du train dont cela va, Votre Majesté n'aura pas seulement les corps de ses armées à passer en revue, mais aussi des corps entiers d'officiers étrangers, qui accourent de toutes les parties de l'Europe pour admirer le Nestor d'entre les Monarques, qui, sous le poids des lauriers et des années conserve et déploie la vigueur d'Achille. , Je suis, avec le plus profond respect, etc. X Ie. Le 24 janvier 1786. SIRE, Je célébrais en silence, mais avec grande solennité, dans mon réduit philosophique, l'anniversaire de la naissance de Votre Majesté, lorsqu'une lettre envoyée par M. le marquis de Condorcet, m'oblige de quitter mon autel et l'encens qui y brûlait, pour déposer aux pieds de Votre Majesté, avec sa lettre, mes vœux, et la rendre témoin de la solennité qu'un jour si grand et si auguste occasionne dans le réduit philosophique. M. de Condorcet, à qui ses calculs font quelquefois oublier l'almanach , se joint à moi avec ses vœux et son encens; ainsi, si Votre Majesté esquive un de nos autels, elle ne pourra pas échapper à l'autre. Il m'a envoyé sa lettre sous cachet volant, en me priant de la lire, et de joindre mes instances aux siennes pour que Votre Majesté daigne assurer par un seul mot l'existence des lettres dont elle a honoré, pendant un longue suite d'années, feu d'Alembert. Le dépositaire, après la mort de ce dernier, M. Vatelet, vient de mourir, et M. de Condorcet paraît craindre qu'une correspondance si mémorable ne soit pour jamais anéantie (1). Un seul mot, Sire, que vous daignerez mander à lui ou à moi, un simple ordre de Votre Majesté que cette correspondance soit remise à M. de Condorcet ou à moi, la préservera de son anéantissement, et la conservera à la postérité. J'ai servi Votre Majesté contre le cri de ma conscience, lorsqu'à la mort de d'Alembert, elle m'ordonna de veiller sur ce dépôt, et d'empêcher sa publication. Si j'avais pu pré (1) Les lettres du Roi de Prusse à d'Alembert ont été imprimées parmi les Œuvres posthumes de Frédéric II. Berlin, 1788, in-8°. Voy. les tomes II, 12 et 13. (Note de l'Editeur.) voir voir que M. Vatelet suivrait de si près son ami, j'aurais supplié Votre Majesté d'ordonner que ce dépôt fût remis entre mes mains; mais il en est temps encore, et, soit que Votre Majesté choisisse le marquis de Condorcet ou moi, ou tous les deux ensemble, pour réclamer ce dépôt précieux, le zèle sera le même, et nous aurons rendu ce service à la postérité. Je suis, avec le plus profond respect, etc. X IIe. Le 31 mars 1786. SIRE, Il est, certes, bien glorieux pour moi que M. le marquis de Condorcet m'ait constitué son facteur auprès de Votre Majesté, sans quoi je n'oserais rendre mes lettres si fréquentes; mais, en expédiant celles des autres, il me semble qu'il doit m'être permis d'y joindre mon hommage. M. de Condorcet, recommandant à mes soins les deux lettres qu'il vient de me confier, me donne le droit, Sire, de remercier très-humblement Votre Majesté de celle dont elle m'a honoré le 6 février dernier. Si un Monarque rassasié de gloire, qui règne sur les bords de la Baltique, ne permet pas qu'on lui porte d'encens, j'ai plus de tort qu'un autre d'être tombé dans cette faute, parce que je ne connais à un homme né sur les bords du Danube aucun droit d'employer une production si précieuse; et je ne sais si, dans l'opinion des Luthériens, vulgairement appelés Badauds de Paris, un Oborite et Vandale n'a pas une trèsgrande supériorité sur un Danubien ou simple habitant riverain de ce fleuve. Je désire bien vivement que le comte de Romanzof, en méritant l'approbation de sa cour, puisse obtenir l'estime de celle auprès de laquelle il va résider. Votre Majesté me fait trop d'honneur en le qualifiant mon élève. Notre association pour le voyage que nous avons fait ensemble, avait pour base une égalité entièrement républicaine. Je dois même dire, à ma confusion, que nous étions rarement du même avis sur rien; et si je me suis tiré d'affaire, c'est parce que son frère, notre troisième compagnon, se rangeait souvent de mon côté, et le rangeait par conséquent dans la glorieuse minorité; c'est en Angleterre la place des hommes de génie. Un petit prophète n'est pas propre à former des hommes d'état et de grands hommes. Ce prophète d'ailleurs, dépaysé depuis sa première jeunesse, ne peut se vanter d'aucun crédit ni sur les bords du Danube, ni sur ceux du Havel et de la Sprée, par la raison que nul n'est prophète dans son pays; et s'il a conservé quelque faveur sur les bords de la Newa, c'est qu'il n'est pas du pays, quoiqu'il y soit naturalisé depuis long-temps par les bienfaits. Je suis, avec le plus profond respect, etc. XIII. Le 12 mai 1786. SIRE, Les nouvelles publiques m'ont heureusement et suffisamment rassuré et ôté toute inquiétude que la lettre dont Votre Majesté m'a honoré le 18 du mois dernier, pouvait faire naître. Je mets ma confiance dans les travaux militaires et dans le retour de la belle saison, qui se combineront pour chasser bien loin de Votre Majesté les accès de l'asthme et les incommo dités. Le marquis de Condorcet, en me recom * |