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des cités. Sous la forte unité du régime militaire qu'il y organise, on aperçoit des colonies et des municipalités, des nations alliées, des peuples libres, des villes impériales, des villes sujettes, toutes cités de conditions diverses, mais au sein desquelles pénètre l'élément romain dans des proportions à peu près égales. Dans les exemples fournis à ce sujet, M. Tailliar cite la colonie militaire de Bavai, ville alliée de Reims; la ville sujette de Sens; une ville de commerce, Paris; une ville du littoral, Juliobona ou Lillebonne; un port de mer, Gessoriacum ou Boulogne. Il rappelle, en terminant, les destinées ultérieures des cités mentionnées par lui dans ce mémoire: Therouenne, Bavai, Chartres, Reims, Meaux, Troyes, Soissons, Saint-Quentin, Beauvais, Sens, Amiens, Tournai, Orléans, Paris, Auxerre, Châlons-sur-Marne, Arras. Deux cartes géographiques et six dessins de monuments gallo-romains sont joints à ce mémoire.

M. d'Arbois de Jubainville lit une notice sur une traduction de mots gaulois contenue dans trois manuscrits, dont les deux premiers, conservés à la Bibliothèque impériale, lui ont été signalés par M. Léopold Delisle. Celui qui porte le numéro 1451 paraît avoir été copié en 796; l'autre, inscrit sous le numéro 3838, appartient au Ix siècle. Le troisième manuscrit, conservé à Vienne, en Autriche, offre un document analogue. Ils donnent la traduction de dix-sept mots appartenant à la langue gauloise: Lugduno, Aremorici, Arevernus, Hrodanus, Brio, Ambe, Lautro, Nanto, Anam, Caio, Onno, Nate, Cambiare, Avallo, Doro, Renne et Triede.

L'auteur du mémoire, discutant le sens donné à chacun des mots contenus dans ce glossaire, les compare avec les mots correspondants des dialectes néo-celtiques. Il établit qu'en général l'auteur anonyme paraît avoir connu suffisamment une des langues néo-celtiques parlées de son temps; ce devait être le cambrien ou l'armoricain; dans tous les cas, un dialecte du rameau breton. On peut seulement lui reprocher quelques erreurs tenant au défaut de connaissance des règles de la formation des mots. Il écrivait avant l'année 796; cette date donne à son œuvre une valeur qui aurait dû attirer davantage l'attention des savants.

La lecture de ce mémoire donne lieu à de savantes observations de la part du Président de la section, M. Amédée Thierry, dont la compétence en pareille matière est suffisamment connue, et qui

a ajouté le résultat de ses études personnelles aux observations présentées par M. d'Arbois de Jubainville. Livré, après d'importants travaux d'un autre genre, à une étude qui n'est abordée en France que par un trop petit nombre d'érudits, l'auteur a fait preuve, dans la discussion des textes, d'un sens critique très-développé et d'une aptitude incontestable pour les recherches philologiques.

M. Egger, professeur à la Faculté des lettres, présent à la séance, en rendant hommage à la sagacité et au savoir solide dont l'auteur du mémoire a fait preuve, a appelé son attention sur le peu de confiance que doivent inspirer, au point de vue philologique en particulier, certains grammairiens grecs et latins, qui, en donnant des listes de mots étrangers traduits dans leur langue, se sont fait un jeu de tromper les lecteurs en citant des autorités imaginaires ou en produisant des textes inventés à plaisir. Au nombre de ces écrits apocryphes, M. Egger cite le traité des fleuves, faussement attribué à Plutarque, et le traité d'Apulée sur l'orthographe.

M. Joly, professeur de littérature française à la Faculté des lettres de Caen, lit un très-curieux fragment d'un grand travail sur Benoît de Sainte-More, le Roman de Troie et les métamorphoses d'Homère et de l'épopée gréco-latine au moyen âge. Il réclame le poëte pour la Normandie et pour le règne de Henri II Plantagenet, en se fondant sur l'examen aftentif du texte du poëme, de sa langue, et sur certains traits caractéristiques; puis il montre le poëme se répandant dans l'Europe tout entière, traduit dans toutes les langues, et son auteur contribuant pour une large part à cet irrésistible ascendant que la France devait dès le xin° siècle exercer sur l'Europe entière, grâce au génie de ses poëtes, conquérant par eux la domination des esprits.

La lecture de ce mémoire, qui est un modèle de discussion littéraire, a été écoutée avec le plus grand plaisir.

M. Joly a fait apprécier, comme il l'avait fait dans les précédentes réunions de la Sorbonne, les qualités brillantes d'un esprit distingué; et il a prouvé, de plus, qu'il savait mettre la vive intelligence qui le distingue au service des recherches les plus sérieuses et d'une patiente érudition.

Les limites dans lesquelles il avait dû resserrer son travail pour la circonstance l'ayant forcé à laisser de côté les développements que comportaient les faits avancés à l'appui de sa thèse, il a été in

vité à la compléter par M. P. Meyer, qui lui a fait de sérieuses objections au sujet de l'opinion qui attribue les romans d'Æneas et de Troie à l'auteur de la Chronique des ducs de Normandie. M. Joly a répondu aux diverses observations qui lui étaient adressées avec une facilité, une précision et une connaissance approfondie du sujet, qui lui ont mérité, de la part de l'assemblée, des applaudissements unanimes.

On ne pourrait, sans sortir des limites assignées à ce compte rendu sommaire, donner une analyse du travail important de M. Joly, et exposer avec détails la discussion courtoise qui en a suivi la lecture. M. Joly publiera prochainement le poëme de Benoît avec une introduction où il consignera le résultat de ses savantes recherches : ce sera une occasion toute naturelle pour que les discussions auxquelles donnent lieu les publications de ce genre trouvent leur place et se produisent avec toute l'étendue désirable.

M. Dupré, bibliothécaire de la ville de Blois, lit une étude historique sur Adèle, fille de Guillaume le Conquérant, devenue comtesse de Blois par son mariage avec Étienne, fils de Thibault. L'auteur recueille avec soin, dans les historiens et les chroniqueurs du temps, les faits relatifs à cette aimable princesse. La partie la plus intéressante de sa biographie se rapporte à l'époque mémorable où Étienne de Blois, qui avait eu l'honneur d'être compté parmi les chefs de la première croisade, abandonna tout à coup le siége d'Antioche pour rentrer en France, auprès d'une épouse qui lui inspirait la plus vive tendresse, et à laquelle il avait précédemment adressé, sur les principaux épisodes de son voyage d'outre-mer, des lettres fort intéressantes. Ce départ précipité exposa le comte aux reproches de pusillanimité qui ont trouvé leur écho dans la Chanson d'Antioche, poëme publié par M. Paulin Paris. Les historiens sont d'accord pour signaler la conduite héroïque de la comtesse de Blois dans cette triste circonstance. Elle releva le courage de son mari, réveilla dans son âme le sentiment de l'honneur, et l'engagea à rejoindre les nobles barons réunis pour délivrer le tombeau du Christ. On sait que le comte Étienne périt le 18 juillet 1102 à la bataille de Rama, réhabilitant ainsi, par une mort glorieuse, un nom compromis par un acte sévèrement qualifié par ses contemporains. Devenue tutrice de ses enfants, la noble fille de Guillaume le Conquérant fut une mère dévouée comme elle avait été une épouse aimante. Elle mérita

les éloges que lui donnèrent les prélats les plus distingués du temps. C'est auprès d'elle que saint Anselme de Cantorbéry trouva, dans sa disgrâce, un asile. Hildebert de Lavardin vanta ses goûts studieux et ses talents littéraires. M. Dupré, après avoir mis en lumière les hautes qualités morales de la femme dont on lui sait gré d'avoir rappelé le souvenir, la suit, à la majorité de ses fils, dans sa retraite de Marcigny, en Bourgogne, où elle entra, vers l'année 1 122, comme religieuse bénédictine.

M. Mignard, correspondant du ministère pour les travaux historiques et délégué de l'Académie de Dijon, traite, dans un mémoire étendu, la question du parallélisme des patois et des dialectes dans la formation des langues. Il y a eu, selon lui, des patois grecs comme il a existé des patois latins. Il s'attache à mettre en lumière les caractères des dialectes normand, champenois, picard et bourguignon, qu'il rapproche de celui de l'Île-de-France, devenu domi

nant.

M. Mignard, éditeur de la Chanson de Girart de Roussillon, s'occupe plus spécialement du dialecte bourguignon, dans lequel est écrit ce poëme ainsi que les Sermons de saint Bernard, édités par M. Leroux de Lincy. Il signale les nombreuses expressions qui se sont conservées dans le patois que parlent aujourd'hui, en Bourgogne, les gens de la campagne, et il termine en émettant le vœu que, dans les diverses provinces de la France, on étudie comme il vient de le faire les rapports des dialectes avec les patois. Il signale les efforts déjà tentés en ce sens, et particulièrement par M. l'abbé Dartois, vicaire général de Mgr l'archevêque de Besançon; par M. Tissot, pour le patois de Fourgs, et enfin par lui-même, dans son étude de philologie comparée sur le patois bourguignon.

Une courte discussion suit cette lecture, à prop 3 de quelques étymologies adoptées par l'auteur et contestées par quelques-uns des assistants.

M. Malgras, inspecteur d'académie à Épinal, membre de la Société d'émulation des Vosges, retrace rapidement l'histoire de l'instruction primaire en France, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Il soutient, en citant des faits nombreux à l'appui de sa thèse, que l'instruction des masses était négligée, que la condition des maîtres était subordonnée et précaire, que les écoles étaient

rares, les élèves plus rares encore, avec des programmes incomplets, avec des exigences disciplinaires et scolaires bien peu propres à former des hommes. M. Malgras montre qu'à partir de 1816 il s'est produit, en faveur de l'enseignement populaire, un mouvement favorable, qui depuis, sauf de courtes intermittences, n'a cessé de progresser. C'est en 1833 qu'il est entré décidément dans la bonne voie, complété et fortifié sous l'influence de nos institutions libérales. Si le passé, dit M. Malgras, a vu la gloire et le domaine des lettres s'agrandir, il ne peut souffrir, pour ce qui concerne l'instruction primaire, qu'une douloureuse comparaison avec les améliorations que réalise l'époque présente.»

M. Trouillard, avocat à Mayenne, membre de la Société d'agriculture, sciences et arts du Mans, tout en reconnaissant ce qu'il y a de vrai, à certains égards, dans ce tableau de l'état de l'instruction primaire et du sort des instituteurs dans les temps passés, croit cependant que l'on s'est fort exagéré l'ignorance générale au moyen âge et dans les siècles antérieurs au nôtre. Il trouve une preuve de la culture des différentes classes de la société, à la fin du xvir° siècle, dans les cahiers remarquables envoyés en 1789 par les moindres paroisses.

M. le Président fait observer que le mémoire de M. Malgras a pour objet spécial l'état des instituteurs publics aux diverses époques. Si les efforts de quelques particuliers, si les soins pris par le clergé rendirent sur ce point des services incontestables, ce n'est réellement que de nos jours que l'initiative du gouvernement et ses persévérants efforts ont donné à l'enseignement primaire une forte organisation, et ont cherché à améliorer la condition des instituteurs chargés de distribuer aux enfants de toutes les classes de la société les bienfaits de l'instruction.

Sous le titre modeste d'Essai biographique sur Guillaume Rose, évêque de Senlis, M. l'abbé Laffineur, chanoine honoraire de Beauvais, a lu un savant mémoire, dans lequel sont rassemblés et discutés les documents propres à fixer définitivement les idées sur ce personnage fameux, que l'on n'a jusqu'à présent jugé que d'après des pamphlets royalistes ou calvinistes du xvr° siècle. M. l'abbé Laffineur, en racontant la vie de Guillaume Rose, ne la sépare pas de l'histoire de son époque: il cite à peu près tous les auteurs qui ont parlé de lui, et particulièrement les écrivains contemporains, et, en discu

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