expérience »>:

>> O gloire de commander! ô vaine cupidité » de cette vanité, que nous nommons renom>>mée ! goût trompeur excité par un souffle » populaire qui nous paraît l'honneur! Quel >> prodigieux châtiment, quelle justice tu exer>> ces sur les cœurs assez vains pour te trop >> aimer! Que de morts, de périls, de tempêtes, » de souffrances, ne leur fais-tu pas éprouver! >> Dure inquiétude de l'âme et de la vie, source » de privations et d'adultères, toi, qui con>> sumes avec rapidité les propriétés, les royau» mes, les empires; on t'appelle illustre, on >> t'appelle élevée, tandis que tu ne mérites que >> d'infâmes reproches; on t'appelle renommée >> et gloire suprême, et c'est avec ces noms qu'on

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