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portugais, quelques hommes de talent s'efforçaient cependant de temps en temps de combler ce vide, et de donner à leur nation une branche de poésie qui lui manquait. Pedro Antonio Correa Garçao, dont les oeuvres ont été publiées en 1778, et qui, par son étude constante d'Horace, ses efforts pour introduire dans le portugais la manière de ce grand poète, et jusqu'au mètre qu'il a employé dans ses odes, a obtenu le nom de second Horace portugais, s'est aussi efforcé de réformer le théâtre, et de donner à sa patrie quelques pièces dans la manière de Térence. La première, qu'il a intitulée : Theatro novo, est plutôt un cadre pour exposer ses principes sur l'art dramatique, et faire la critique de ce qui existait déjà, qu'une comédie faite pour devoir ses succès à ellemême. Une autre pièce de lui, intitulée : Assemblea, ou Partida, est une satire du beau monde, à peu près dans le genre du Cercle de Poinsinet.

L'Académie des sciences, qui avait promis un prix pour la meilleure tragédie portugaise, couronna, le 13 mai 1788, Osmia, tragédie, dont l'auteur se trouva être une femme, la comtesse de Vimieiro. Al'ouverture du billet cacheté joint à la pièce, et qui devait contenir son nom, on ne le trouva point, mais seulement la demande de destiner le prix, si Osmia était couronnée, à

l'encouragement de la culture des oliviers, dont le Portugal 'pouvait attendre de grands avantages. On eut beaucoup de peine à découvrir le modeste auteur de cette tragédie, qui a été imprimée en 1795, in-4°. Boutterwek l'attribue, par erreur, à une autre femme justement célèbre du Portugal, Catherine de Souza, celle même qui osa seule braver le terrible marquis de Pombal, et refuser d'épouser son fils. C'est de la famille de cette femme illustre que j'ai appris qu'Osmia n'était point son ouvrage.

Dans ce genre de composition, où les femmes se sont rarement essayées, la comtesse de Vimieiro porta les qualités qui distinguent son sexe, une grande pureté de goût, une grande délicatesse de sentimens, et l'intérêt de la passion plutôt que celui des circonstances. La scène est placée en Portugal, mais long-temps avant l'existence de la monarchie, à l'époque où les Turditains, peuples qui habitaient cette contrée, se révoltèrent contre les Romains. Leur prince Rindacus avait épousé l'héroïne, Osmia, qui ne l'aimait point. Cependant les Turditains sont battus, Rindacus est blessé, et Osmia est faite prisonnière. Le prêteur romain Lélius s'est enflammé de la passion la plus tendre pour sa belle captive; elle n'y est point insensible, et toute la péripétie repose sur la lutte entre l'amour et le devoir, dans le cœur d'Osmia.

Elle ne veut point se montrer indigne de sa naissance, l'orgueil du patriotisme combat en elle contre l'amour du Romain, qu'elle devrait hair, et dont la générosité la touche toujours plus. Son caractère en prend une teinte de douceur mêlée à l'héroïsme, qui la rend, à chaque scène, plus intéressante. Son charme est encore relevé par le contraste avec une pro phétesse, sa compatriote, également prisonnière, et qu'enflamment à l'envi sa haine pour les Romains, et son orgueil national. La violence de son patriotisme amène les événemens auxquels tient le noeud de l'action; l'intérêt tragique est ménagé de manière à s'accroître jusqu'au dénouement. La mort d'Osmia est racontée, mais son mari est amené blessé et mourant sur le théâtre. La comtesse de Vimieiro, dans ce dénouement comme dans toute la pièce, avait suivi les règles du théâtre français; dans la vivacité du dialogue, elle paraît avoir pris pour modèle Voltaire, plutôt que Corneille ou Racine. La pièce est écrite en vers ïambes, non rimés; c'est en quelque sorte, aujourd'hui, la seule tragédie du théâtre portugais.

Le nouvel empire des Portugais, celui sur lequel reposent désormais toutes leurs espérances d'indépendance et de grandeur future, a commencé de son côté à cultiver les lettres, et

il a produit au milieu de ce siècle un homme distingué dans la poésie lyrique, Claude Manuel Da Costa, né au département des mines générales du Brésil. Il reçut à Coïmbre, pendant cinq ans une éducation européenne; mais dans cette ville, l'école de Gongora dominait encore, et ce fut le goût de Da Costa qui le détermina à chercher des modèles dans les anciens poètes italiens et dans Métastase. De retour au Brésil, il continua ses études poétiques dans les mines d'or et de diamant, dont les richesses paraissent avoir eu peu d'attraits pour lui. Dans ces montagnes, dit-il, on ne voit point de ruisseaux d'Arcadie, dont le murmure aimable éveille des sons harmonieux: la chute d'un torrent trouble et hideux, y rappelle seulement l'avidité des hommes qui ont rendu cette eau esclave, en la souillant pour chercher des trésors. Ses sonnets, où l'on reconnaît l'écolier de Pétrarque, ont de la grâce, et quelque chose de piquant dans la tournure, qui manque en général à la poésie romantique (1). *

(1) Voici les deux sonnets de Da Costa, que rapporte Boutterwek.

Oude estou? este sitio desconheço:

Quem fez tao differente aquelle prado!
Tudo outra natureça tem tomado,

E em contemplallo timido escuoreço.

Da Costa a écrit plusieurs élégies en vers blancs ou ïambes non rimés, mètre peu usité jusqu'alors par les poètes portugais, et qui semble lui avoir fait perdre quelque chose de son coloris et de sa pompe poétique; comme si les riches langues du midi avaient toujours besoin de flatter l'oreille par l'éclat des rimes. Il les a

Huma fonte aqui houve; eu nao me esqueço

De estar a ella hum dia reclinado;

Alli em valle hum monte està mudado,
Quanto póde dos annos o progresso!

Arvores aqui ví tao florescentes

Que faziao perpetua a primavera :
Nem troncos vejo agora decadentes.

Eu me engano; a regiaõ esta naổ era.

Mas que venho a estranhar, se estao presentes
Meus males, com que tudo degenera.

Nize, Nize? onde estas? Aonde espera
Achar-te huma alma, que por ti suspira?
Se quanto a vista se dilata e gira,
Tanto mais de encontrar-te dezespera!

Ah se ao menos teu nome ouvir pudéra,
Entre esta aura suave que respira!
Nize, cuido que diz; mas he mentira;
Nize, cuidei que ouvia ; e tal naõ era.

Grutas, troncos, penhascos da espessura,

Se o meu bem, se a minha alma em vós se esconde,
Mostray, mostray-me a sua fermozura.

Nem ao menos o ecco me responde!

Ah como he certa a minha desventura!
Nize, Nize? onde estas? Aonde? Aonde?

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