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j'ai dit au début : « L'influence de la croisade contre les Albigeois fut nulle quant à la langue du Midi de la France, à laquelle elle ne fit subir aucune modification. Elle fut essentiellement funeste à la littérature de cette même contrée, par la pression terrible qu'elle exerça sur les esprits et les conséquences qui en résultèrent, malgré les plus nobles efforts tentés pour conserver à cette littérature son originalité et son caractère primitif.

>> Quant à la langue du Nord, cette croisade n'eut pareillement aucune influence sur elle; mais son action ne fut pas non plus sans se faire sentir sur sa littérature, avec cette différence toutefois que, presque insensible au début, elle finit, avec le temps, par acquérir une certaine importance. »

Périgueux, le 15 juillet 1856.

M. DE LAMARTINE

ET LE COURS FAMILIER DE LITTÉRATURE;

PAR M. J. DUBOUL.

Les événements peuvent bien précipiter d'une haute -position politique des hommes comme M. de Lamartine, mais ils ne sauraient détourner d'eux l'attention et les sympathies du public. Dans la retraite où le ministre tombé médite sur la vanité des grandeurs humaines, la voix de l'écrivain s'élève encore et parvient à dominer les bruits du dehors. Cela est vrai même à notre époque, où les choses de l'esprit ne jouissent pas précisément d'une grande faveur et où les préoccupations matérielles absorbent la meilleure part de notre activité.

Le Cours familier de littérature que publie, depuis quelques mois, M. de Lamartine, compte un nombre considérable de lecteurs et obtient le succès qu'il était permis de lui promettre. Par son importance, par

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le nom illustre qui lui sert de recommandation, cet ouvrage est digne d'un examen sérieux. J'ai donc pensé qu'il ne serait peut-être pas inutile d'en faire ici l'objet d'une appréciation nécessairement incomplète, mais attentive et sincère. Le devoir de la critique, c'est de dire ce qu'elle croit être la vérité; le droit d'un écrivain tel que M. de Lamartine, c'est d'ètre traité avec cette franchise qui n'exclut ni l'admiration ni le respect. Les délestables flatteurs dont parle Racine devraient être bannis de partout, particulièrement de cette république des lettres d'où, malgré le bon vouloir de certains Platons modernes, tous les poètes n'ont pas encore été bannis.

1.

Ce qui a d'abord frappé les lecteurs du Cours familier de littérature, c'est l'accent de tristesse et de découragement qui en marque toutes les pages'. Les admirateurs de M. de Lamartine l'ont, en général, attribué aux nombreuses déceptions dont sa carrière politique a été semée. On a vu naturellement en lui un homme tombé, aigri sans doute par l'isolement, et plongé dans toute l'amertume d'une résignation peut-être difficile et douloureuse. On n'a pas, ce me semble, assez remarqué ces admirables et fières paroles qui se trouvent à la fin de son premier entretien : « Quand la

1 L'entretien consacré au livre de Job n'est, à proprement parler, qu'une sorte d'hymne funèbre, dont le découragement et le désespoir sont le principal motif.

foule se précipite où l'on ne veut pas aller, heureux l'homme seul! »

A mon avis, ce découragement, cette tristesse, cette espèce de dégoût des choses de la vie, tiennent à une disposition innée chez M. de Lamartine. Pour en surprendre les premières manifestations, il faut remonter jusqu'à ses débuts poétiques, bien avant l'heure des déceptions éprouvées par l'homme d'État et de la tribune violemment renversée sous l'orateur. Pour en comprendre la persistance et la portée, il faut étudier la portion capitale de son œuvre; et c'est ce que j'ai l'intention de faire, en négligeant les détails, en passant par-dessus les épisodes pour ne m'arrêter que sur quelques points essentiels.

L'avertissement placé en tête de Jocelyn fournit à cet égard de précieuses lumières. En voici quelques lignes qu'il est utile de rappeler :

« Ces pages, trop nombreuses peut-être, ne sont cependant que des pages détachées d'une œuvre poétique qui a été la pensée de ma jeunesse, et qui serait celle de mon âge mûr si Dieu me donnait les années et le génie nécessaires pour la réaliser. Nous sentons tous, par instinct comme par raisonnement, que le temps des épopées héroïques est passé... L'épopée n'est plus nationale ni héroïque; elle est bien plus, elle est humanitaire... Pénétré de bonne heure et par instinct de cette transformation de la poésie, aimant à écrire cependant dans cette langue accentuée du vers qui donne du son et de la couleur à l'idée, et qui vibre quelques jours de plus que la langue vulgaire dans la mémoire

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