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littératures, lorsque les poètes trouvant toutes les voies déjà frayées devant eux dans la bonne poésie, ont voulu inventer, ont voulu renouveller l'art, sans avoir en eux-mêmes une vigueur de pensée et de sentiment qui pût suffire à une création nouvelle. La soeur Violante do Ceo (ou du Ciel) était religieuse dominicaine, et elle passa dans son siècle pour un modèle de piété aussi bien que de talent poétique. Elle était née en 1601, et mourut en 1693, laissant un recueil très-considérable de vers sur des sujets religieux et temporels. Le sonnet, dont voici la traduction, autant, du moins, que le galimathias peut se traduire, était adressé à Marianne de Luna, son amie, et c'est sur le nom de Luna qu'elle joue (1).

(1) Musas que no jardin do rey do dia,

Soltando a doce voz, prendeis o vento;
Deidades que admirando o pensamento,
As flores augmentais que Apollo cria;

Deixai deixai do sol a companhia,

Que fazendo inveioso o firmamento,
Huma Lua que he sol, e que he portento,
Hum jardin vos fabrica de harmonia.

E porque nao cuideis que tal ventura
Póde pagar tributo à variedade,
Peło que tem de Lua a luz mais pura,

Sabey, que por mercé da Divindade,

Este jardin canoro se assegura
Com o muro inmortal da eternidade.

« Muses, qui, dans le jardin du roi du jour, » venez chercher le zéphir, en déliant vos dou>> ces voix; divinités qui, en admirant la pen»sée, augmentez les fleurs qu'Apollon cultive, » laissez, laissez la compagnie du soleil, car >> excitant l'envie du firmament, une lune qui » est un soleil, qui est un prodige, construit » pour vous un jardin d'harmonie ; et pour que >> vous ne croyiez point qu'un bonheur semblá»ble puisse payer un tribut à la variété, à » cause de ce que cette pure lumière tient de la » lune, sachez que par une grâce de la Divi»nité, ce jardin musical est rendu inviolable » par le mur immortel de l'éternité ».

Ceux qui sont plus exercés que moi à interpréter ce phébus, décideront si Marianne de Luna avait planté un jardin, ou préparé un concert, qué Violante appelle peut-être jardin d'harmonie, ou enfin écrit un poëme. Etrange bizarrerie de l'esprit humain, qui a cru voir de l'imagination et de la finesse dans un pareil galimathias!

Un autre poète de la même école et du même siècle, qui jouit alors d'une grande réputation, et qui est aujourd'hui oublié, fut Jeronymo Bahia, l'un des auteurs des poëmes nombreux sur les Amours de Polyphème et de Galathée. Il commence cette églogue colossale par cette strophe toute en antithèses, qui peut donner une idée du reste.

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«Dans les lieux où Neptune, avec des me» nottes d'argent, arrête le pied robuste du » Lilybée, ce mont qui fait la joie du ciel, le » tourment de la terre, la gloire de Jupiter et

l'enfer de Typhée; dans un champ assis sur >> cette montagne (la montagne est colosse et » le champ colysée), un rocher sert de porte à » une froide caverne, d'où la nuit ne sort ja» mais, où jamais n'entre le jour (1).».

Parmi les poésies de ce même Bahia, on trouve une romance adressée à Alphonse vi, pour féliciter et ce monarque et la patrie, de l'expédient qui devait sauver à jamais l'indépendance du Portugal, et assurer la victoire à ses armées. On venait, par des prières et des supplications solennelles, d'implorer Saint--Antoine de Padoue, qui naquit à Lisbonne en 1195, et que les Portugais regardent comme leur patron, pour qu'il acceptât un grade dans l'armée de sa patrie : les prêtres assuraient que l'habitant du ciel y avait consenti, et dès lors Saint-Antoine jouissait du grade, et son église

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de la paye de généralissime des armées de Portugal: « Cesse, dit Bahia au roi, cesse désor» mais tout enrôlement, puisque Saint-An>>toine a pris service dans tes armées; celui » qui délivra son père, délivrera aussi sa pa>> trie (1) ».

Dès le dix-septième siècle, les colonies portugaises ajoutèrent quelques poètes à ceux qui étaient nés dans l'ancienne Lusitanie: ainsi Francisco de Vasconcellos, un des auteurs de sonnets qui tombe le moins souvent dans le mauvais goût et l'affectation, était né à Madère. Il traita cependant à son tour, à l'imitation de Gongora, la fable de Polyphème et Galathée, si chère aux poètes espagnols et portugais. André Nuñez de Sylva, naquit et fut élevé au Brésil, mais il mourut en Portugal sous l'habit de moine théatin. Ses poésies religieuses peuvent être mises au nombre des meilleures du siècle. Ainsi une nation nouvelle, qui probablement héritera seule du génie des anciens Portugais, commençait déjà à croître et à s'élever au-delà des mers. Les oeuvres de ces divers poètes du dix-septième siècle, dont les noms mêmes sont si peu connus hors de leur patrie,

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se trouvent rassemblées dans quelques recueils, dont le titre seul indique le mauvais goût qui régnait alors, et fait prévoir le peu de critiqué, avec lequel le choix de ces poésies a été fait. L'un est intitulé le Phénix ressuscité; l'autre, le Postillon d'Apollon (1).

L'état politique du Portugal au dix-septième siècle causa la ruine de son théâtre. Ce pays fut réuni à la couronne d'Espagne avant qu'aucun grand talent dramatique se fût développé. Sous le règne des Philippe, Lope de Vega, et ensuite Calderon, illustrèrent la scène espagnole : il n'y avait plus de cour à Lisbonne, et les comédiens espagnols, attirés par les vice-rois, y représentèrent des comédies espagnoles. Le petit nombre d'anciennes pièces portugaises de Gil Vicente et de Miranda ne suffisait point pour alimenter un théâtre portugais. L'éclat de la littérature espagnole, dominante alors dans toute l'Europe, engageait toujours les poètes portugais à composer des vers dans cette langue, au moins autant que dans la leur, et ceux qui avaient du talent dramatique écrivirent pour le théâtre de

(1) Ce n'est même que l'abrégé de ces titres fantastiques. Le premier et le moins mauvais ouvrage est d'un Mathias Pereira da Sylva; il est intitulé A Fenix renascida, ou Obras Poeticas dos melhores engenhos Portugueses. Lisboa, 1746, 5 vol. in-8., l'autre ; Eccos que o clarim da Fama dà. Postilhao de Apollo, etc. 2 vol. Lisboa, 1761.

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