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BULLETIN DE L'ACADÉMIE DELPHINALE.

Années 1865 et 1866.

Les deux volumes publiés en 1865 et 1866 par l'Académie delphinale de Grenoble renferment plusieurs notices et mémoires d'un grand intérêt pour l'histoire locale du Dauphiné, nouveau témoignage du zèle éclairé de cette Académie.

I.

Philis de La Charce, ou une héroïne du Dauphiné au XVIIe siècle (1865, p. 4), tel est le titre sous lequel M. Albert du Boys a présenté une notice rapide de la vie de Philis de La Charce, née en 1645, au château de Montmorin, à Nyons, en Dauphiné, de Pierre de La Tour, marquis de La Charce.

En 1692, lors de l'invasion des hautes Alpes par le duc VictorAmédée de Savoie et par le prince Eugène, Philis de La Charce, revêtant une cuirasse, parcourut Nyons et ses environs à cheval, en habit d'amazone, rallia les populations, qu'elle conduisit au col de Cabre, où elle combattit vaillamment à la tête de ses compagnons d'armes, qui repoussèrent les Barbets. Ceux-ci, obligés de reculer et rejetés sur la pente opposée du col, les troupes de Larrey et de Catinat purent reprendre l'offensive, et celles du duc de Savoie furent obligées de se replier au delà des Alpes, après avoir perdu dans des combats partiels plus de 6,000 hommes. (P. 21.)

Philis de La Charce reçut de Louis XIV une pension de 2,000 livres, égale au traitement d'un colonel. Son épée fut déposée à Saint-Denis; son portrait a été placé depuis peu dans les galeries du musée de Versailles, et naguère on a érigé pour elle, dans l'église de Nyons, un monument où l'on voit, avec son nom, un écusson chargé de deux dauphins, comme si elle descendait de la dernière race des dauphins viennois.

Dans le volume de 1866, de la même Académie (p. 182), M. Auzias, sous le titre de Notes sur Philis de La Tour de La Charce, a fait, a propos de son écusson chargé de deux dauphins, quelques observations curieuses, que nous ne saurions passer sous silence. Nous avons dit que Philis était née, en 1645, de Pierre de La Tour.

La généalogie de cette famille est parfaitement connue à partir

de Pierre de La Tour, qui se maria, en 1510, avec Magdeleine de Silve, et dont les armes étaient une tour, et en chef trois casques d'or de profil.

Une série d'hommages prêtés par les descendants de Pierre de La Tour, sous ce simple nom La Tour, constatent d'une manière certaine et authentique le nom et la descendance de celui-ci.

Louis XIII érige, en 1619, en marquisat la Charce pour René de La Tour, sieur de Gouvernet.

Les 4 octobre et 18 mai 1686, Philis signe des actes de baptême, en qualité de marraine, de son nom de Philis de La Tour La Charce.

M. Auzias explique comment ces La Tour et Philis elle-même se sont dits et faits La Tour du Pin.

Pour cela, ils ont eu recours au procédé accoutumé de toutes les usurpations de ce genre.

On signe d'abord du nom usurpé; on le glisse ensuite insensiblement, quelquefois même très-effrontément, dans des actes publics; puis viennent l'adulation et une banale courtoisie qui acceptent et propagent l'usurpation malgré les traits de quelques railleries, et tout est dit, sauf les droits de l'histoire, quand il s'agit d'un nom historique comme celui des La Tour du Pin, qui furent la dernière lignée des comtes de Viennois.

M. Auzias fait à ce sujet des réflexions pleines d'une grande justesse.

En admettant, dit-il, que les La Tour de La Charce formassent une branche cadette des La Tour du Pin, à une époque fort reculée et de difficile constatation, ils ne pouvaient pas plus ètre ~ admis héraldiquement à changer leurs armes pour prendre celles des derniers comtes viennois, qu'aujourd'hui tous les cousins, « aubergistes ou autres, de Bernadotte ne seraient reçus à prendre «les armes de ce roi mort sans postérité mâle.»

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Et il ajoute avec raison :

«En laissant subsister dans l'église de Nyons le mensonge héral dique des armes de fantaisie placées sur le monument érigé à Philis <de La Charce, ne s'exposerait-t-on pas, si on admettait celles que les représentants modernes de sa famille sont maintenant autorisés à porter, à faire croire que Philis n'appartenait pas aux La Tour qui ont vécu si longtemps dans les baronnies sans avoir ces nouvelles marques distinctives." (P. 190.)

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II.

Souveraineté féodale du Graisivaudan, au x' siècle, par les évêques de Grenoble ou par les comtes Guigues. Cartulaires de saint Hugues.

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Les opinions sont fort partagées sur la question de savoir par qui, des évêques de Grenoble ou des comtes du nom de Guigues, était possédé le Graisivaudan au x° siècle.

Suivant les uns, la question est toute tranchée par les cartulaires de saint Hugues.

La charte XVIo du 2o cartulaire, reproduite au n° XCI du 3o cartulaire, fait connaître, par son préambule, qu'Isarn (évêque de Grenoble de 951 à 976) posséda son évêché, ainsi que tout évêque doit posséder sa propre terre et ses propres châteaux, en alleu, comme terre qu'il avait conquise sur la nation païenne (les Sarrasins) : PER ALODIUM, sicut in terra quam abstraxerat a gente pagana. Car, au temps d'Isarn, il n'existait aucun membre de la famille des comtes qui règnent aujourd'hui1 sur l'évêché de Grenoble, qui prît le titre de comte Nullus inventus fuit in diebus suis, scilicet IN diebus Isarn EPISCOPI, qui comes vocaretur.

:

A Isarn succéda l'évêque Humbert, qui eut la même possession paisible de toutes les choses ci-dessus 2. Après Humbert vint Mallen3; et c'est à cette époque que Guigues le Vieux, père de Guigues le Gras, commença à usurper les choses que possèdent aujourd'hui les comtes... Post episcopum autem Humbertum fuit episcopus Mallenus. In cujus diebus Guigo Vetus, pater Guigonis Crassi, INJUSTE COEPIT POSSIDERE... quæ modo habent comites in Grationapoli.

Suivant d'autres, le préambule de la charte no XVI du 2o cartulaire de saint Hugues, et du no XCI du 3o cartulaire, ne saurait être d'aucun poids dans la question, parce que toutes les assertions de ce préambule, à la fois fausses et apocryphes, sont en contradiction manifeste avec la vérité historique, et n'ont été insérées aux 2 et 3 cartulaires, par saint Hugues ou pour lui, que furtivement, à l'insu des comtes, avec l'espoir de s'en faire ultérieurement un titre contre eux.

Saint Hugues a été évêque de Grenoble de 1080 à 1132; Isarn, de 951 à 976.

› Humbert a été évêque de Grenoble de 976 à 1025.

3 Mallen a occupé le siége épiscopal de Grenoble de 1025 à 1037.

De là des discussions fort vives, parfois même irritantes, et dont Fardeur tend souvent bien plus à détourner l'attention qu'à impri mer de la force aux raisons respectivement alléguées.

De cette lutte nous ne pouvons reproduire ici que quelques points entre les plus saillants.

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M. l'abbé Trépier a publié, à Grenoble, en 1863, des Notes et observations sur l'origine de la domination des comtes Guigues à Grenoble et dans le Graisivaudan et sur la valeur historique des cartulaires de saint Hugues."

Sa conclusion est qu'il y a harmonie parfaite entre l'histoire et toutes les assertions contenues au préambule de la charte no XVI du 2o cartulaire et n° XCI du 3° cartulaire.

Dans ses notes et observations, M. l'abbé Trépier dit que, en admettant que les Guigues eussent commencé dès les premières années de l'épiscopat d'Humbert à s'attribuer le titre et l'autorité de comtes dans le territoire du diocèse de Grenoble, il y avait eu des oppositions et de solennelles protestations sous l'épiscopal de Mallen. (P. 44.)

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Et on ne dira pas, ajoute M. l'abbé Trépier, que ces protestations sont demeurées sans résultats extérieurs, au moins momentanés, puisque, ni dans la charte de 1030, ni dans celle de 1033, ni dans celle de 1035, les trois seules connues de l'épiscopat de Mallen qui fassent mention d'un Guigues, ce Guigues n'ose prendre le titre de comte; il se qualifie simplement, dans l'une, de Guigues le Vieux, Guigonis senioris; dans une autre, de Guigues, homme trèsillustre, et dans la troisième, par celui de Guigues, VICOMTE, « (vice-comte, vicaire ou lieutenant du comte, qui était l'évêque), VUIGONIS VICECOMITIS." (1865, p. m.)

"

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M. Gariel répond à M. l'abbé Trépier qu'il ne parle point d'une charte, datée du règne de Conrad le Salique (1033 à 1038), dans laquelle, sous l'épiscopat de Mallen, Guigues prend le titre de comte; ce qui renverse entièrement tout ce qu'il dit lorsqu'il prétend que, sous Mallen, les Guigues n'osèrent jamais prendre cette qualification.

Cette charte se trouve dans deux manuscrits de Fontanieu : 1o Dans le Cartulaire général;

2o Dans l'Histoire du Dauphiné.

C'est un acte tiré du cartulaire de Saint-Chaffre, par lequel Léotgarde et ses sept enfants donnent au monastère de Saint-Chaffre

quatre paroisses qu'ils avaient dans le bourg de Vif, en présence de Mallen et du comte Guigues.

La suscription en est ainsi conçue :

Carta testimonialis signata auctaritate Malleni episcopi et Vuigonis comitis et uxoris ejus Adeliendis filiorumque suorum Humberti et Vuigonis et aliorum testium, in mense Augusto, feria tertia, luna secunda, regnante Conrado rege." (1865, p. 110.)

Puis M. Gariel dit que M. l'abbé Trépier s'est mépris en prenant pour un vicomte du Graisivaudan un vicaire de l'évêque de Grenoble, Guigues, Vuigo senior, de la charte 645, de l'an 1033, du cartulaire de Savigny, qui était un vicomte lyonnais1.

Enfin M. Gariel, invoquant l'opinion et l'autorité de M. de Terrebasse, soutient que la présence des Sarrasins dans le Dauphiné aux siècle n'est fondée que sur le faux témoignage du préambule dont il est question, sans qu'aucun document contemporain en fasse mention. (1865, p. 113.)

M. l'abbé Trépier réplique qu'il ne connaissait point la charte de Léotgarde, du cartulaire de Saint-Chaffre; mais que, loin de prouver la fausseté du préambule inséré au cartulaire de saint Hugues, elle le confirme, de même que celle de la fondation du prieuré de Moirenc, sous l'évêque Humbert.

Il faut bien prendre garde, dit-il, que l'auteur du préambule "n'a voulu déterminer qu'une chose : l'origine du pouvoir comtal des Guigues dans le diocèse de Grenoble; qu'il y est toujours question de ce diocèse, et rien que de ce diocèse." (Vol. de 1866, p. 225.)

Or les Guigues pouvaient très-bien être comtes ailleurs que dans la circonscription de l'évêché de Grenoble; et l'on comprend qu'ils aient pu prendre ce titre dans des actes, sans que cela fût en contradiction avec les assertions des cartulaires de saint Hugues, qui ne se réfèrent qu'à cette circonscription seulement. C'est ce qu'avaient très-bien compris Durand et Fontanieu. Il est constant, dit « le premier 2, qu'avant Mallenus Guigues avait pris le titre de comte, et il est à présumer qu'il l'était d'Albon." Ce que dit

Voir au volume de 1866, p. 249, les hypothèses de M. l'abbé Trépier, en ce qui concerne Guigues le Vieux, vicomte, Wuigo senior, vicecomes, des chartes 645 et 648 du cartulaire de Savigny.

2 Dissertation sur la généalogie des dauphins de la première race, page 80, insérée en tête du II° volume de l'Histoire du Dauphiné, par Fontanieu.

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