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>> Celles-ci qui passent avec tant de légèreté ne » sont point toutes égales pour de mêmes dé

sirs, et les volontés ne sont plus les mêmes. » Les choses que j'aimais jadis sont tellement >> changées, qu'elles ont presque une autre es» sense, et le progrès de l'âge condamne mes premiers goûts. Ni la fortune, ni ce temps » d'erreurs qui épie épie mes contentemens pour » les détruire, ne me laissent plus l'espérance » de nouvelles joies ».

Qu'il me soit permis de citer encore un troisième sonnet, qui porte également l'empreinte du malheur acharné contre un grand homme (1). » Que pourrais-je donc aimer davantage au

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» monde? Qu'y a-t-il donc en lui qui excite un » si grand amour? Je n'y ai vu que des dé>> goûts et de l'indifférence, je n'y ai vu que la » mort, car que pourrait-elle être de plus ? » Mais puisque la vie ne rassasie point sur la » vie, puisque je sais déjà qu'une grande dou>> leur ne fait point mourir, s'il y a quelque » chose qui cause de plus grandes angoisses, je » la verrai, car je suis fait pour tout voir. La » mort, pour mon malheur, m'a déjà mis en » sûreté contre tous les maux qui peuvent m'at» teindre, j'ai déjà perdu celui qui m'avait en» seigné à perdre la crainte. Je n'ai vu dans la >> vie que le manque d'amour, je n'ai vu dans » la mort que la grande douleur qui m'est restée. >> Est-ce donc pour cela seul que je suis né?»

Dans les œuvres du Camoëns on trouve ensuite les Cançaos, qui sont faites sur le modèle des Canzoni de Pétrarque. Les premières sont de simples chansons d'amour, dans l'une desquelles il rappelle ses premiers sentimens à l'université de Coimbre, et sur les bords rians du Mondego. La neuvième est écrite en vue du cap Guardafú, dernière limite de l'Afrique, opposée aux côtes de l'Arabie. Le poète en décrit les âpres et tristes montagnes, et il y a quelque chose de si frappant à voir un homme d'un grand génie exilé si loin de l'Europe, et de la terre des lettres et des arts, qu'un poëme ecrit

TOME IV.

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sur cette côte sauvage toucherait, indépendamment de son mérite; mais il semble qu'un amour malheureux en chassant le Camoëns dans cette carrière d'aventures maritimes, les rendait plus douloureuses. Il dit dans la sixième strophe (1):

(1) Canç. Ix, Strop. 6.

Se, de tantos trabalhos, só tirasse
Saber inda por certo, qu'algum hora
Lembrava a hu's claros olhos que ja ví
E se esta triste voz, rompendo fora,
'As orelhas angelicas tocasse,

Da quella, em cuja vista, já vivi:
A qual tornada hum pouco sobre si,
Rebolvendo na mente presurosa
Os tempos ja passados,

De meus doces errores,

De meus suaves males, e furores,
Por ella padecidos e buscados,
Tornada, (inda que tarde) piadosa,
Hum pouco lhe pesasse,

E consigo por dura se julgasse.

Isto só que soubesse, me seria
Descanso, para á vida que me fica;
Com isto afagaria o sofrimento:
Ah senora, senora, e que tam rica
Estais, que câ, tao longe d'alegria,
Me sustentais c'hum doce fingimento.
Em vos affigurando o pensamento,
Foge todo o trabalho, e toda a pena:
Só com vossas lembranças,

M' acho seguro e forte

Contra o rosto feroz da fera morte.
E logo se m' ajuntaõ as esperanças
Com qu'a fronte tornada mais serena

» Side tant de travaux, je recueillais pour fruit » de savoir avec certitude, que les beaux yeux » que je voyaisautrefois, se souviendront à quel» que heure de moi; si cette triste voix devait >> un jour toucher les oreilles angéliques de » celle dont la vue me faisait vivre; si, reve>>nant un peu sur elle-même, elle repassait » dans son esprit avec rapidité les temps déjà » écoulés de mes douces erreurs, des maux que >> je chérissais, des fureurs que je cherchais, » que je souffrais pour elle; si, reprenant, » quoique bien tard, quelque compassion, elle » en éprouvait du regret, et s'accusait elle» même de cruauté, cela seul pourrait être un >> repos pour ce qui me reste de vie, et étoufferait >> ma souffrance. Ah! signora, signora, êtes-vous » donc si riche, qu'à cette distance de tout sujet

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>> de joie, vous puissiez me soutenir seulement >> par une douce fiction! Dès queje me figure une » telle pensée, tous mes soucis, toutes mes >> peines s'enfuient loin de moi. C'est dans votre » souvenir seul que je trouve la sûreté et la » force, pour affronter le visage redoutable de >> la cruelle mort; et à l'instant où j'y joins l'es» pérance de vous trouver plus favorable à mon » retour, les tourmens les plus cruels font » place aux douces et flatteuses espérances.

>> Ici je m'arrête, en demandant aux vents » amoureux qui respirent de votre côté, ce qu'ils » m'apportent de vous; aux 'oiseaux qui volent » au-dessus de moi, s'ils vous ont vue, ce que >> vous faisiez, ce que vous méditiez; ou? com>>ment? avec qui? à quel jour? à quelle heure? >> Ici, ma vie fatiguée se restaure, je reprends de >> nouveaux esprits pour vaincre la fortune et >> les travaux, seulement afin de retourner vous >> voir, vous servir, vous aimer. Le temps me >> dit qu'il accommodera toutes choses, mais le >> désir ardent qui me tourmente ne le per>> mettra point, car il r'ouvre sans cesse les bles>>sures de ma souffrance ».

La dixième de ces canzoni est de beaucoup la plus belle, la plus touchante et la plus mélancolique; c'est une plainte éloquente du poète sur les malheurs de sa destinée, qui commencèrent dès sa naissance. Animé par des désirs

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