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l'Angleterre. Après les conférences de Gertruydemberg, il était certain que Louis XIV accorderait à celle des puissances alliées qui lui assurerait une paix définitive, les concessions les plus avantageuses. Il les avait offertes à la Hollande, qui l'avait si cruellement humilié; il les offrirait plus volontiers à l'Angleterre. Dans l'intérêt de leur parti, de leur souveraine et de leur patrie 1, les ministres anglais tendirent donc les mains à la France.

Plusieurs obstacles, toutefois, retardaient une pacification. Depuis la guerre, Louis XIV n'avait plus de représentant en Angleterre, et il était difficile d'entamer avec lui des pourparlers. Une autre difficulté plus sérieuse était la loi qui défendait, sous peine de mort, de traiter avec un prince ayant le prétendant dans ses Etats or le chevalier de Saint-George était en France, et en négociant avec Louis XIV, les tories jouaient leur tête. Les passions politiques étaient alors déchaînées dans le Parlement et dans la presse. Les whigs, furieux de leur défaite, poursuivaient à grands cris la guerre et surveillaient les moindres démarches des ministres, pour les dénoncer devant le pays et les accuser de haute trahison. Le seul envoi d'un Anglais à Versailles eût donné l'éveil. Il fallait trouver un agent obscur dont le départ passât inaperçu.

Cet homme se rencontra. Parmi les rares Français demeurés à Londres était un prêtre nommé Gautier,

1 Mémoires secrets de Brolingbroke.

ancien aumônier du maréchal de Tallard pendant sa captivité en Angleterre, et devenu ensuite chapelain de la comtesse de Jersey, femme de l'un des nouveaux ministres. L'abbé Gautier avait conservé en même temps des rapports avec M. de Torcy et lui adressait de secrets mémoires sur les affaires de la Grande-Bretagne. Il était adroit, discret, modeste'; le comte de Jersey le présenta à ses collègues comme le personnage le plus propre à envoyer à Versailles. Les autres ministres l'agréèrent, et, lui recommandant le plus profond secret, le chargèrent de dire à M. de Torcy que la reine était prête à lui fournir les moyens de conclure la paix, si Louis XIV la voulait encore. Les tories ne doutaient pas de la réponse, mais ils ne voulaient point se compromettre par un écrit. Gautier partit sans un billet, sans une ligne, avec ce simple. mandat verbal. Il débarqua à Nieuport, traversa la Belgique avec un passe-port anglais et arriva à Paris sous un faux nom. Il descendit rue Saint-Honoré, chez les pères de l'Oratoire, dont il était personnellement connu, et, portant la paix ou la guerre sous les humbles habits d'un voyageur, il se rendit à Versailles.

1 Mémoires de Torcy.

CHAPITRE VIII.

(1711.)

Son

Continuation des hostilités.-Campagnes de 1711.-Mort de l'empereur Joseph ler.-Marche des Autrichiens et des Français sur Francfort.Election de l'archiduc Charles à l'Empire, sous le nom de Charles VI. - Capitulation de Bouchain. — Mauvaise foi de Marlborough. retour à Londres.-Froid accueil des ministres et de la population.— Ralentissement des hostilités en Alsace,- en Piémont,- en Espagne. -Expédition et mort du capitaine Duclerc à Rio-Janeiro. — Cruelle captivité de ses soldats.-Expédition de Duguay-Trouin pour les délivrer. Sa naissance.-Sa vie.-Ses aventures.-Sa captivité en Angleterre. Son arrivée devant Rio.-Force de cette ville.-Occupation de son port et débarquement des Français.-Siége et bombardement de Rio. Fuite de la garnison dans les terres.-Marche audacieuse de Duguay-Trouin à sa poursuite. Traité avec les Portugaís.-Rançon imposée à Rio.- Délivrance des soldats de Duclerc.- Retour de Duguay-Trouin en France.-Conséquences et retentissement de cette expédition.

Pendant les négociations que nous venons de raconter, et malgré la signature des préliminaires, les hostilités n'étaient pas interrompues. La guerre continuait sur toutes les frontières, en Flandre et en Allemagne, dans les Alpes et dans les Pyrénées. Il faut le dire, toutefois, la fougue militaire des années précédentes s'était ralentie. La coalition était épuisée comme la France, et les souverains, hésitant, n'engageaient leurs soldats que pour obtenir des avantages plus considérables. La chute des whigs,

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l'imminente défection de l'Angleterre, d'autres événements que nous allons faire connaître et qui venaient de s'accomplir, présageaient une prochaine révolution dans les affaires de l'Europe. Le temps approchait où les négociations, déjà mêlées aux batailles, les remplaceraient complétement. Le rôle des diplomates était commencé; quelques mois encore, et celui des hommes de guerre allait finir.

En attendant, dès les premiers jours de 1711, la guerre avait repris dans les Pays-Bas. Villars avec quatre-vingt mille soldats y gardait ses nouvelles lignes, qui couvraient Arras, Bouchain et Valenciennes, devant Eugène et Marlborough, qui commandaient cent trente mille soldats; et, selon toutes les prévisions, la Flandre allait être le théâtre d'une bataille sanglante, lorsque l'empereur Joseph I« mourut à la fleur de l'âge 1, laissant toutes les couronnes autrichiennes à son frère, l'archiduc Charles, proclamé roi d'Espagne à Vienne sous le nom de Charles III, et qui, déjà maître de la Catalogne, disputait le reste de l'Espagne à Philippe V depuis huit années.

Cet événement inattendu porte les efforts des alliés sur le Rhin. L'Autriche enjoint au prince Eugène de se rendre en Allemagne avec trente mille hommes et de veiller à l'élection de l'archiduc à l'Empire. De son côté, Louis XIV envoie vingt mille hommes de l'armée du Nord au maréchal d'Harcourt, qui com

4 17 avril 1711.

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