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L'agriculture fut leur principale ressource. Le commerce y fleurit un moment sous le règne de Salomon, et disparut après lui. Dans des tems plus rapprochés de nous, Hiéron, Abdérame et les Médicis élevèrent aussi leur puissance et leur fortune par les ressources d'un vaste commerce; mais ces grandes spéculations n'enrichissaient que le prince, la nation n'y avait aucune part; ainsi, les terres devaient acquilter presque seules la totalité des charges publiques : l'ancien système des économistes se trouvait de la sorte réalisé, et cette épreuve ne serait point à son désavantage, s'il était possible de recueillir et de bien apprécier toutes les circonstances qui s'y rapportent.

Chez un peuple essentiellement agricole, les institutions devaient être surtout dirigées vers la culture. La religion, les lois, les usages, l'exemple des hommes les plus influens, tout se réunit en faveur de ce premier des arts; mais le législateur, déterminé par des considérations d'une autre nature, établit aussi quelques lois désastreuses, qui diminuèrent beaucoup l'heureuse influence de celles qui n'avaient point d'autre objet que les travaux du cultivateur. La plus remarquable de ces lois anti-agricoles, fut celle qui établit l'année sabathique; toutes les opérations de culture étaient défendues pendant cette année, en sorte qu'il fallait avoir pourvu d'avance à ce que les champs ne rapporteraient pas. Si le législateur n'avait été guidé par des vues d'un ordre supérieur, il n'eût certainement pas prononcé d'aussi bizarres interdictions; la nation juive, qui en supporta si long-temps les inconvéniens, sut y remédier à force de travail, et par un ordre sévère dans toutes les familles ; mais, comme on ne pouvait empêcher qu'il n'y eût quelque peu de relâchement et quelques désordres, l'année sabathique tendait à augmenter le nombre des pauvres, en même tems qu'elle diminuait les ressources des riches. Voici d'autres entraves dont la religion vint embar

rasser l'agriculture. Chaque Israélite devait aller, trois fois au moins chaque année, à Jérusalem, pour assister aux solennités, et les routes étaient sans cesse couvertes de ces pélerins. Les cultures mixtes étaient défendues, ce qui multipliait les cas de conscience au profit des casuistes. Ces profonds docteurs étaient appelés à lever les scrupules, et à décider quelles plantes devaient être éloignées les unes des autres, et quelles étaient celles dont l'association pouvait être tolérée. Ces dispositions minutieuses étaient autant d'obstacles aux progrès de l'agriculture, elles pouvaient même la faire rétrograder. M. Reynier ne croit pas avoir signalé toutes les lois juives qui méritent ce reproche; les détails qu'il donne sur cette matière sont aussi très-dignes d'attention, et il rapporte une foule de faits peu remarqués jusqu'ici.

Nous ne dirons rien des procédés de culture, ni du choix des plantes cultivées; les uns et les autres étaient ce que le climat et la nature du sol comportaient alors. Depuis ce tems, les choses ont changé à plusieurs égards; les cultivateurs actuels arrosent de leurs sueurs une terre moins fertile qu'elle ne fut autrefois, sous un joug plus pesant encore que ne fut, pour les Juifs, celui des rois de Syrie ou des Romains.

La loi protégeait spécialement les arbres, et surtout les arbres fruitiers, même en pays ennemi; le mélange des espèces, sévèrement défendu entre les plantes herbacées, était permis pour les arbres, surtout dans les jardins d'agrément, ou paradis. Ces précautions législatives et cette faveur accordée aux grands végétaux n'empêchèrent pas la destruction des forêts, au point que les habitans de la Palestine furent réduits à brûler la fiente desséchée de leurs animaux domestiques, à défaut de tout autre combustible; alors le sol perdit peu à peu de sa fécondité, et l'agriculture déclina rapidement.

On se tromperait, si l'on cherchait, dans les lois relatives aux troupeaux, quelques traces de l'origine pastorale des

Juifs. Outre que ces lois n'ont pas seulement l'agriculture pour but, leur rédaction dépendit de l'époque où elles furent éta blies, et celles-ci paraissent avoir été faites pour un peuple cultivateur. Les rabbins y ajoutèrent successivement quelques modifications, ou commentaires, en faveur des Juifs, lorsqu'il s'agissait de débats avec des hommes d'une autre croyance.

Les poules étaient chassées de la ville sainte (Jérusalem), et de toutes les habitations des prêtres. Notre auteur croit reconnaître, dans cette superstition, quelques vestiges du sabéisme, qui fut la religion primitive des Juifs : les faits qu'il cite, à l'appui de cette opinion, terminent son ouvrage. Nous ne quitterons point M. Reynier, sans exprimer le vœu qu'il nous mette incessamment dans le cas d'entretenir nos lecteurs des autres recherches du même genre auxquelles il s'est livré elles ne seront ni moins dignes d'intérêt, ni moins bien exposées que celles qu'il a déjà publiées, et l'empressement du public à les accueillir ne peut que redoubler.

Ajoutons encore une réflexion sur la stabilité du code des Juifs, et sur la conservation merveilleuse de ce peuple exilé sur la terre, envers lequel on oublie trop souvent les lois de l'humanité. Si le législateur de ce peuple n'avait eu qu'une sagesse ordinaire, son ouvrage aurait suivi les révolutions et les progrès de l'esprit humain. On ne peut rendre un peuple stationnaire, qu'en limitant l'exercice de ses facultés intellectuelles. Il est peut-être vrai de dire, quoique cette assertion ait l'apparence d'un paradoxe, que ce qu'il y a d'admirable dans la législation des Juifs a moins contribué à sa durée que ce qu'elle offre d'absurde, suivant les lumières de notre raison. A.

T. XVIII.-Mai 1823.

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THE PRESENT STATE OF ENGLAND, etc. DE L'ÉTAT PRÉSENT DE L'ANGLETERRE, relativement à l'agriculture, au commerce et aux finances, avec une comparaison de l'avenir de l'Angleterre et de la France, par Joseph Lowe (1).

Voici un livre comme on en fait quelquefois en Angleterre, et comme on n'en fait jamais en France. C'est une espèce de compte que l'on se rend de la situation économique de sa nation, des progrès qu'elle a faits, des écueils qu'elle doit craindre, des espérances dont elle peut se flatter. L'Administration des finances de France, par M. Necker, est, je crois, le seul ouvrage de ce genre dont nous puissions nous vanter; mais nous ne le devons qu'à un concours de circonstances rares, et qui ne s'est pas renouvelé. Il a fallu que son auteur ait rempli un ministère dont tous les autres dépendent, et où l'on soit à portée de prendre connaissance de toutes les parties de l'administration; il a fallu dans le même auteur une très-grande activité, jointe à un grand esprit d'ordre, à une probité parfaite, à un certain penchant à beaucoup écrire, surtout quand il s'agissait de parler des choses auxquelles il avait pris part. Mais, en même tems, comme ces choses étaient importantes, comme il en parlait en homme animé de l'amour du bien public et de l'humanité, son ouvrage est resté, et il est toujours consulté par ceux qui s'occupent de l'économie de la nation, quoique cette nation ait subi d'immenses changemens depuis que le livre a paru, en 1784.

Il ne faut pas confondre l'ouvrage que nous annonçons ici, avec une brochure intitulée État de la nation, qui a été pu

(1) Londres, 1823. Un gros volume in-8°. Longman et comp. Pater

Boster row.

blié à Londres, il y a quelques mois, sans nom d'auteur, mais qui est faite par M. Holt, organe avoué du ministère britannique. Dans un pays où l'on ne croit pas pouvoir gouverner sans se concilier l'opinion, au moins d'une portion considérable du public indépendant, le ministère fait quelques frais pour mettre en évidence le beau côté de son administration. Il se sert adroitement d'une plume à la fois complaisante et habile, pour attribuer aux gouvernans la prospérité qui n'est en général l'ouvrage que des gouvernés; pour pallier les fautes des premiers; pour donner des motifs plausibles aux mesures qui n'ont pas réussi, aux abus qu'on ne veut pas corriger. Il en résulte des tableaux où toutes les figures sont vues de profil; ou, si l'on veut, des paraphrases de ces discours du trône, où, rigoureusement parlant, rien n'est positivement faux, mais où rien aussi n'est complétement vrai, et qui ne font connaître l'état des affaires d'une nation qu'à ceux qui veulent bien s'en contenter.

Le livre de M. Lowe n'a pas ce caractère. Son auteur professe une sorte d'indépendance d'opinion qui était nécessaire pour donner du crédit à son ouvrage; toutefois, il ne s'exprime qu'avec un excessif ménagement sur les mesures de l'administration. Par exemple, s'il parle de ces sinécures dont le nom a malheureusement passé dans notre langue, en même tems que la chose dans notre budget, jamais il ne se plaint de leur monstrueux accroissement; il se borne à évaluer la monnaie dont on les paie, et a l'air de dire aux ministres anglais : Sans doute, vous faites fort bien de donner la substance du peuple à des fonctionnaires sans fonctions, et de corrompre la classe de la société qui parle le plus de morale; mais ne les payez pas en une monnaie où deux cent mille francs en valent trois cent mille: il vous en restera davantage pour en corrompre d'autres.

Si M. Lowe appelle cette critique un langage d'opposi

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