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Dans mes vers je t'aurais égalée à la blonde

Aphrodite, j'aurais rempli de ta beauté.

Les jeunes cœurs de la future humanité,

Quand, Paris disparu, les joncs, au bord de l'onde,

Regardant les vieux ponts croulés dans l'eau profonde, S'inclineront au vent triste des soirs d'été.

On aurait dit ton nom comme Morgane, Armide
Ou Briséis; on eût célébré tes cheveux

Aux teintes d'or moulu; nos arrière-neveux,
Fiançant leurs amours dans un baiser timide,
Près de ton corps dormant sous une pyramide
De marbre rose, auraient échangé leurs aveux.

Et si notre vieux globe oublie un jour le blâme
Pesant sur les chanteurs, si l'homme rajeuni
Dans les siècles lointains doit vivre de mon âme,
Ta mémoire eût flotté comme un saint oriflamme
Sur le monde invoquant ton nom trois fois béni,
Et retrouvant l'Espoir, l'Idéal, l'Infini!

Mais tu n'as pas voulu! car sous tes grâces mièvres,

Chaste vierge, ton cœur était un fruit,véreux!

Mais tu n'as pas voulu te brûler à mes fièvres

Et venir partager mon nid aventureux,

Car il te promettait de l'or, quand sur mes lèvres

Voltigeait seulement l'hymne des amoureux...

A UN CONSCRIT

VA t'en, soldat, c'est pour la France! Le vol brillant de l'Espérance

Te guidera sous nos bravos.

Sans regret, sans regard oblique,

Tu peux croire à la République;

C'est toi l'homme des temps nouveaux.

Laisse-nous, fils des vieilles races,

Lugubrement suivre les traces

Du Roi, prince des fleurs de lis;
Sous la fatalité du nombre,

Nous sommes le passé qui sombre,
Nous sommes les temps accomplis.

Prenant nos pères pour modèles,
Nous resterons toujours fidèles
Même si nous n'espérons plus,

Et nous ferons semblant d'attendre
Que le ciel enfin soit plus tendre,
Plus doux à nos vœux superflus.

Le sang qui coule dans nos veines, Le sang bleu rend nos forces vaines, Aux regards du siècle moqueur;

Mais toi, libre comme l'espace,

Tu peux, suivant le char qui passe, Monter à côté du vainqueur.

Les hasardeuses destinées

Ouvrent pour tes jeunes années

Leur loterie au sort changeant.
Sans vieille foi qui t'importune,
Tu peux, en courant ta fortune,
Gagner ou la gloire ou l'argent.

Laisse ton obscure chaumière,
Pour un palais plein de lumière,
Pour le donjon d'un Alhambra,
Car, si brillant que soit ton rêve,
Tu viens peut-être à l'heure brève
Où la Chance te sourira.

Les glorieuses dynasties

S'écroulent et, tristes hosties,

Entre l'exil et l'échafaud,

Tremblants devant un pâle drôle,

Les rois, inégaux à leur rôle,

Cachent leur droit comme un défaut.

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LA CHANSON DE L'ÉPOUSÉE

Le roi m'a fait entrer dans ses appartements secrets... Je suis noire mais je suis belle, filles de Jérusalem...

(Cantique des Cantiques, 4 et 5.)

POUR moi, le Bien-aimé semble un bouquet de myrrhe,

Une grappe enlevée aux vignes d'Engaddi;

Il est la fleur des prés, le blanc lis de Palmyre,

Et dans les gais printemps le pommier reverdi.

Ses branches vers mes mains tendent des fruits sans nombre,

Sa douce odeur remplit et ma chambre et ma cour,

Et depuis qu'un matin j'ai dormi dans son ombre,

Je l'aime et je languis d'un incurable amour.

J'entends le Bien-aimé; par-dessus la colline

Il vient comme un chevreuil, il touche les verrous
Des portes, il me dit :

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Déjà la nuit décline;

Levez-vous, ma beauté; ma colombe, hâtez-vous !

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