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Un autre des plus renommés parmi les poètes vivans, est Antonio Diniz da Cruz e Silva, dont les Œuvres ont été imprimées à Lisbonne en 1807. L'un des volumes contient des imitations de poésie anglaise; celle-ci paraît gagner de nombreux partisans en Portugal, et donnera peut-être un jour une direction très nouvelle et très-inattendue à la littérature de ce peuple, dont le goût semblait jusqu'ici si oriental. Diniz a imité, entre autres, the Rape of the Lock (la Boucle de cheveux enlevée ), de Pope, qui n'avait pas eu moins de succès en Italie. Dans ces légères satires du beau monde, on dit que le poète portugais a conservé beaucoup d'élégance èt de naturel; mais la vérité même de ses tableaux ôte de leur charme aux yeux des étrangers; ils sont trop fidèles pour être pleinement

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(*) Ce sont les lieux où don Juan de Silva remporta sur les Espagnols les deux victoires qui assurèrent l'indépendance du Portugal, et la succession au trône de la maison de Bragance.

appréciés par ceux qui ne connaissent pas les originaux, et le grand nombre d'allusions les rend difficiles à comprendre. L'autre volume, le premier, est au contraire dans l'ancien style de l'école italienne; ce sont trois centuries de sonnets, dans lesquels Elpino, nom arcadien de Diniz, déplore les rigueurs de sa belle Ionia et les tourmens de son amour, avec une langueur et une monotonie qui me semblent avoir bien perdu de leur charme dans notre siècle. Je suis étonné qu'un homme de talent ose imprimer trois cents sonnets de suite sur des sujets aussi usés; plus étonné encore, qu'il trouve de nos jours des lecteurs. Cependant, pour montrer comment le même goût s'est conservé dans tout Je Midi, depuis Pétrarque jusqu'à nos jours, je rapporterai aussi un sonnet de lui; c'est celui qui m'a paru le plus piquant, parce qu'une fiction gracieuse et dans le genre d'Anacréon, est revêtue ici des formes romantiques.

« L'Amour égaré loin de sa charmante mère, >> errait dans les champs que traverse le Tage >> caressant. Il la demandait en soupirant et sans » se rebuter à tous ceux qu'il voyait; ses traits » aigus tombaient de son carquois doré, mais >> lui, ne se souciant plus de son arc ou de ses >> flèches, promettait, en sanglottant, mille ré> compenses glorieuses à quiconque le condui» rait vers la déesse qu'il cherchait. Lorsque

>> Ionia, qui faisait paître en ce lieu son trou» peau, essuyant les larmes qu'il versait, lui >> offrit avec grâce de le conduire à Vénus. Mais » l'Amour, voltigeant autour de son charmant >> visage et lui dérobant un baiser, lui répondit: » Aimable bergère, celui qui voit tes yeux a » déjà oublié Vénus (1) ».

On donne un rang distingué parmi les poètes de notre âge, à J. A. Da Cunha, qui aurait mérité également de se faire un nom par ses travaux dans les mathématiques, et qui a laissé le souvenir le plus cher aux élèves distingués qu'il a formés. Ses poésies, recueillies en 1778, n'ont, je crois, jamais été imprimées; j'en ai eu le manuscrit entre les mains, et loin d'y découvrir rien de cette sécheresse, de ce manque

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d'élan et d'imagination qu'on pouvait supposer être le résultat d'une longue application aux sciences exactes, je suis frappé de leur douce rêverie, de leur sensibilité, et surtout de cet accent mélancolique qui semble propre à la poésie portugaise, entre toutes les langues du Midi. L'ode suivante, qu'il écrivit sous le poids d'une maladie qu'il croyait mortelle, est un heureux exemple de son talent comme de sa sensibilité.

« Angoisse pénible, cruel accablement, est-ce » la douleur qui te cause? es-tu la mort elle» même ? Je me résigne, et j'attends avec fer» meté le coup fatal, le dernier coup. Et toi, >> entendement, souffle léger, âme immortelle, » quelle route vas-tu prendre? Tel que la lu» mière d'un flambeau exposé au vent, tu pa» raissais déjà t'éteindre. Ah! si la vie seule >> devait s'éteindre, qu'est-elle cette vie et ce » monde? Rien encore. Mais pour une âme se » voir séparer, bien plus que de soi, de ce » qu'elle aime; mourir et ne pouvoir montrer » à l'objet qui m'enchante toute ma tendresse, » ne pouvoir lui montrer combien je suis uni» quement à elle. Cieux et cependant je me >> résigne ! Mais si mes jours doivent finir ici, >>que du moins un zéphir bienveillant porte >> cet adieu à mon amour! Adieu ! objet de mon » idolâtrie, de l'amour le plus pur et le plus

>> ardent! 'd'un amour si doux, dont le destin >> cruel tranche dans sa fleur la plante délicate! >> Adieu! adieu! tu le sais, aussi long-temps » que ce corps, que cette âme existeront, ils >> seront à toi! Vis heureuse, aussi heureuse » que je l'aurais été, si tu t'étais donnée à moi!

» Mais déjà la douleur cruelle aiguise de nou>> veau son glaivé pour moi; dissipé dans l'om»bre par ce coup pénétrant, je vois tous les >> objets s'écarter de moi. Et tai, essence incom>> préhensible; toi, âme et monarque de cet >> univers; toi, qui te manifestes en tout, quoi» qu'invisible; toi, en qui j'espère trouver un » père, je porte à tes pieds la simplicité et le >> cœur mortel que tu m'as confié. L'amour » pour le bien, tel que tu me l'inspiras, des >> faiblesses, des erreurs, mais point de crimes. » Cependant l'antitié pieuse achève son triste et >> dernier devoir, et elle verse ses libations de >> pleurs sur ma pierre rase et sans inscrip» tion. Si l'amour ne fut point senti dans ton l'amitié du moins reviendra doucement >> dire à ton oreille : Ton berger ne vit déjà » plus. Et lorsque la plage ou l'épaisseur des >> bois, qui me virent si souvent absorbé à tes >> pieds, rappelleront à ton imagination mon >> affection si tendre et si pure, ne retiens point >> les soupirs ou les douces larmes que l'amour >> exprimera avec de tendres regrets, mais sans

>> cœur,

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