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Le comte d'Ericeyra avait voulu donner à sa patrie une épopée nationale plus régulière et plus sage que celle du Camoëns. Il était facile de relever dans celui-ci la bizarrerie et la contradiction continuelle de ses deux mythologies, et le long oubli dans lequel il abandonnait le héros apparent de l'ouvrage, Vasco de Gama, pour tomber dans des dissertations historiques souvent sèches et ennuyeuses. Mais les conseils et les leçons de Boileau ne suffisaient point pour donner au comte d'Ericeyra cet enthousiasme national du poète soldat, cette rêverie mélancolique, cette auréole d'amour et de gloire qui colorait tous les objets que le Camoëns voyait au travers de ses rayons. L'Henriquéide est un récit d'événemens sagement conçu, sagement exécuté, mais qui n'est guère élevé au-dessus de la prose. Le héros est Henri de Bourgogne, fondateur de la monarchie portugaise, gendre d'Alphonse vi de Castille, et père d'Alphonse Henriquez. L'action est la conquête du Portugal sur les Maures : elle est racontée en douze chants et en strophes de rimes octaves. Toutes les règles poétiques sont soigneusement observées, aussi bien que la vraisemblance historique; un léger mélange de merveilleux est emprunté aux Sibylles et à la magie, et l'intérêt est passablement

soutenu.

Au commencement du poëme l'armée chré

tienne est en présence de l'armée des Maures commandés par leur roi Muley. Henri apprend que, dans son voisinage, une Sibylle, habitant dans une caverne, possède le don de prophétie; il quitte secrètement ses troupes pour se rendre auprès d'elle, et il ne parvient à son antre qu'à travers des dangers inouis. La Sibylle est chrétienne, et s'intéresse vivement au sort de ses armes, elle le dirige dans sa conduite, elle lui révèle l'avenir, et lui fait entrevoir la grandeur future du Portugal. Cependant l'armée chrétienne est attaquée par Muley; les soldats s'étonnent de ne point trouver leur chef; ils le croient perdu, ils s'ébranlent, et sont sur le point de s'enfuir, lorsque Henri revient à eux, et rétablit la fortune du combat. Après cet événement qui attache l'intérêt épique du poëme à son héros, viennent des batailles, des duels, des siéges, des conquêtes, entremêlées de quelques aventures d'amour; enfin la conquête de Lisbonne, qui termine le poëme. Ericeyra avertit lui-même, dans sa préface, qu'il a cherché à emprunter des beautés à tous les poètes épiques, Homère, Virgile, l'Arioste, le Tasse, Lucain et Silius Italicus; et, en effet, on reconnaît souvent dans ses vers des imita

tions classiques; mais on n'y trouve jamais la chaleur ou le sentiment qui avaient produit ces ouvrages dignes d'imitation. Le poëme tout en

tier est d'une froideur mortelle, et la beauté des vers, la beauté des détails ne sauraient suffire pour remplacer l'âme et la vie poétique (1).

(1) Voici quelques strophes de l'Henriqueide, pour faire juger du style, et d'abord le début.

Eu canto as armas, e o varao famoso,
Que deo a Portugal principio régio;
Conseguindo por forte e generoso

Em guerra e paz, o nome mais egregio ;
E animado de espirito glorioso,
Castigou dos infieis o sacrilegio,
Deixando por prudente e por ousado
Nas virtudes, o imperio eternizado.

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Europa foy da espada fulminante
Teatro illustre, victima gloriosa,
Asia vio no seu braço a cruz brilhante,
E ficou do seu nome temerosa :

De Africa a gente barbara, e triumfante,
Se lhe postrou rendida e receosa,
Para ser fundador de hum quinto imperio
Que do mundo domine outro Emisferio.

L'arrivée de Henri à la grotte de la Sibylle.
Da horrenda gruta a entrada defendiao
Agudas folhas da árvore do Averno,
E enlaçadas raizes, que se uniao.
Mais que de Gordio no embaraço eterno.
Penhascos desde a terra ao, ceo sobiao,
Lubricos os fez tanto o frio inverno,
Que Henrique vio, subindo resolutos
Precipitarse os mais velozes brutos.

O mare a terra em horrida disputa
Gritavao, com clamores desmedidos:
Que nao entrassem na funesta gruta
Os que assim o intentavao, presumidos;

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A peu près à l'époque d'Ericeyra, on vit recommencer, à Lisbonne, quelque chose qui ressemblait à un théâtre portugais. Pendant tout le dix-septième siècle on n'avait eu, dans cette ville, qu'un théâtre espagnol; et les Portugais eux-mêmes, qui cultivaient l'art dramatique, adoptaient la langue castillane. D'autre part, le roi Jean v appela à Lisbonne, et soutint par sa munificence un opéra italien; et cet exemple nouveau fit bientôt après naître un genre bâtard de spectacle. Ce furent des

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A constancia mais forte, e resoluta,
De ondas e rochas tragicos bramidos,
Temia vendo unirse em dura guerra
Contra hum só coraçao o mar e à terra.

Enfin le combat de Henri et Ali, aú douzième chant.

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opéras comiques sans récitatif, peut-être même composés sur de la musique d'emprunt comme nos vaudevilles, mais ornés en même temps de décorations, de grand spectacle, et de toute la pompe des opéras italiens. Les pièces écrites par un poète du coin, un juif, Antonio José, dont le nom même était à peine connu, n'étaient recommandables ni par la conduite, ni par le style, ni par l'invention; mais une gaîté populaire, dans le genre des arlequinades italiennes, les soutenait; et de 1730 à 1740, elle attira en foule le public au spectacle. Le Juif fut brûlé par ordre de l'inquisition, au dernier auto-da-fé de 1745. Les directeurs craignirent peut-être de rendre leur foi suspecte en continuant la représentation de ses pièces, et le spectacle tomba. On a deux collections de ces opéras portugais sans nom d'auteur (1746 et 1787, 2 vol. in-8.). Les huit ou dix pièces qu'ils contiennent sont toutes également grossières de construction et de langage, mais elles ne manquent pas de sel et d'originalité. L'une d'elles, dont Esope est le héros, mais à laquelle on a cousu bizarrement les faits brillans de la guerre des Perses, pour pouvoir mettre des batailles et des évolutions de cavalerie sur le théâtre, a, dans le rôle d'Esope, les lazzis et la gaîté d'un vrai Arlequin de Bergame.

Quoiqu'il n'y eût réellement point de théâtre

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