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sa fin; car Cortéreal, suryivant à la grande défaite du roi Sébastien, avait vu la chute de l'indépendance de sa patrie; il avait lui-même combattu, il avait été fait prisonnier à la bataille d'Alcacer-Kibir, et l'un des héros de son nom, sur la tombe duquel il jette en passant quelques fleurs, est peut-être son fils. Le tableau du champ de bataille, après la déroute des Por tugais, est d'autant plus frappant, que Cortéreal le traversa sans doute avec les autres captifs.

«

Voyez, Seigneur! dit l'enchanteur à Panta» léon de Sà, en tournant les yeux d'un autre » côté, voyez la funeste image de l'horrible ca→ » tastrophe qui doit glacer le sang dans nos » veines; voyez ce champ que traversent par » une course rapide mille ruisseaux de sang, et » ces herbes alongées qui cachent à moitié de >> nombreux cadavres étendus sans sépulture. >> D'autres sont entraînés en tourbillon dans >>> cette eau noire, froide et souillée de sang; les >> chevaux et les hommes sont précipités dans » les ondes de ce ruisseau profond aux rives » élevées ; regardez ! on les y voit tous se noyer; regardez! il n'y a pas une place vide où sur >> les corps des chevaliers privés de vie, on ne » voie se rassembler des corbeaux carnassiers (1).

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» Les hommes, les chevaux submergés, sont >> entraînés par le courant impétueux; les hom» mes et les chevaux demeurent étendus pêle» mêle dans cette campagne funeste et ensan» glantée; les barons illustres qui ont tous péri » avec leur généreuse progéniture, restent con» fondus parmi la foule vile et dégénérée........ » Un voile ténébreux, un nuage sombre, cou>> vre et ensevelit la terre de Lusitanie; une » dure affliction, une peine mortelle, remplit » le sein des femmes qui seules y sont demeu»rées; on s'occupe cependant de la liberté des captifs, mais on ne prend pour eux que de » fausses mesures. Je n'accuse personne, mais » le but de celui qui se rend coupable dans cette » occasion, n'est que trop visible. Ces tristes captifs succombent aux rigueurs de leur dur

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A funesta visaõ do caso horrendo
Que o sangue nas entranhas congelava:
Vede hum campo por onde vao correndo
Mil arroyos de sangue, que mostrava
Grande copia de corpos estendidos,
Pollas crecidas hervas escondidos.

Outros vereis, que se andaõ rebolcando
Naquelle humor sangrento, negro et frio ;
Os cavallos et os homens hir tombando
Pollas ondas de hum alto et fundo rio;

Olhai, que se vao todos afogando,

Olhai, et nao vereis lugar vazio,

Onde sobre os jà mortos cavalleiros

Nao gritem negros corvos carniceiros.

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esclavage, tandis que celui qui était parti pour » hâter leur rançon, demeure oisif dans Ceuta ; » tantôt ce que les uns demandent est refusé » par les autres, tantôt le prix offert par les » Chrétiens est rejeté par les Maures. Cependant » le temps s'écoule, et la vie s'achève pour >> celui qui l'a consumée en vain dans l'espoir et » l'attente. Des chevaliers si nobles, si vaillans, » si audacieux, n'avaient pas mérité d'être trai>> tés ainsi >>.

Ce long épisode de Cortéreal est peut-être déplacé, il n'est point amené d'une manière assez naturelle, et il détourne l'attention pour la porter sur un intérêt tout nouveau, presqu'au moment de la catastrophe; mais c'est la pompe funebre de la nation portugaise; et la chute de cette noble nation, qui s'était élevée si rapidement à la gloire poétique et militaire, méritait bien de rentrer ainsi dans le domaine de la poésie.

Manuel de Souza s'était arrêté avec sa petite troupe chez un roi nègre, qui l'avait accueilli avec une hospitalité généreuse; les Portugais avaient donné à ce roi de puissans secours dans une guerre qu'il soutenait contre un de ses voisins. Ce roi désirait ardemment retenir de si braves soldats à son service; mais les Portugais, malgré les fatigues et les dangers de leur précédent voyage, n'avaient d'autre désir que

de retourner dans leur patrie. Ils espéraient trouver des vaisseaux de leur nation à l'embouchure du fleuve de Laurent Marquez; ils étaient sur ce fleuve, et ils ne le reconnaissaient pas. Rejetant les instances du roi nègre, ils se déterminent à continuer leur pèlerinage au travers du désert, pour atteindre le port auquel ils sont déjà parvenus, et dont leur erreur les éloigne. Mais c'est avec des dangers inouïs et une fatigue intolérable, qu'ils arrivent, au bout de plusieurs jours, au second bras de la même rivière, car elle se jette dans la mer de Mozambique par trois larges embouchures. Le courage de Manuel de Souza avait succombé aux souffrances de sa femme et de ses enfans; des présages horribles avaient troublé son imagination; l'ombre de Louis Falçao avait demandé à Dieu de venger son sang, injustement répandu, et il lui avait été permis d'égarer la raison des Portugais. Le roi Caffre, dans le pays duquel ils viennent d'entrer, leur offre des logemens et des vivres, mais il ne veut point permettre qu'une armée étrangère traverse ses États; il oblige les Portugais à se séparer et à lui consigner leurs armes. Pantaleon de Sà, après avoir bravé mille dangers, arrive enfin à un vaisseau chrétien, et rentre dans sa patrie; mais la plupart des soldats périssent dans les déserts de l'Afrique, où ils sont dévorés par ses monstres.

Manuel de Souza reste seul avec sa femme, ses deux enfans, et dix-sept esclaves qui lui appartiennent, jusqu'à ce qu'ayant consumé toutes ses richesses, il soit forcé par le roi Caffre à continuer son voyage à l'aventure. Il recommence donc à traverser le désert avec sa troupe infiniment réduite, sans armes, sans espérance et sans courage. Comme il arrive sur les bords de la mer, au coucher du soleil, il y est tout à coup attaqué par une troupe de brigands caffres, qui dépouillent sans pitié les fugitifs de leurs derniers vêtemens. Malheureusement le poète refroidit encore ici l'intérêt qu'excitait une situation aussi déplorable, par de nouveaux amours mythologiques. Cette fois, c'est Phoebus, qui, à son retour sur l'horizon, voit avec étonnement la belle Léonor assise sur le sable, et cherchant à se couvrir de ses cheveux, le seul voile qui lui soit resté. Il descend auprès d'elle sous la forme d'un berger, et il lui adresse des vers galans ou langoureux qui contrastent de la manière la plus désagréable avec les images de misère et de mort dont on était entouré.

Cependant nous sommes bientôt ramenés à l'effrayante vérité. Tandis que Léonor demeuraitéperdue sur le sable, Manuel de Souza s'enfonçait dans les bois pour recueillir les racines, les baies, les fruits sauvages, seule nourriture qu'il puisse offrir à sa femme et à ses enfans. Il y

TOME IV.

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