» Sache que tous les navires qui oseront » faire le voyage que tu fais à présent, trou>> veront ces parages ennemis, et y éprouve>>ront des vents déchaînés et des tempêtes; et » que j'infligerai à l'improviste un tel châti» ment sur la première flotte qui traversera ces >> ondes encore'vierges, que le dommage en sur» passera la crainte. Si je ne suis trompé, ici » j'espère prendre une suprême vengeance de » celui qui m'a découvert (1), et ce ne sera point » là le terme des maux que vous attirera votre >> audace obstinée; au contraire, chaque année » vous éprouverez sur vos navirés des nau>> frages, des pertes de tout genre, parmi les» quelles la mort sera le moindre de tous les » maux. D'après les jugemens inconnus de Dieu, E navegar meus longos mares ousas, Que eu tanto tempo ha que guardo e tenho, Pois vens ver os secredos escondidos Da natureza e do humido elemento, Que inda has de sobjugar com dura guerra. (1) Barthelemy Diaz, qui avait découvert avant Gama le cap de Bonne-Espérance, et qui y périt avec trois vaisseaux, en 1500, dans l'expédition d'Alvarez Cabral. »je serai la sépulture éternelle de celui qui le » premier aura élevé dans l'Inde sa renommée >> jusqu'aux cieux. C'est ici qu'il déposera les >> orgueilleux trophées qu'il aura enlevés sur » l'armée turque; c'est ici que Quiloa, qu'il » aura détruite, c'est ici que Mombaça le me> nacent de leur vengeance (1). » Un autre viendra ensuite ici avec une ré» putation brillante; libéral, chevaleresque et » amoureux, il conduira avec lui une beauté >> que l'amour lui aura accordée dans sa fayeur. » Mais une triste et sombre destinée les appelle (1) François d'Almeïda, premier vice-roi des Indes, tué en 1509 par les Caffres, au Cap de Bonne-Espé rance. Aqui espero tomar, se naõ me engano, Antes, em vossas náos vereis cada anno E do primeiro illustre que a ventura >> sur cette terre dure et irritée, qui m'appartient; » elle ne les laissera échapper au naufrage que » pour les livrer vivans à des tourmens extrê» mes. Ils verront mourir de faim les fils ché>> ris, auxquels ils avaient donné naissance, et » qu'ils avaient nourris avec tant d'amour ; ils >> verront les Caffres avares et cruels dépouiller » la dame délicate de ses habillemens; ses mem»bres élégans et polis comme le cristal seront » exposés à la froideur des vents, à l'ardeur de » l'été; et ses pieds délicats fouleront longuement » le sable brûlant. Les yeux qui échapperont à » un si grand malheur, à une si extrême souf» france, verront ces deux malheureux amans » exposés à une ardeur brûlante et implacable. Là, après avoir attendri jusqu'aux pierres >> par des larmes de douleur et d'angoisse, ils >> demeureront embrassés, et leurs âmes se dé»gageront ensemble de leurs prisons aussi belles » que douloureuses (1). (1) Manuel de Souza et sa femme. (Cant. v, Strop. 46 à 48.) Outro tambeni virá de honrada fama, E comsigo trará a fermosa dama, Que amor por gran mercé lhe terá dado; Triste ventura, e negro fado os chama >> Ce monstre horrible aurait continué à nous prédire nos destinées, mais, élevant la voix, » je lui dis : Qui es-tu? toi dont le corps pro» digieux cause mon étonnement. Détournant >> alors sa bouche et ses yeux noirs, avec un » gémissement épouvantable, il me répondit » d'une voix pesante et d'un accent amer, >> comme si ma demande lui avait été à charge: » Je suis ce grand Cap ignoré, que vous autres » vous avez nommé Cap des Tourmentes ; celui » que jamais ne connurent ni Ptolomée, ni » Pomponius, ni Strabon, ni Pline, ni aucun » des anciens. Toute la côte d'Afrique se ter>> mine à mon promontoire, qui n'avait jamais » été vu; il s'étend vers ce pôle antarctique Verao morrer com fome os filhos charos, E verao mais os olhos que escaparem Da formoza e miserrima prisas. TOME IV. 25 » que votre audace a si fort offensé. Je naquis » un des fils redoutables de la terre ; ;- frère » d'Encélade, d'Egée, et du géant aux cent » bras. Mon nom était Adamastor, et je fis la » guerre contre celui qui lance les carreaux de » Vulcain; non que j'élevasse montagne sur >>> montagne; mais conquérant les ondes de » l'océan, je fus le capitaine des mers que par>> courait la flotte de Neptune, et c'est lui que je >> cherchais. L'amour, pour l'épouse illustre de » Pélée, me fit embrasser une si haute entreprise; » je méprisai toutes les déesses des cieux, pour >> aimer seulement la princesse des eaux. Un jour je la vis sans vêtemens, sortir sur le ri» vage, avec les filles de Nérée; à l'instant ma » volonté fut captive, et dès lors il n'est plus >> aucune autre chose que je chérisse. Comme » la grandeur effrayante de ma taille m'ôtait >> tout espoir de lui plaire, je résolus de m'em» parer d'elle de force, et Doris connut mes projets. La nymphe, cédant à la crainte, lui » parla en ma faveur; mais elle, avec un sou» rire plein de grâce et de pudeur, répondit: >> Comment l'amour d'une nymphe pourrait-il suffire à un géant? Cependant pour délivrer >> et nous et l'océan d'une guerre si redoutable, >> je chercherai le moyen d'éviter le dommage, >> sans compromettre mon honneur. Telle fut » la réponse que me rapporta ma messagère. Moi |