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teurs. Son cadre est très-vaste, mais il parait avoir amassé tous les matériaux nécessaires pour le bien remplir. Ce n'est pas seulement les chefs-d'œuvre de la Grèce et de Rome qu'il a l'intention d'analyser; en fait d'antiquité, il remonte beaucoup plus haut, puisqu'il doit nous entretenir de la Chine et de la Perse, après nous avoir déjà parlé de l'Inde, dont il a examiné, dont il examinera encore les monuments philosophiques et littéraires. Il comprend toute l'importance qu'a l'étude de la littérature orientale; la place qu'il lui donne dans son livre prouve le cas qu'il en fait.

Tout est gigantesque en effet dans l'Inde les montagnes, les fleuves, les forêts. La civilisation y lutte d'inépuisable fécondité avec la nature; si les merveilles de l'une nous frappent par leur caractère grandiose, les monuments de l'autre s'offrent avec un tel luxe de couleurs et une telle magnificence de formes, qu'ils éblouissent le regard et qu'ils étonnent même l'imagination. Ainsi, les dix-huit Pouranas, étranges recueils où l'on trouve beaucoup de tout, de la métaphysique, de la théologie, de la morale, de la poésie, des légendes et bien d'autres choses, les Pouranas contiennent seize cent mille vers. Le Ramayana n'en renferme pas moins de quarante-huit mille. Enfin, il y a dans le Mahabharata, la seconde des deux grandes épopées indiennes, cent mille distiques ou çlokas, c'est-à-dire deux cent mille vers de seize syllabes. Que sont, sous le rapport de l'étendue, l'Iliade, l'Odyssée et l'Énéïde, à côté de ces gigantesques œuvres où tous les trésors de la poésie sont en outre répandus à profusion.

La philosophie des bords du Gange n'est pas moins riche; elle enfante avec une incroyable fécondité tous les systèmes qui doivent plus tard se produire dans le monde, depuis le sensualisme le plus brutal jusqu'au mysticisme le plus alambiqué, en passant par le spiritualisme de Descartes, le monothéisme pur, le panthéisme de Schelling, et une foule d'autres vérités ou erreurs de l'esprit humain. Elle a des moralistes qui, devançant la sagesse grecque comme l'Évangile, enseignent qu'on se purifie par le pardon des offenses, et qu'il faut rendre le bien pour le mal; des anachorètes qui égalent ou surpassent tous les raffinements de l'ascétisme chrétien; des écoles où l'on croit expliquer l'âme et les phénomènes de la pensée par de simples réactions chimiques, par la fermentation des divers éléments du corps.

D'après William Jones, qui fait autorité en ces matières, le sanskrit est plus parfait que le grec et plus riche que le latin. Il a, en outre, les mêmes racines qu'on retrouve encore dans le celtique, dans le français et dans plusieurs autres idiomes, ce qui rattache évidemment toutes ces langues à un tronc commun dont elles seraient des branches séparées à différentes époques. L'étude du sanskrit et des principaux monuments littéraires qu'il a produits doit donc éclairer d'une vive lumière les origines si obscures de notre propre langue et la question si souvent controversée de ses étymologies.

M. de Lamartine s'est proposé de vulgariser dans son ouvrage tout ce que de patientes études et d'incessantes

investigations nous ont appris jusqu'à ce jour sur la langue, la philosophie et la littérature de l'Inde. C'est, je le répète, une tâche immense; mais je me hâte d'ajouter qu'elle n'est pas au-dessus des facultés dont est doué cet éminent écrivain et dont il a fait si souvent preuve.

Dirai-je maintenant que le Cours familier de littérature est écrit avec une intarissable verve, qu'il abonde en pages remplies d'émotion ou d'éclat, en aperçus où la sagacité du critique se révèle à travers une forme souvent prodigieuse d'ampleur et de coloris? Ce serait évidemment superflu. Il y a trente ans que l'éloquence et la poésie suivent M. de Lamartine partout. Elles lui ont prodigué tous leurs dons. Elles ont fait de son style quelque chose de merveilleux qui semble unir à une toile de Rubens une symphonie de Beethoven.

Je ne pousserai pas plus loin cet examen du Cours familier de littérature. Ce n'est pas qu'une foule d'autres vues de M. de Lamartine, tantôt sous le rapport littéraire, tantôt dans le domaine de la politique et de la philosophie, ne me semblent motiver de nombreuses réserves et justifier de très-graves objections; mais je ne discuterai pas ces vues, parce que j'aurais besoin, pour le tenter avec fruit, de plus d'espace et de plus de liberté.

UNE ÉTUDE

SUR LE

CRÉDIT AGRICOLE

lu par M. SAUGEON, dans la séance du 25 juin 1857.

MESSIEURS,

D'excellents esprits s'inquiètent aujourd'hui de la situation de l'agriculture; des communications récentes ont pu révéler à l'Académie cette préoccupation. Parmi les Mémoires que vous avez reçus sur la question du paupérisme, il en est un très-remarquable, qui indique le crédit comme un remède efficace aux souffrances des populations rurales et à cette fièvre d'émigration qui les pousse vers les grandes villes. Plus récemment M. Constant, avocat, vous a remis deux brochures imprimées, fruit d'un travail consciencieux, dans lesquelles il traite de la liquidation de la dette hypothécaire et de l'établissement du crédit agricole.

En examinant ces ouvrages, j'ai eu deux fois à m'occuper de cette importante question. Je l'avais étudiée autrefois, et j'ai dù faire un retour sur de vieilles notes et sur d'anciennes idées. Elles sont trop personnelles

pour que je puisse les émettre à l'occasion d'un travail étranger; aussi, tenant compte non de leur valeur, mais de leur opportunité, j'en fais l'objet d'une communication qui pourrait avoir au moins le mérite de provoquer une discussion utile.

On peut distinguer trois principales fonctions économiques: l'agriculture, qui produit les plus importants objets de consommation; l'industrie, qui transforme les matières premières; le commerce, qui distribue les produits de l'agriculture et de l'industrie L'utilité de l'agriculture et de l'industrie est incontestable et absolue; celle du commerce n'est que relative. Il accomplit une œuvre profitable à tous en transportant et en détaillant les denrées; mais il fait obstacle au bien-être général quand ses agents sont trop multipliés et ses bénéfices trop grands. Enfin, il existe une fonction parasite toujours nuisible: c'est la spéculation. Elle ne produit rien, ne transforme rien, ne transporte rien, mais elle absorbe les plus gros profits.

Jadis l'agriculteur avait comme éléments de succès la terre et ses instruments de travail; l'industriel avait son usine, ses outils, ses matières premières un certain capital monnayé était nécessaire à l'un et à l'autre. Le commerçant avait ses navires, ses comptoirs, ses magasins, et il devait disposer d'un numéraire plus considérable. Enfin, le trafic du spéculateur consistait à concentrer des marchandises dans l'espoir de les revendre en hausse; ses opérations étaient bornées par les limites de son capital réel.

Mais il existe aujourd'hui un élément de succès tout

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