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bergers. Vendôme place son infanterie sur une colline qui domine la plaine, et masse en bas sa cavalerie, dans le lieu le plus propre à la charge1.

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Parvenu à l'autre extrémité de la plaine, Stahremberg s'arrête. Il tire encore le canon, écoute, et n'entendant plus l'artillerie, il pense que Stanhope s'est rendu. Il examine alors l'armée de Vendôme, rangée en amphithéâtre sur la colline, où elle semble double de la sienne. Elle compte, du reste, vingtquatre mille hommes excités par la victoire, par la marche et bouillants encore du combat; Stahremberg en a seize mille au plus, épuisés par la fatigue et par la faim. Il était midi Stahremberg prend sur-lechamp sa résolution. Il acceptera la bataille, évitera d'engager ses troupes jusqu'au soir, et, à la faveur de la nuit, qui tombe si vite en décembre, il se repliera sur Saragosse. Il a perdu l'arrière-garde, il veut sauver du moins le reste de l'armée. Afin d'exécuter son dessein, il déploie lentement son artillerie sur le front de ses bataillons, et ouvre le feu avec une supériorité marquée. Les boulets autrichiens tombent au pied de la hauteur, au milieu de la cavalerie de Vendôme, et renversent des files entières. Les Espagnols restent immobiles, attendant le signal de la charge; mais les heures s'écoulent, et Stahremberg continue la canonnade sans se mettre en mouvement. Après trois heures d'attente, Vendôme devine le dessein de l'ennemi et ordonne l'attaque. Il monte à

1 10 décembre 1710. Saint-Philippe, t. II, p. 420.

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cheval avec Philippe V, descend de la colline avec toutes ses troupes et se précipite l'épée à la main sur les alliés.

A ce premier choc, si impétueux et si terrible, la cavalerie catalane de Stahremberg plie et disparaît'. Avec ses seuls bataillons Stahremberg résiste, puis il repousse en désordre l'infanterie espagnole qui s'élance avec trop d'ardeur, en rompant ses rangs. Les vétérans de Vendôme se reforment aussitôt, mais ses volontaires prennent la fuite. Des régiments entiers se débandent, malgré les cris des officiers qui ramassent les mousquets des soldats et combattent à leur place2. Vendôme croyant la bataille perdue supplie Philippe V de se retirer; le roi refuse. La cavalerie de Stahremberg, l'infanterie de Vendôme ont fui presque tout entières; la bataille continue entre les fantassins de l'archiduc et les cavaliers de Philippe V, l'élite des deux armées. L'acharnement est le même des deux parts: les ennemis sentent qu'une défaite entraînera leur massacre, et combattent avec désespoir; les Espagnols, avec le dépit de gens qui croyaient tenir et qui voient échapper la victoire. Stahremberg range en bataillon carré les six mille grenadiers qui lui restent, et se place à cheval au centre. A trois reprises, avec huit mille chevaux lancés à fond de train, Vendôme essaie d'enfoncer le redoutable carré, mais sans ébranler les baïonnettes

1 Relation de la bataille de Villaviciosa, publiée par Stahremberg. Lamberty, t, VI, p. 170.

2 Lettre de Philippe V à Louis XIV. Mémoires de Noailles.

de Stahremberg, qui tient de la sorte jusqu'au soir. Alors seulement il se retire derrière un bois, situé près du champ de bataille, encloue ses canons, brûle ses bagages, et le matin, à la faveur d'un brouillard, il continue sa route. Après s'être arrêté quelques heures à Daroca, pour rallier ses troupes, il se replie sur Saragosse. Les vainqueurs couchèrent sur la neige, au milieu des morts, Vendôme défendit à ses soldats de s'écarter et de piller, dans l'espoir de recommencer l'attaque au point du jour. Ramassant une poignée d'étendards autrichiens, il les jeta aux pieds de Philippe V, disant qu'il allait lui faire le plus beau lit sur lequel ait jamais couché un roi. Tous deux s'endormirent dans leurs manteaux, au milieu des escadrons rangés en bataille et prêts à combattre le lendemain 1.

Le lendemain, ils cherchèrent vainement Stahremberg. Vendôme, qui voulait le poursuivre, dut s'arrêter faute de pain 2. Il lança du moins sur sa trace les infatigables guerillas Bracamonte et Vallejo, qui lui enlevèrent ses équipages, où se trouvaient les riches dépouilles des églises espagnoles, et lui tuèrent

1 Archives de la Guerre, vol. 2253, nos 267 et 277: Lettre de Vendôme à M. Voysin, ministre de la guerre, 11 décembre 1710; lettre de Mahony à Voysin. Vol. 2258, no 113: Relation de la bataille par le marquis de Trivié.

2. Les ennemis se retirent avec la dernière précipitation et ne s'arrêtent nulle part.... C'est grand dommage que nos vivres nous retiennent ici. J'espère pourtant que nous serons en état de marcher pour gagner Daroca. Je voudrois bien que nous fussions assez heureux pour y trouver Stabremberg: nous lui ferions la même cérémonie que nous avons faite à Stanhope à Brihuega. » Lettre de Vendôme. Archives de la Guerre, vol. 2253, no 288.

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encore deux mille soldats. Vallejo sabrá les Impériaux jusque dans les faubourgs de Saragosse. Mais cette fois encore, Stahremberg arrache sa petite armée aux Espagnols: il traverse Saragosse, se jette dans les montagnes de l'Aragon et rejoint l'archiduc à Barcelone. Des trente mille hommes entrés à Madrid, il ramenait cinq mille soldats déguenillés et couverts de boue, mais il rapportait ses armes et il avait sauvé l'honneur de ses drapeaux. Vendôme entra après lui en Catalogne, où les Français reprirent Girone, ne laissant plus que Tarragone et Barcelone au pouvoir de Charles III. Vendôme pressait Philippe V d'y mettre le siége et de reprendre ainsi toute l'Espagne, mais l'indécision du roi laissa aux Autrichiens le temps de se remettre, et ils gardèrent Barcelone, les Pyrénées et la mer.

Ainsi dans le Nord et sur le Rhin, dans les Alpes et dans les Pyrénées, nos généraux répondaient aux insultes de Gertruydemberg par des victoires; les Espagnols proclamaient Vendôme le restaurateur de la monarchie 2, et cette année, commencée dans le deuil, s'achevait dans les réjouissances, au bruit des Te Deum et du canon. A Versailles, les ennemis de Vendôme, qui répétaient au moment de son départ

1 « Son armée se trouva réduite à cinq ou six mille hommes de pied ou de cheval, quand il rentra en Catalogne.» Mémoires de Berwick, p. 415.

2 Saint-Philippe, t. il, p. 437. — « On dit que la joie et les transports (à Madrid) ont été jusqu'à trouver M. de Vendôme plus beau que Cupidon, et qu'ils lui donnent ce nom-là. » Correspondance de madame de Maintenon et de madame des Ursins, t. II, p. 128.

qu'il était usé depuis sa dernière campagne de Flandre, reconnaissaient eux-mêmes ses succès, tandis que ses nombreux amis, les libertins, les jeunes gens et les officiers exagéraient ses avantages. Paris, la cour, les provinces, oubliaient maintenant ses fautes passées et le célébraient comme un triomphateur et un héros 3.

La Providence, en effet, semblait combattre pour le bon droit, et, après tant de revers, la fortune était enfin changée sur les champs de bataille. Elle allait bientôt changer dans les négociations. Les victoires de Vendôme, en affermissant Philippe V, facilitaient le partage de la succession d'Espagne, vainement offert par Louis XIV à Gertruydemberg, et servaient dans toute l'Europe les partis et les hommes d'État qui désiraient la fin de cette longue guerre. C'est ainsi qu'elles aidèrent à Londres une révolution déjà commencée, qui renversait le parti militaire, rapprochait la reine Anne de Louis XIV, et préparait la paix du monde.

1 Mémoires de Noailles.

2 Saint-Philippe, t. IX.

3 « Vous savez combien on juge à notre cour d'après les événements. Toutes les fautes de M. de Vendôme sont oubliées. Il n'auroit aucun mérite s'il étoit malheureux.... Paris et la cour sont dans la joie." Lettres de madame de Maintenon; t. III, p. 233. 27 décembre 1710.

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