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Prothée aurait pu trouver peut-être et des instances plus persuasives, et un langage plus en caractère. Mais tandis qu'il remplit le ciel et la mer de ses plaintes, Amphitryte et toutes les Nymphes de l'océan, jalouses de la beauté supérieure de Léonor, excitent contre son vaisseau un orage effroyable, et le font échouer sur un écueil près du cap de Bonne-Espérance. Ce naufrage est raconté, avec assez de vérité pittoresque, dans le septième et le huitième chant. Ici Cortéreal rentre dans le domaine de

Quem he o que me atalha tanto bem?

Como estas do feu Protheo assi esquecida ?
Vem fermosa Lianor, ah-Lianor vem!
Alegra est' alma triste a ti rendida,
Nao pages tanto amor com crueldade,
Que nao se espera tal, de tal beltade.

Chega, veras o mar assossegado,
Ornado de belissima pintura;
De Neptuno veras tao celebrado
A escamosa et horrida figura;
Veras do reino liquido, salgado,
O bando da marinha fermosura,
Que toda junta vem obedecerte,
E aqui aguarda toda, só por verte.

Veras arder huma alma em triste peito,
No meyo deste mar, por ti gritando;
Veras hum coraçao todo desfeito
Em lagrimas mil vas, nada esperando;
Veras varios effeitos num sogeito,
Veras amor, cada hora acrecentando
A minha grave dor, novo tormento
Fiado a penas só do pensamento,

la nature et du coeur humain, et l'intérêt se ranime. Cent cinquante-quatre Portugais en état de porter les armes, et deux cent trente esclaves, avec quelques malades et quelques blessés, sortent du vaisseau le San Joao. Mais ils ne peuvent porter au rivage qu'une très-petite quantité de vivres, et la côte sur laquelle ils se trouvent jetés est dépouillée de tout fruit et de toute culture. Quelques Caffres paraissent dans le lointain, mais on ne peut les engager à aucun commerce; au contraire, abandonnant leurs huttes dépouillées, ils font courir la flèche de tribus en tribus, pour rassembler, par ce symbole de guerre, toutes les hordes du désert.

Dans cette extrémité, Manuel de Souza convoque le conseil de ses compagnons d'armes, et avec un visage assuré, il leur parle en ces termes : « Seigneurs ! amis ! vous voyez comme >> moi le misérable état où nous sommes ré>> duits, mais mon espérance est en Dieu, en >> lui est ma confiance, c'est lui qui nous ren» dra le repos. Si tout se fait ici bas par la » volonté de ce Dieu tout-puissant, nous>> mêmes nous souffrons par la permission di» vine, et je le reconnais, mes seuls péchés » ont attiré sur nous ces malheurs. Mais, ô >> Dieu tout-puissant! laisse-moi racheter le >> châtiment que je mérite par ces êtres inno» cens et purs; et en disant ces mots il soule

»vait dans ses bras l'aîné de ses fils, dont la » beauté était merveilleuse; il fixait sur le ciel >> ses yeux remplis de larmes. O Dieu clément! » ajouta-t-il, je te le présente celui-ci, qui n'a >> point commis de faute; que ce soit lui qui >> apaise ton courroux! aie pitié de lui! hélas! »je te l'offre en sacrifice avec son plus jeune » frère. Déjà nous avons éprouvé ta bonté, » quand tu nous as délivrés d'une si furieuse >> tempête, quand tu nous as arrachés à la » cruauté des vagues, pour nous déposer sur la » terre, encore qu'elle soit ennemie ». Souza déclare ensuite à ses soldats qu'il ne se regarde plus comme leur chef, qu'il n'est que leur égal; mais il leur demande de se promettre les uns aux autres qu'ils ne se sépareront point, qu'ils s'accommoderont au pas ralenti de leurs malades, de leurs blessés, de Léonor et de ses enfans; et après avoir reçu leur serment, il distribue sa troupe en ordre de marche et de bataille, et il s'engage dans le désert.

La marche de cette petite armée est ralentie par l'ignorance des lieux, par les bois et les montagnes, par les lits tortueux des rivières d'après leur calcul, ils avaient dû faire quatre-vingts lieues, ils n'en avaient pas fait trente en ligne droite parallèlement au rivage. Le peu de vivres que la terre leur offre ne suffit point à leur faim; plusieurs accablés par l'ardeur du soleil, par la

réflexion d'un sable brûlant, par la faim, la soif, la maladie, laissent passer leurs leurs compagnons d'armes, se couchent par terre, et attendent les tigres qui ne tardent pas à les dévorer. <«< Ils fixent >> les yeux sur ceux qui continuent leur route, »>ils gémissent, ils soupirent; et, baignés de » larmes, ils prennent d'eux un dernier congé : » Allez, amis, leur disent-ils, que Dieu vous » épargne l'épreuve épouvantable où nous suc>> combons. Après ce peu de paroles, laissant >> tomber leurs membres fatigués, ils pleurent » sur leur triste fin; et bientôt des tigres cruels >> et d'autres bêtes féroces les mettent en >> pièces (1) ».

Et cependant la faim n'est pas leur seul ennemi. Après quatorze jours de marche, les Portugais, affaiblis par tant de souffrances, ont encore à soutenir une bataille générale contre les Caffres, qu'ils repoussent avec leur valeur

(1) Canto IX.

Alguns se rendem jà, jà de cançados
Se deixao ser de tigres mantimento.
Os olhos nos que vaõ, gemem, sospiraō,
Em lagrimas banhados se despedem,
Dizendo: ivos, amigos, Deos vos livre
Deste passo espanto'so em que ficamos.
Apos estas palavras, reclinando

Os lassos membros, chorao seu fim triste.
Alli de bravos tigres, et outras feras
Em breve espaço sao feitos pedaços.

accoutumée, mais non sans perdre plusieurs de leurs plus braves guerriers. Ils continuent ensuite leur douloureux voyage; ils cheminent pendant plus de trois mois avec des chances diverses, et la faible Léonor fait avec ses enfans plus de trois cents lieues à pied; ils se nourrissent de fruits sauvages, de racines, des faibles produits de la chasse, et quelquefois même de la chair à moitié corrompue des animaux qu'ils trouvent morts dans le désert. Pour varier ces lugubres tableaux, Cortéreal a de nouveau recours à la mythologie antique; tantôt il nous montre Pan, dans une vallée qui lui est consacrée et que traversent les Portugais, ébloui par la beauté de Léonor, et soupirant des vers d'amour pour elle; tantôt il nous introduit dans un songe de Manuel de Souza, au palais de la Vérité, puis à celui du Mensonge; il remplit l'un des patriarches de l'ancien Testament et des saints du nouveau ; l'autre, des hérétiques qu'il passe en revue en les maudis

sant.

Dans deux chants qui viennent ensuite, le treizième et le quatorzième, le poèté conduit Pantaleon de Sà, l'un des compagnons de Souza, dans une caverne mystérieuse, où un enchanteur lui fait voir les portraits, et lui explique l'histoire des grands hommes du Portugal, depuis le commencement de la monarchie jusqu'à

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