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Telles furent les immortelles campagnes de 1709. Soumise aux épreuves les plus difficiles, la France luttait partout avec avantage, et elle étonnait l'Europe par l'opiniâtreté de sa résistance. Louis XIV conservait les Pyrénées et les Alpes, Nice et la Savoie, l'Alsace et la Flandre, et soixante mille hommes éprouvés par la faim et par le feu, noircis encore par la poudre de Malplaquet, barraient la frontière du Nord et la route de Paris. Villars malheureusement n'était plus à leur tête. Après sa blessure, une fièvre ardente, accompagnée d'insomnies, avait mis ses jours en danger. Les médecins effrayés avaient en vain sondé la plaie; ils n'avaient pu s'assurer si l'os était percé d'outre en outre, ou fêlé dans toute sa longueur ou simplement éclaté, ce qui devait modifier de tout point le traitement. Ils parlaient de lui couper la jambe et désespéraient de sa guérison. Déjà le malade se préparait à la mort quand les chirurgiens du roi, envoyés par Louis XIV, imaginèrent d'enlever, en les raclant, les chairs voisines de la blessure, afin de découvrir et d'examiner avec soin les ravages de la balle1. Cette cruelle opération lui sauva la vie, et après quarante jours il put être transporté à Versailles. On le ramena couché sur un brancard, à petites journées, au milieu des populations qui se pressaient sur son passage et le saluaient de leurs cris d'allégresse 2. L'accueil le plus brillant

1 Mémoires de Villars, p. 187.

« Au bout de quarante jours, on me jugea en état d'être transporté à Paris. Mon voyage, par les villes que je traversai, couché sur un brancard, fut une espèce de triomphe. » Mémoires de Villars, p. 187.

attendait à Versailles; le roi le fit pair de France t lui donna l'appartement du prince de Conti où les es et les festins se succédèrent sans interruption endant tout le temps que dura sa convalescence. ous les princes, tous les courtisans s'empressaient 1 chevet de l'illustre malade, et madame de Mainnon elle-même ne dédaigna pas de venir chaque ur y passer de longues heures'.

1 Saint-Simon, t. VIII, p. 106-107.

CHAPITRE V

(1710.)

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Changement de l'opinion publique en Hollande. Nouvelles propositions de Louis XIV. — L'abbé de Polignac et le maréchal d'Huxelles envoyés en Hollande. - Difficultés de leur mission. Opposition des ambassadeurs étrangers et du parti militaire. — Séjour des négociateurs français à Gertruydemberg.-Mauvais vouloir des Hollandais.Transaction offerte par Louis XIV et refusée par les États-Généraux. Tristes conditions acceptées par Louis XIV. - Il offre de l'argent et des troupes pour renverser Philippe V.-Refus des Hollandais.-Mauvais traitements que subissent les envoyés français à Gertruydemberg. -Les Etats-Généraux exigent que Louis XIV détrône seul le roi d'Espagne. — Aigreur et rupture des conférences. Lettre publique de Polignac contre les Etats-Généraux.-Réplique des Hollandais.-Fautes de la Hollande dans ces négociations.-Efforts désespérés de Desmarets pour se procurer des ressources.-Etablissement du dixième en France.

Le sombre enthousiasme de nos soldats, les succès de Villars et de Berwick, de Noailles et de Du Bourg, cette victoire de Malplaquet qui avait dévoré l'infanterie de la Grande -Alliance, relevèrent en Hollande le parti de la paix. Tous les hommes modérés de la République s'écrièrent que la campagne avait cruellement déçu les espérances d'Eugène et de Marlborough; que, loin d'arriver à Versailles comme ils s'en flattaient, ils n'avaient pu écraser Villars; qu'il était temps d'arrêter cette lutte meurtrière et de songer aux souffrances du pays; que la France était

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assez abattue; qu'elle offrait à la Hollande les concessions les plus avantageuses, et dans les Pays-Bas et au delà des mers; qu'il fallait les accepter et poser les armes. A Amsterdam et à Rotterdam, dans toutes les villes de commerce et dans tous les ports, les négociants et les armateurs reproduisaient ces griefs.

Heinsius avait entretenu, pendant tout l'hiver de 1709 à 1710, une correspondance régulière avec Torcy1; cédant enfin au cri de l'opinion, il fit savoir à Versailles, par Petkum, que si Louis XIV voulait envoyer de nouveaux agents dans les Pays-Bas pour tenter un accommodement sur les préliminaires, la République était prête à renouer les négociations. Louis XIV accepta cette ouverture avec empressement, et il envoya en Hollande deux nouveaux négociateurs, le maréchal d'Huxelles et l'abbé de Polignac.

Le premier était un soldat froid, patient, rusé, d'un extérieur brusque et rude, qui, sous les dehors d'une vertu austère, cachait l'âme du plus délic courtisan. On se rappelait sa capitulation de Mayenc en 1689; on lui reprochait d'avoir sacrifié dans cette circonstance sa réputation militaire au désir de com plaire à Louvois, dont la paix eût diminué le crédit

1 Papiers de Heinsius.

2 Pour rendre justice au maréchal d'Huxelles, il faut dire que ces im putations n'étaient pas justifiées. Il s'était enfermé dans Mayence ave dix mille hommes et en avait arrêté soixante mille; pendant sept se maines de tranchée ouverte, il avait fait vingt et une sorties, tué cin mille hommes à l'ennemi et ne s'était rendu que faute de poudres; enfi si, à son retour à Paris, il fut obligé de quitter l'Opéra où le publi l'avait accueilli par des huées injurieuses, Louis XIV le dédommage

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