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et ni la France, ni l'Europe ne pouvaient réduire en un espace de temps aussi limité un pays comme l'Espagne, défendu par ses montagnes, par ses chemins impraticables, par ses populations énergiques et opiniâtres, prêtes à sacrifier leur vie pour le roi qu'elles avaient choisi.

Dans l'espoir d'une transaction, Polignac et d'Huxelles représentaient que Philippe V étant alors maître de toute la péninsule, à l'exception des faubourgs de Barcelone, le plus sûr moyen d'obtenir son abdication était de lui accorder les places que les Espagnols conservaient en Toscane, avec les DeuxSiciles et le titre de roi. Les plus sages conseillers de la République approuvèrent cette proposition, qui eût substitué un accommodement à la guerre et terminé sur-le-champ les hostilités. Les députés d'Utrecht aux États-Généraux déclarèrent que cette demande leur semblait équitable; qu'il était impossible d'arriver à une paix sérieuse à moins de laisser à Philippe V une portion de ce magnifique héritage que Charles II lui avait légué tout entier; qu'en supposant la plus heureuse campagne, les alliés ne prendraient ni l'Espagne, ni les Indes, et qu'il importait de les ouvrir au plus vite à leur marine épuisée 1.

Cette prétention si modeste souleva des récriminations dans le sein des États-Généraux; le parti de la guerre y voyait une dérogation formelle aux préli

17 avril et du 12 novembre 1709. V. Mémoires de Noailles et W. Coxe, t. Ier, p. 535.

1 Lamberty, t. VI, p. 16.

vaient pour but de prolonger, s'il était possible, la rêve de deux mois, mais dans le cas seulement où la 'rance accorderait d'autres avantages; les alliés enendaient, non pas indemniser, mais renverser Phippe V1. Polignac et d'Huxelles ayant représenté ans les termes les plus mesurés les inconvénients hérents à la situation éloignée de Gertruydemberg, t prié la République de transporter les conférences ans un autre lieu, les Etats-Généraux s'y refusèrent vec hauteur, ajoutant que si les Français n'avaient as d'autres propositions à faire, ils pouvaient quitr la Hollande. Pendant ces pourparlers, les députés ollandais avaient été retenus à La Haye, et ils ne reinrent à Gertruydemberg que sur les instances réirées des ministres de Louis XIV.

Abandonnant le royaume de Naples, Polignac et "Huxelles demandèrent du moins pour Philippe V Sicile et les places de la Toscane. Quelque reseintes que fussent ces prétentions, elles n'eurent as plus de succès. M. de Zinzendorf, qui exerçait sur es collègues une souveraine influence, déclara que Empereur ayant le royaume de Naples ne pouvait ar cela même céder la Sicile; que les Napolitains, tigués des dominations étrangères, aspiraient à un Ouvernement national, et que du jour où ils verraient hilippe V régner à Palerme, ils l'appelleraient pour hasser les Autrichiens. Zinzendorf publia un long

1 Conférence du 22 mars 1710. 2 Conférence du 24 avril 1710.

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mémoire où il développait ces idées, et le fit répandre à La Haye. Les Anglais démontrèrent en même temps que la présence d'un petit-fils de Louis XIV en Sicile entraverait la liberté du commerce de la Méditerranée'. Quant aux places de la Toscane, l'ambassadeur du Piémont vint à son tour affirmer que son maître verrait avec un véritable effroi les Français établis au cœur de l'Italie. Tous ensemble exhortèrent les États-Généraux à cesser des conférences désormais inutiles. En conséquence, Heinsius fit écrire aux Français par Petkum que les conférences étaient rompues. Polignac et d'Huxelles lui répondirent qu'ils étaient prêts à partir, le priant seulement de remercier de leurs honnêtetés MM. Buys et Van der Dussen 2, puis ils informèrent Louis XIV de la rupture des négociations.

Dans l'espoir de les renouer, Louis XIV céda davantage. I renonça à toute indemnité pour Philippe V, et abandonna à l'Europe toute la succession de Charles II. Mais les Etats-Généraux élevèrent alors une prétention nouvelle et odieuse. Ils demandèrent que la France s'unit aux alliés pour détrôner Philippe V. « Il n'y a, disaient-ils, que deux moyens de faire faire une chose: la persuasion ou la force. Vous avez inutilement employé la persuasion pour obtenir l'abdication du roi d'Espagne, employez donc la force; unissons nos drapeaux et nos soldats, pas

1 26 avril 1710.

* 11 mai 1710. Lettre des plénipotentiaires français au sieur Petkum. Lamberty, t. VI, p. 50.

sons ensemble les Pyrénées et allons proclamer et établir l'archiduc à Madrid.» Polignac et d'Huxelles objectèrent le danger de confondre des soldats, ennemis depuis cinquante ans, le lendemain de la plus terrible des rencontres. Pour montrer toutefois combien Louis XIV désirait la paix, ils offrirent son assistance indirecte contre Philippe V, le passage des armées alliées à travers la France, des vivres, des munitions, et même de l'argent, s'il le fallait. Les Etats-Généraux demandèrent combien Louis XIV donnerait par an pour combattre le roi d'Espagne. -Quatre millions, répondirent les Français. Buys et Van der Dussen trouvèrent la somme suffisante, mais ils élevèrent d'incroyables chicanes sur le mode de payement: Comment Louis XIV enverrait-il cette somme en Hollande? Quelles maisons de Paris ou d'Amsterdamn la garantiraient? Polignac et d'Huxelles offrirent toutes les sûretés humainement possibles, et pour cautions les plus solides banquiers de France et des Pays-Bas. Mais les Hollandais discutèrent chacun de ces banquiers en alléguant des craintes imaginaires: s'ils ne pouvaient payer à temps, s'ils faisaient faillite, s'ils venaient à mourir? Avec la plus inaltérable patience, les ministres de Louis XIV durent réfuter tour à tour ces objections déri– soires 1.

Pendant ces conférences, qui perdaient un temps si précieux, les ambassadeurs à La Haye continuaient

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leurs secrètes manoeuvres; ils pressaient chaque jour la République de renvoyer les plénipotentiaires. Eugène écrivait qu'il ne redoutait pas les armées mais les intrigues de la France; lord Townsend et Marlborough répétaient la même chose, en termes plus adoucis mais non moins formels. Le ministre de *Prusse et les deux ambassadeurs d'Autriche, les comtes de Zinzendorf et de Wratislau, insistaient pour se rendre à Gertruydemberg, et ne cédaient que devant le refus décidé des États-Généraux. Au risque de blesser les Hollandais, l'ardent Wratislau publiait une prétendue lettre de l'Empereur, qui se plaignait amèrement de la République. Tous les ambassadeurs conjuraient sans cesse les États-Généraux de se défier des Français, qui ne songeaient qu'à les désunir; c'étaient, à les entendre des serpents cachés qui guettaient le moment de lâcher leur venin'. Les Hollandais, il est vrai, encourageaient ce langage par leur conduite. Sous leurs yeux paraissaient des gravures et des pamphlets dans lesquels nos ministres étaient indignement outragés. Les États-Généraux défendaient à qui que ce fût de les visiter, et ils les tenaient à Gertruydemberg au plus rigoureux secret, comme des prisonniers d'État 2. Ils ouvraient leurs lettres, en dépit de leurs réclamations, et retardaient à chaque conférence le retour des députés. Ils couronnèrent enfin ces insultes par le plus brutal congé.

1 Lamberty, t. VI.

* Reboulet, t. III, p. 414.

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