Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

il en a rapporté de nombreux objets d'art, des produits d'industrie variés, des échantillons d'histoire naturelle intéressants, dont il a enrichi nos musées. Le Journal de son Voyage en Chine, publié en 1848 en trois volumes in-8°, peu de temps après son retour, renferme un très-grand nombre d'observations neuves et originales. L'auteur était done parfaitement en mesure de reconnaître dans l'état actuel de cette nation et dans l'histoire de son passé les causes de son infériorité actuelle en tant de points, comparativement à son ancienne supériorité sur beaucoup d'autres. Quels obstacles ont retardé le développement social des Chinois, qui, ayant pris naissance aux premiers âges du monde sur les lieux mêmes où il a grandi, s'est avancé parallèlement au développement social des autres peuples, sans mélange, sans contact, sans emprunt, a tout inventé, et, quoique avec quatre ou cinq mille ans de progrès, constitue cependant un état social évidemment inférieur à la civilisation d'Occident?

Ces obstacles ne sont, suivant M. Itier, ni la constitution physique du pays, qui se prête aux cultures les plus variées et les plus perfectionnées, ni la forme paternelle de son gouvernement, ni les mœurs publiques, qui sont généralement bonnes dans les classes éclairées, et ne sont mauvaises que dans la classe demi-bourgeoise et dans la basse classe du littoral, ni un défaut de perfectibilité résultant de l'infériorité de la race chinoise. Comparé à l'état social de l'Europe au xvi° siècle, celui de la Chine était plus avancé dans beaucoup d'industries, surtout dans celles qui tiennent à l'agriculture, telles que les industries séricicole et cotonnière, ainsi que dans les arts céramiques, dans la papeterie et plusieurs autres branches d'art et d'industrie applicables au bien-être de la vie privée et domestique. Depuis le xvr° siècle, la Chine n'a participé à aucun des progrès dont l'avancement des sciences en Europe a été une des causes les plus influentes sur le changement social des nations.

Parmi les causes diverses qui ont laissé la Chine en dehors de ces progrès, et surtout en dehors de l'action civilisatrice des sciences, M. Itier croit reconnaître une influence dominante dans la langue et dans le système d'écriture chinois, avec ses. 42,000 caractères, ses complications, ses embarras inextricables et si rebelles aux efforts de la mémoire et aux combinaisons libres de la pensée; ce serait, selon lui, un obstacle presque insurmontable aux libres et faciles développements des théories scientifiques. Vainement les lettrés qui

ont le monopole de la fabrication et de la combinaison des mots semblent-ils exercer dans la sphère supérieure de la société chinoise une influence aristocratique, influence qui semblerait devoir s'étendre jusqu'à l'avancement des sciences; ils y restent au contraire presque entièrement étrangers. Tout le monde sait lire et écrire en Chine, mais la plupart ne connaissent pas au delà de quelques centaines de mots, et un grand nombre se bornent à savoir les caractères concernant la profession qu'ils exercent. M. Itier a constaté avec surprise qu'en parcourant les rues de Canton, son domestique chinois ne pouvait traduire que les enseignes des cordonniers, parce qu'il n'avait appris que le métier de cordonnier. La sphère d'action de chaque publication étant exactement limitée par le sujet qu'elle traite, plus le sujet s'élève, plus la sphère se restreint, et de ce que le système graphique des Chinois mesure si étroitement à chaque classe de la population la portion de lumière que ses yeux sont habitués à supporter, il en doit résulter que, n'éveillant aucune idée de progrès, il constitue forcément une société dans laquelle la pensée ne se renouvelle pas, une société stationnaire. Le même danger, selon M. Itier, eût menacé le civilisation des peuples d'Occident si les Phéniciens n'avaient pas inventé l'alphabet et ne l'avaient substitué à la langue hiéroglyphique des Égyptiens, langue

éternellement condamnée aussi à un état stationnaire en dehors des voies nouvelles ouvertes aux progrès de l'humanité par cette invention même de l'alphabet. Une langue alphabétique serait, aux yeux de l'auteur, l'unique moyen d'avancer pour la civilisation chinoise. Mais cette innovation devrait trouver une résistance insurmontable de la part des lettrés, dont l'existence et la haute portée sociale sont uniquement dues aux études les plus arides et les plus stériles. Cependant des contacts plus nombreux, plus libres, plus pacifiques entre la Chine et l'Europe, de la propagation des langues européennes en Chine, devra résulter peu à peu pour ces contrées, avec la nécessité de profiter des applications des grandes découvertes scientifiques modernes, le besoin d'en apprécier, d'en étudier les sources et les théories. Le mélange d'autres peuples asiatiques de races différentes, que les guerres intestines favorisent de plus en plus en Chine, n'exerceront peut-être pas moins d'influence sur l'état stationnaire de la Chine, de même que les invasions germaniques ont agi, pour des causes diverses, en Occident, sur l'antique civilisation gréco-romaine. Quelle que soit la réalité des vues de M. Itier,

ces vues sont exposées avec une conviction et une connaissance du sujet qui doit en rendre l'examen utile et sérieux.

23. Dissertation sur l'origine de la chevalerie et l'étymologie de ce nom, par M. Henri Guys (1865, t. V, p. 267 à 281).

La chevalerie a-t-elle été empruntée, pendant les xr et x1° siècles, par l'Europe chrétienne, aux peuples plus éclairés de l'Orient, principalement aux Arabes, ainsi que prétendaient le démontrer MM. de Hammer et Fauriel? Est-elle plutôt d'une origine germanique, comme le soutenait Sainte-Palaye? Tels sont les deux systèmes le plus généralement défendus. M. Guys adopte entièrement le premier, et ne reconnaît que l'influence orientale résultant des invasions musulmanes dans notre Europe occidentale et de nos croisades en Orient. Il recherche dans l'emploi de certains mots usités dans les tournois, dans les récits de romans de chevalerie et dans certains usages arabes les preuves de cette origine, qui a pour elle, en effet, les plus grandes probabilités'.

24 à 33. Plusieurs autres discours de MM. l'abbé Aoust, Morren, Lucy, L. Méry, L. Blancard, de Surian, Gassend, Dassy, Tempier, Autran et Clot Bey, s'éloignent trop des travaux habituels du Comité, soit par leur caractère exclusivement scientifique, artistique ou biographique, soit par les généralités un peu vagues des sujets traités; mais il y en a deux qui paraissent surtout susceptibles d'analyse. Ce sont les discours de Mgr Cruice et de M. Laforest.

34. Discours de réception de Ms Cruice, évêque de Marseille, sur l'Accord de la science et de la religion (1862, t. V, p. 417 à 434).

M. l'abbé Cruice dirigea longtemps à Paris l'école des hautes études ecclésiastiques de l'établissement des Carmes, avec un savoir et une modération que les membres les plus sévères et les plus impartiaux de l'Université se sont plu à reconnaître. Il a exposé dans ce discours les doctrines et les convictions qu'il mettait en pratique

La plupart des exemples et arguments présentés dans cette notice sont empruntés à l'ouvrage de M. de Beaumont (Recherches sur l'origine du blason), savant cité par M. Guys et dont l'opinion est que la chevalerie, les tournois, le blason d'Occident venaient des Arabes et des Persans.

et qui étaient une des bases de son enseignement, au double profit de la religion et des sciences. La religion, en effet, n'est point contraire à l'étude des sciences; elle ne peut qu'en profiter et en faire profiter la société. De leur côté, les sciences doivent trouver dans la religion des secours et des lumières, loin de chercher à lui être hostiles. Devenu évêque de Marseille, Mgr Cruice a été trop tôt arrêté dans sa nouvelle carrière, où son savoir, son dévouement, sa modération lui avaient mérité une estime générale, par une cruelle maladie dont l'issue a été fatale.

35. Discours d'ouverture par M. A. Laforest: Origine et histoire de l'Académie de Marseille (1864, t. V, p. 487 à 516).

Ce discours, qui termine le second des deux volumes dont j'ai donné l'analyse, présente de courtes réflexions sur les origines de l'Académie de Marseille, ses usages, ses priviléges, les services qu'elle a rendus, les créations qu'on lui doit, les vicissitudes qu'elle a subies. C'est une analyse du grand ouvrage publié en trois volumes (1826 à 1843) par M. Lautard sur le même sujet et que j'ai déjà indiqué. Je me bornerai à en citer quelques traits des moins connus de cette histoire. Fondée en 1726, peu après l'épouvantable peste de Marseille, composée d'abord de vingt membres, puis de trente en 1766, l'Académie de Marseille devait envoyer tous les ans à l'Académie française, pour la fête de saint Louis, un ouvrage utile et honnête."

Entre autres règlements de confraternité bienveillante, on lit dans ses statuts :

Art. 21. Les académiciens ne pourront écrire les uns contre les autres sous peine d'exclusion."

«Art. 22. S'il survient quelque procès entre les académiciens, « ceux entre lesquels ils surviendront seront priés de se choisir des arbitres dans la compagnie."

[ocr errors]

En 1766, une disposition qui excluait les membres des corporations religieuses fut abrogée, mais l'admission des personnes professant la religion réformée fut unanimement repoussée, excepté pour les étrangers associés.

Dès les premiers temps de sa fondation, la Société put disposer d'une rente de 600 francs, don du maréchal de Villars et de sa famille, et affectée, par moitié, à chacun des deux prix décernés, l'un pour les sciences, l'autre pour les belles-lettres. Un autre legs

fait à ses confrères par le duc de Villars, fils du maréchal, fut converti en une rente de 1,200 francs, payée par la ville à la compagnie.

En 1773, l'Académie transforma son concierge en suisse, et le cardinal de Bernis, devenu à son tour protecteur de la compagnie après la mort du duc de Villars, fit les frais nécessaires pour opérer cette transformation en donnant un habillement complet avec sa livrée; il y joignit son portrait.

L'Académie de Marseille eut moins à se louer de l'Académie française, dont elle était et aimait à se dire fille, et qui lui tint cependant rigueur pour toutes les subventions qu'elle sollicita de sa générosité maternelle. Cette Académie lui fit un affront plus grand encore, en refusant la lecture d'un des discours utiles et honnêtes" envoyés chaque année comme hommage à son suprême tribunal, puis en repoussant la prétention qu'élevaient les académiciens marseillais de prendre place dans ses rangs, soit aux séances particulières, soit aux séances publiques. En 1771, cette précieuse prérogative fut rétablie, grâce à l'intervention de M. Guys, mais pour lui personnellement.

L'historien de l'Académie de Marseille se plaint aussi du peu de sympathie qu'elle a toujours trouvé auprès des autorités de cette ville pour obtenir un local convenable, destiné à ses réunions. Les échevins, qui avaient consenti à donner la salle de l'hôtel de ville pour les séances publiques, n'y consentirent qu'à la condition de se placer eux-mêmes au bout de la table et sans chaperon sur leur robe, c'est-à-dire en petite tenue. De son côté, l'Académie décida que dorénavant le président ferait son discours d'ouverture le chapeau sur la tête.

Plus tard, le gouvernement mit à la disposition de l'Académie un local dans l'arsenal maritime, dont elle fut bientôt éloignée pour être placée provisoirement au collége de Béthune. Enfin elle obtint, en 1781, le jour où l'on apprenait à Marseille la naissance du dauphin, le droit de se réunir dans l'établissement affecté à l'Observatoire, local qu'elle occupa bien peu de temps.

A ces petits détails de vie intérieure et pour ainsi dire domestique on peut en ajouter quelques autres d'un ordre plus élevé. L'un des plus dignes d'être conservés est celui que j'ai déjà rappelé précédemment, que c'est surtout à l'Académie qu'est due la transformation du langage à Marseille, la substitution du français au

« VorigeDoorgaan »