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CHAPITRE XI.

(1712.)

Arrivée des ambassadeurs à Utrecht. - Règlements et ouverture solennelle du congrès. Propositions nouvelles de la France, soutenues par l'Angleterre. Surprise et colère des ambassadeurs des autres puissances alliées, qui reproduisent leurs anciennes demandes.Leur prétention de traiter par écrit. Interruption des conférences. - Mort soudaine du Dauphin, de la duchesse de Bourgogne,

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du duc de Bourgogne, - du duc de Bretagne. Révolution produite à Versailles par ces morts. Sourdes rumeurs. Accusations

d'empoisonnement dirigées contre le duc d'Orléans.

Il est deux fois insulté à Versailles par le peuple. Funérailles du duc et de la duchesse de Bourgogne. Attroupements dans la rue Saint-Honoré.

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- Vociférations de la foule contre le duc d'Orléans. Désespoir du prince. - Il demande vainement à Louis XIV de le laisser entrer à la Bastille. Sa misérable situation à la cour. Belle conduite de Saint-Simon à son égard.

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La défaite et la soumission des Magyares n'avaient eu, il faut le reconnaître avec regret, qu'un faible retentissement à Utrecht. L'Angleterre et la France détournaient les yeux de la Hongrie. Loin d'écouter les supplications de Ragoczi et de soutenir cette lutte lointaine, elles réunissaient tous leurs efforts pour terminer la guerre de la succession d'Espagne, et donner enfin la paix à l'Europe. Le temps avait marché, et, en dépit des efforts combinés des whigs, des Hollandais et des Autrichiens, cette paix si désirée

par Louis XIV et la reine Anne approchait de sa conclusion. La mort de Joseph Ier, laissant l'Empire et toutes les couronnes autrichiennes à son frère l'archiduc Charles, qui revendiquait encore l'Espagne, la Belgique, les Indes et les Deux-Siciles, avait puissamment servi les intérêts de Louis XIV. La GrandeAlliance, qui combattait, disait-elle, pour l'équilibre européen, n'avait plus alors de raison d'être. Si elle continuait la guerre, et faisait attribuer au nouvel empereur tout l'héritage de Charles II, elle édifiait une nouvelle maison d'Autriche, bien plus redoutable que la France, et, pour affaiblir Louis XIV, elle ressuscitait Charles-Quint. Sans les haines et l'ambition des souverains, nul doute que la mort de Joseph I n'eût précipité les négociations qui allaient s'ouvrir à Utrecht; mais les hommes écoutent souvent moins leurs intérêts que leurs passions, et le sang allait couler encore.

Louis XIV envoya à Utrecht les mêmes ambassadeurs qu'à Gertruydemberg: l'abbé de Polignac et le maréchal d'Huxelles, en leur adjoignant Ménager, dont la science commerciale devait de nouveau servir. La reine Anne y envoya le colonel Strafford, qui apportait dans les négociations la franchise et la rudesse des camps, et l'évêque de Bristol, Robinson, vieilli dans les cours du Nord, où il avait résidé pendant trente ans, dont la douceur devait modérer la fougueuse impatience de son collègue. En arrivant à Utrecht, les Anglais et les Français y trouvèrent les ambassadeurs du Piémont, MM. de Maffei et Mella

ride, et quatre députés des Provinces-Unies, parmi lesquels Buys et Van der Dussen1. Comme ils avaient hâte de traiter, ils firent décider l'ouverture du congrès, malgré l'absence des autres plénipotentiaires. Après de mutuelles visites, les ambassadeurs présents à Utrecht choisirent l'hôtel de ville pour siége des conférences, et prirent en même temps les mesures nécessaires pour prévenir les rixes entre les domestiques et les disputes d'étiquette entre les maîtres. On porta dans la salle du congrès une vaste table ronde et deux foyers de cuivre, afin de supprimer les places du bout de la table et de la cheminée, dites de préséance, et on fixa l'ouverture du congrès au 29 janvier 1712.

Le jour indiqué, à dix heures du matin, tous les ambassadeurs arrivés à Utrecht se rendirent solennellement ensemble à l'hôtel de ville 2. Chacun d'eux était dans un carrosse à deux chevaux, couvert de son plus riche costume, de ses insignes et de ses ordres. Ils traversèrent une haie de troupes hollandaises et entrèrent dans l'hôtel de ville au bruit des tambours. Les ministres de France et d'Angleterre échangèrent en arrivant un salut amical, puis tous s'assirent autour de la table, et la séance conımença. Portant le manteau violet, la robe de velours noir des évêques anglicans, ayant au cou la chaîne d'or, d'où pendaient, sous la couronne royale, deux plumes

8 19 janvier 1712.

2 Cet ancien hôtel de ville d'Utrecht est aujourd'hui converti en ca

serne.

d'or, insignes de sa charge de secrétaire de la Jarretière, Robinson prit la parole, en raison de son âge et de son caractère, et, s'adressant aux ambassadeurs de Louis XIV, il dit qu'il venait au nom de Dieu s'unir à eux pour donner la paix à l'Europe; qu'il avait, ainsi que ses collègues, les pouvoirs les plus étendus et les intentions les plus pacifiques, et qu'il espérait que les Français arrivaient avec les mêmes pouvoirs et de pareils sentiments. Le maréchal d'Huxelles répondit en peu de mots que le plus vif désir de son maître était d'arriver à une prompte conclusion de la paix. L'abbé de Polignac prit ensuite la parole', et, dans un langage élevé et éloquent, il prit le ciel à témoin de la loyauté de Louis XIV, de son désir de satisfaire les légitimes prétentions des alliés et de finir les calamités d'une longue guerre. Polignac plaçait le congrès sous la protection de Dieu, et lui donnait comme la majesté d'un concile pacifique chargé de séparer les armées et de juger les nations. Après ce discours, les ambassadeurs se communiquèrent leurs pouvoirs, et il fut convenu que les conférences auraient lieu deux fois par semaine. Les jours suivants, les autres députés des ProvincesUnies, les ambassadeurs de Prusse, de Portugal et des princes de l'Empire arrivèrent à Utrecht. Tous les souverains de l'Europe, ceux mêmes qui n'avaient point pris part à la guerre, y envoyèrent des représentants. Après de longues hésitations, et sur la déclaration expresse des Anglais que les préliminaires de Londres n'obligeaient en rien les alliés, l'empe

reur Charles VI envoya, lui aussi, deux ministres 1. En quelques jours, quatre-vingts plénipotentiaires se trouvèrent réunis. C'étaient tous les princes de la diplomatie, vieillards rompus aux affaires, au manége des cours, et redoutables par leur mérite, leur savoir et leur nombre même. Pour lutter contre eux tous, les Français n'étaient que trois. Nos diplomates dans les négociations, comme nos généraux sur les champs de bataille, rencontraient l'écrasante supériorité du nombre.

Les conférences s'ouvrirent le surlendemain de l'arrivée des Autrichiens, venus les derniers. Dès les premiers mots, les alliés demandèrent aux ministres de Louis XIV de leur faire connaître les propositions de leur maître. Les Français y consentirent, et lurent un mémoire dans lequel Louis XIV faisait successivement la part de tous les souverains de la GrandeAlliance. A l'Angleterre, il accordait les conditions déjà énoncées lors de la signature des préliminaires de Londres; à la Hollande, son ancienne barrière, un traité de commerce plus favorable, le rétablissement de ses priviléges en Espagne et en Amérique, comme avant la guerre ; à la Prusse, la reconnaissance de sa jeune royauté et la principauté de Neuchâtel, qu'elle avait acquise en 1707; à l'Empire, toutes les places de la rive allemande et la démolition de Huningue et de Neuf-Brisach, sur la rive française ; au Piémont, comme à la Prusse, la reconnaissance de sa royauté,

19 février 1712.

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