Dans mes vers je t'aurais égalée à la blonde Aphrodite, j'aurais rempli de ta beauté. Les jeunes cœurs de la future humanité, Quand, Paris disparu, les joncs, au bord de l'onde, Regardant les vieux ponts croulés dans l'eau profonde, S'inclineront au vent triste des soirs d'été. On aurait dit ton nom comme Morgane, Armide Aux teintes d'or moulu; nos arrière-neveux, Et si notre vieux globe oublie un jour le blâme Mais tu n'as pas voulu! car sous tes grâces mièvres, Chaste vierge, ton cœur était un fruit,véreux! Mais tu n'as pas voulu te brûler à mes fièvres Et venir partager mon nid aventureux, Car il te promettait de l'or, quand sur mes lèvres Voltigeait seulement l'hymne des amoureux... A UN CONSCRIT VA t'en, soldat, c'est pour la France! Le vol brillant de l'Espérance Te guidera sous nos bravos. Sans regret, sans regard oblique, Tu peux croire à la République; C'est toi l'homme des temps nouveaux. Laisse-nous, fils des vieilles races, Lugubrement suivre les traces Du Roi, prince des fleurs de lis; Nous sommes le passé qui sombre, Prenant nos pères pour modèles, Et nous ferons semblant d'attendre Le sang qui coule dans nos veines, Le sang bleu rend nos forces vaines, Aux regards du siècle moqueur; Mais toi, libre comme l'espace, Tu peux, suivant le char qui passe, Monter à côté du vainqueur. Les hasardeuses destinées Ouvrent pour tes jeunes années Leur loterie au sort changeant. Laisse ton obscure chaumière, Les glorieuses dynasties S'écroulent et, tristes hosties, Entre l'exil et l'échafaud, Tremblants devant un pâle drôle, Les rois, inégaux à leur rôle, Cachent leur droit comme un défaut. LA CHANSON DE L'ÉPOUSÉE Le roi m'a fait entrer dans ses appartements secrets... Je suis noire mais je suis belle, filles de Jérusalem... (Cantique des Cantiques, 4 et 5.) POUR moi, le Bien-aimé semble un bouquet de myrrhe, Une grappe enlevée aux vignes d'Engaddi; Il est la fleur des prés, le blanc lis de Palmyre, Et dans les gais printemps le pommier reverdi. Ses branches vers mes mains tendent des fruits sans nombre, Sa douce odeur remplit et ma chambre et ma cour, Et depuis qu'un matin j'ai dormi dans son ombre, Je l'aime et je languis d'un incurable amour. J'entends le Bien-aimé; par-dessus la colline Il vient comme un chevreuil, il touche les verrous Déjà la nuit décline; Levez-vous, ma beauté; ma colombe, hâtez-vous ! |