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causes physiques, déclara du baut de sa chaire, que plus nous sommes nombreux, plus nous sommes misérables; ct notre siècle a vu soutenir une doctrine analogue à celle--là, mais présentée avec plus de soin, savoir: que la population est impérieusement limitée par les subsistances. »

En premier lieu, ces deux propositions sont essentiellement différentes. Celle de Hale est fausse; car, si elle était vraie, les habitans des Iles Britanniques, qui sont aujourd'hui une fois plus nombreux, que de son tems, seraient moins bien pourvus de tout, tandis qu'il est de fait qu'ils le sont beaucoup mieux. Et la proposition de Malthus est au contraire d'une évidence contre laquelle il semble difficile de s'élever, à moins de prétendre que des hommes peuvent vivre sans nourriture.

Mais, dit M. Gray, la population porte en elle le pouvoir de subvenir à ses propres besoins. Le nombre des hommes détermine la quantité des subsistances, qui dépend de la quantité de travail que l'on consacre à sa production; de mème qu'il y a toujours assez de meubles et de vêtemcus, quand il y a des hommes pour en faire.

Malthus ne disconvient pas sans doute qu'une population décuple pourrait subsister, si elle pouvait créer dix fois autant de subsistances; mais, avec un territoire donné, le peutelle? Ceci n'est plus, comme on voit, une question de population, mais une question d'agriculture, qui ne saurait être résolue en faveur de M. Gray: car, quand bien même on aurait prouvé qu'avec beaucoup de capitaux et de travail répandus sur les biens-fonds, l'Angleterre pourrait produire dix fois plus de subsistances qu'elle n'en produit, il faudrait être cn état de prouver encore qu'avec cent fois plus de travail et de capitaux, elle produirait cent fois plus de subsistances; et l'on pousserait ainsi l'argument jusqu'à l'absurde.

Un auteur français a fait, ce semble, toute la concession que l'on peut faire à cet égard, en disant: « Les moyens

d'exister pour les animaux sont presque uniquement les subsistances; pour l'homme, la faculté qu'il a d'échanger les produits les uns contre les autres, lui permet d'en considérer, non pas tant la nature que la valeur. Le producteur d'un meuble de cent francs est possesseur de tous les alimens qu'on peut avoir pour ce prix-là..... Ainsi, en résultat définitif, les familles, et la nation qui se compose de toutes les familles, ne subsistent que de leurs produits, et l'étendue des produits borne nécessairement le nombre de ceux qui peuvent subsister (1). »

Il convient d'ajouter que l'éloignement du lieu d'où il faut tirer les denrées alimentaires, ajoute à la difficulté de se les procurer et à leur rareté, jusqu'à équivaloir à une impossibilité. Si un tems était venu où l'Angleterre et les pays voisins eussent tiré de leur sol tous les vivres qu'il est possible d'en tirer, et qu'il fal!ût faire venir d'une autre partie du monde les alimens qu'un surcroît d'habitans rendrait nécessaires, il arriverait un moment où le travail d'une journée, en Angleterre, ne pourrait pas suffire pour faire venir les alimens du travailleur pendant un jour.

Il n'est donc pas possible d'admettre sur ce point les opinions de M. Lowe, qui soutient, avec M. Gray, que les subsistances d'un pays n'ont point de bornes, et peuvent se multiplier indéfiniment, comme les hommes, le travail et les capitaux.

Ce point de doctrine réservé, on peut trouver, dans son ouvrage, quelques documens assez précieux, relativement à la population. Voici les progrès de celle de l'Angleterre, indépendamment de l'Écosse et de l'Irlande, depuis 1688 : En 1688...... .. 5,300,000 âmes.

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(1) J. B. SAY, Traité d'économie politique. Liv. II, chap. 11.

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Ce qui donne lieu de remarquer une progression rapide, depuis l'heureuse révolution qui chassa du trône les Stuarts, et avec eux, les jésuites. Il est aussi très-digne de remarque, que c'est à l'époque où les machines, et principalement les machines à vapeur, sont venues suppléer aux bras des hommes, que cette progression a été plus rapide.

Si l'on ajoute à la population de l'Angleterre, celle de l'Écosse et de l'Irlande, on aura 21,500,000 âmes pour la population totale des Iles-Britanniques, qui s'accroît encore rapidement. M. Lowe évalue celle de l'Europe entière à 200 millions d'habitans.

En Angleterre, chaque tête d'habitant, le fort portant le faible, paie d'impôt 2 1. st. (50 francs); en France, 1 1. st. 4 sh. (30 fr.). Mais j'observe que l'auteur ne compte ni nos centimes additionnels, ni nos octrois des villes, ni d'autres cotisations, qui ne s'élèvent pas à moins de 50 pour 100 du principal des contributions, ce qui porte notre contingent à 45 francs par tête pour le moins.

Il regarde avec raison la plus grande proportion de la population des villes, sur celle des campagnes, comme un grand signe de prospérité. En effet, si, grâce à plus de capitaux répandus sur les terres, grâce à plus d'engrais et à unc main-d'œuvre mieux entendue, le travail des champs n'occupe qu'un homme sur quatre, il en reste trois dont les travaux multiplient les autres produits de la société. Si le travail des champs en occupe un sur deux, il n'en reste plus qu'un pour pourvoir aux autres productions; elles doivent donc être moins abondantes. Il trouve, sous ce rapport, beaucoup à s'applaudir de la situation de l'Angleterre comparée à

la France, ses villes excédant généralement les nôtres en population. Il oppose Londres qui a 1,200,000 habitans, à Paris qui n'en compte que 720,000; Glasgow qui en a 147 mille, à Lyon qui n'en a que 115 mille; Manchester, 133 mille, à Bordeaux, 92 mille, etc. Sur quoi l'on peut observer que nos dénombremens officiels accusent toujours un nombre moindre que le véritable, en raison de la crainte qu'inspirent les extensions d'impôts et les levées d'hommes. Le nombre des enfans, des domestiques et des ouvriers qu'on emploie, n'est jamais sincèrement déclaré. Les hôtes infortunés des hôpitaux, des hospices, des prisons, le nombre des étrangers, font rarement partie des relevés communaux. Enfin, les faubourgs des villes sont souvent des communes séparées, ayant leurs mairies et leurs finances à part; leur population dès-lors n'est point comprise dans celle de la ville dont elles dépendent. Tels sont, à Lyon, les faubourgs considérables de la Guillotière, de la Croix-Rousse, etc. Aussi Lyon, qui n'est porté par M. Lowe que pour 115 mille habitans, en a réellement 160 mille; il excède, par conséquent, en population toutes les villes d'Angleterre et d'Écosse, Londres excepté.

M. Lowe a fait quelques recherches sur les divers articles de dépense des familles, suivant l'aisance dont elles jouissent; plus elles sont indigentes, et plus la dépense occasionée par la nourriture forme une partie proportionnellement considérable de leurs consommations. Si l'on compare la dépense d'une famille d'ouvriers de campagne qui dispose de 900 francs par année, avec celle d'une famille de bourgeois d'une ville de province qui jouit de 9000 francs, on trouvera qu'en Angleterre, sur chaque somme de 100 francs, il y en aura de dépensé :

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Les objets de consommation ont beaucoup baissé à Londres depuis la paix, et voici la répartition approximative que fait de ses dépenses une famille composée de quatre maîtres et de deux servantes, pouvant dépenser 12,500 francs par an. (Je réduis les sommes anglaises en sommes françaises, au change de 25.)

En approvisionnemens de bouche.....

4,100 fr.

En combustibles et lumière...

En loyer.....

740 1,480

En impôts directs et de la paroisse.

625

Gages de deux servantes....

495

Habillement et blanchissage.

2,292

Entretien du mobilier, santé, plaisirs, éduca

tion des enfans, voitures, etc..

2,770

12,500 fr.

Les différens articles de dépense d'une famille à Paris, qui jouirait d'un revenu pareil, ne différeraient pas beaucoup de ceux-là, sauf qu'il faudrait retrancher aux impôts directs et ajouter aux approvisionnemens, parce que les principaux impôts payés par les Parisiens, sont ceux qui pèsent sur les consommations, notamment les octrois, qui augmentent le prix des provisions de bouche et des boissons. Il resterait encore à savoir si, pour la même somme, on est mieux

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