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>> mes yeux, et je pus comparer Babylone au »mal présent, et Sion au temps passé. Là les » souvenirs de mes plaisirs se représentèrent à >> mon âme, et les choses absentes furent aussi » présentes pour moi, que si elles n'avaient » jamais passé. Là les yeux baignés de larmes >> pour les fantômes de mon imagination, je >> sentis que tous les biens passés ne sont plus » un plaisir, mais une souffrance........ ».

La paraphrase du Camoëns me paraît, en général, inférieure à la haute poésie de l'hymne hébraïque. Elle est trop longue; trente-sept strophes de dix vers ne peuvent plus être l'effusion d'un seul sentiment, et des idées communes servent quelquefois de transition ou de remplissage entre les strophes, qui expriment avec le plus de vérité les pleurs versés près des fleuves de Babylone. Voici cependant une jolie strophe, entre plusieurs autres, sur le pouvoir de la musique (1):

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<< Le voyageur joyeux chante dans son voyage >> pénible au travers de l'épaisseur des bois, et » lorsque pendant la nuit il ressent quelque » effroi, en chantant il rassure sa crainte. Le >> prisonnier chante doucement, et il accompa»gne sa voix en faisant résonner les durs bar»reaux de sa prison; le moissonneur chante >> son contentement; et l'homme de peine en > chantant sent moins la peine qu'il éprouve ».

L'imitation ne réussit guère aux poètes espagnols et portugais, et moins encore la paraphrase, exercice de collége qui leur était enseigné dans leurs universités, et qu'ils ont transporté dans leur poésie; c'est ce qu'ils ont appelé glosas chez les Espagnols, voltas chez les Portugais. C'est un commentaire en vers sur une devise, ou sur un couplet. Trop souvent, dans ces petits vers, le Camoëns tombe dans la double affectation du bel esprit et de la pédanterie. Au reste, il a laissé un grand nombre de poésies nationales dans l'ancien mode trochaïque, et il semble avoir voulu montrer qu'il maniait aussi facilement l'ancienne prosodie castillane que l'italienne plus moderne (1).

(1) Elles sont rangées dans ses Œuvres, sans autre titre que celui de Redondilhas, ou d'Endechas. Le mot espagnol redondilla, devient redondilha en portugais, parce que, dans cette langue, on ajoute l'h après l'l ou I'n, quand on veut mouiller ces lettres.

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C'est dans le mètre italien que Camoëns a composé ses églogues; il en a écrit un grand nombre, mais je n'en connais que huit. Dans aucun de ses ouvrages, on ne trouve des vers plus pleins de grâce et d'harmonie; ce sont les bergers des rives du Tage, non ceux de l'Arcadie qu'il fait chanter, et souvent c'est avec un sentiment patriotique, autant du moins que la vérité peut se montrer dans une composition nécessairement maniérée. La première églogue est un chant funèbre sur la mort de D. Juan, fils du roi Jean III, et père du roi Sébastien et sur celle de D. Antonio de Noronha, qui fut tué en Afrique. Deux bergers, Umbrano et Frondelio, s'attristent sur les changemens survenus autour d'eux dans la nature, et ils craignent qu'ils ne présagent de plus grands et de plus tristes changemens encore; le retour du Maure dans les campagnes que la valeur de leurs ancêtres a affranchies de sa loi : « A cet » égard, reprend Umbrano, je me confie en>> core dans le courage des pasteurs de Luzo, et » dans cette valeur antique qui la première nous » signala dans le monde. Ne crains point, cher » Frondelio, qu'en aucun temps nous soyons » subjugués, ni qu'en aucun temps nous plions » la tête sous aucun joug étranger ». Cependant Umbrano demande à Frondelio de répéter le chant funèbre qu'il récita le jour de la mort de

Tionio (c'est le nom qu'il donne à Noronha ); et ce chant tout pastoral, déguise les hauts faits de la guerre d'Afrique sous des noms de bergerie. A peine a-t-il achevé, qu'ils entendent une musique presque céleste, et des voix de femmes entremêlées de pleurs et de gémissemens. C'est Jeanne d'Autriche, veuve de don Juan, que le Camoëns introduit sous le nom d'Aonia, pour pleurer la mort de son époux; et sa complainte, au milieu d'une églogue portugaise, est en vers castillans.

« Ame et premier amour de mon âme, esprit heureux auquel ma vie a été attachée autant >>que Dieu l'a voulu, ombre noble sortie de sa >prison, qui retournes à la patrie où tu fus en» gendrée, et d'où tu procèdes, reçois-y le triste > sacrifice que t'offrent des yeux accoutumés à » te voir, si tu n'en as pas perdu le souvenir ! »Puisque les cieux n'ont pas permis que je >> t'accompagnasse dans ce voyage, et puisqu'ils » n'ont voulu prendre que toi pour leur orne>>ment, du moins permettront-ils que ma mé>moire accompagne la tienne, et que tes dé» pouilles soient ma parure: elles le seront tou» jours, avec quelque rapidité que le temps » s'enfuie, et elles causeront pour moi des pleurs >> éternelles, jusqu'à ce que cette vie et ce souffle >> soient détruits. Mais toi, noble esprit, qui » pendant ce temps parcours d'autres campa

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»gnes, foules aux pieds d'autres fleurs, et en>tends d'autres musettes et un autre chant; toi » qui contemples aujourd'hui dans l'empirée » cette vierge suprême qui tient les rènes du » monde, et qui le dirige par ses ordres; ou qui >> admires le soleil en voyant comme il marche » au travers des signes enflammés, versant sa » lumière sur le monde que tu as quitté ; si tant >> de prodiges ne ne t'ont pas fait perdre toute mé» moire de moi, si tu as pu ne point passer par >> les eaux de l'oubli, tourne tes yeux sur cette » plaine; tu y verras une femme qui, avec de >> tristes pleurs, t'appelle en vain auprès de ce » marbre sourd. Mais si les larmes et les gémis» semens amoureux peuvent entrer dans les » signes d'or, et émouvoir l'assemblée suprême >> et sainte, j'arriverai près de toi, et je pourrai >te voir, car les destins, tout cruels qu'ils sont, » n'ont point refusé la mort aux malheureux ».

Enfin le Camoëns, qui semble avoir voulu s'essayer dans tous les genres de poésie, pour compléter la littérature nationale, a écrit aussi quelques pièces de théâtre. On en conserve trois qui appartiennent probablement au temps de sa jeunesse, avant son départ pour les Indes orientales. Celle qu'il a intitulée les Amphytrions, est imitée de Plaute avec assez de gaîté. Le roi Séleucus, qui cède sa femme à son fils, est une farce à personnages héroïques. Filo

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