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(1708.)

Louis XIV prend l'offensive en Belgique. — Prise de Bruges et de Gand par les Français.-Coupable négligence de Vendôme au delà de l'Escaut. Bataille d'Oudenarde. — Etrange inaction du duc de Bourgogne à l'aile gauche.—Perte de la bataille.—Vifs reproches de Vendôme au duc de Bourgogne.-Retraite des Français. - Siége de Lille par les allies.-Discorde dans l'armée française. — Les Bourguignons et les Vendômistes. - Le duc de Bourgogne vient secourir Lille. Belle conduite de Boufflers à Lille.—Résistance désespérée des assiégés. Capitulation de Lille. Satires et chansons contre le duc de Bourgogne. Armées du Rhin et des Alpes. Guerre acharnée en Espagne.-Campagne du duc d'Orléans en Catalogne.-Siége et prise de Tortose. - Campagne du marquis d'Hasfeld dans le royaume de Valence. - Furieuse résistance des insurgés valenciens. - Terribles décrets de M. d'Hasfeld pour les réduire.-Prise d'Alcira et de Denia. -Sac de Xativa. —Siége d'Alicante.—Mort chevaleresque du gouverPrise d'Alicante et soumission du royaume de Valence. Tristes résultats de la campagne de 1708.-Les ennemis rançonnent la Flandre et l'Artois.

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Encouragé par les victoires de l'année précédente, Louis XIV prend à son tour l'offensive. Il envoie le duc de Bourgogne à l'armée du Nord, et il ordonne à Vendôme d'entrer en Belgique et de venger la déroute de Ramillies. Les alliés, de leur côté, font avancer dans les Pays-Bas leurs meilleures troupes et leurs plus habiles généraux. Le prince Eugène rejoint avec une armée allemande les Anglais, les

Hollandais et Marlborough, et la guerre, disséminée jusque-là sur les champs de bataille d'Allemagne et d'Italie, se concentre dans ces vastes plaines de Flandre, qui ont déjà englouti et qui engloutiront encore tant de bataillons.

Exécutant les ordres du roi, Vendôme passe la frontière, et, sous les yeux de Marlborough, aux acclamations des Belges, il occupe les villes de Bruges et de Gand'. Il franchit ensuite l'Escaut qui protége ses conquêtes, et marche à la rencontre de l'ennemi. Eugène et Marlborough s'avançaient en toute hâte pour reprendre les villes perdues. Vendôme, appuyé sur l'Escaut, pouvait facilement le repasser avant eux, mais, confiant dans sa fortune et son rapide génie, il négligea, suivant sa coutume, de s'informer des mouvements de l'ennemi; tout entier à ses excès habituels, il demeura immobile pendant trois jours, cherchant dans le vin et la paresse l'oubli de ses premières fatigues, et donna aux alliés le temps d'arriver avant lui sur les bords du fleuve qu'ils traversèrent à Oudenarde 2.

Ils avaient six heures d'avance, et quand les Français arrivèrent à leur tour sur le même point, pour effectuer le passage, ils purent voir sur la rive oppo

1 Juillet 1708.

2 <<< Les ennemis avoient douze lieues à faire, il n'en avoit que six : ils marchent trois jours de suite et passent l'Escaut à Oudenarde, qu'il les croit encore sur la Dendre.... Il n'a fait que manger quasi et dormir, et en effet sa santé ne lui permet pas de résister à la fatigue, et par conséquent de pourvoir aux choses nécessaires. » Mémoires de Noailles, collection Michaud et Poujoulat. T. XXXII, p. 404-405,

sée des nuages de poussière soulevés par la marche de leurs ennemis. L'illusion de Vendôme était telle qu'il s'écria d'abord que c'étaient des éclaireurs, mais l'incertitude ne fut pas de longue durée, et bientôt il distingua les drapeaux de la Hollande et de l'Angleterre. La bataille était inévitable. Vendôme fait surle-champ ses dispositions. Il enjoint au duc de Bourgogne de prendre la gauche et de charger; lui-même s'élance à cheval, et suivi de la droite il marche à l'ennemi. Cette lutte, dont les conséquences devaient être si fatales à nos armes, s'engagea près d'Oudenarde, le 11 juillet 1708.

Eugène et Marlborough, qui avaient l'avantage du temps, massent leur armée sur une hauteur protégée par des ravins et des fossés qu'ils couronnent d'une nombreuse artillerie. Les Français arrivent au pied de cette colline avec tout le désordre d'une marche précipitée. Leurs canons restent en arrière; leur cavalerie, qui forme la meilleure partie de leurs forces, s'avance gênée par les obstacles du champ de bataille, et, ce qui est plus effrayant, en face de l'ennemi, la discorde divise leurs chefs. D'un côté, avec le petit-fils de Louis XIV, les ennemis et les envieux de Vendôme, les dévots et les partisans de la paix; de l'autre, les clients de Monseigneur, les officiers de Philippe, les libertins, les amis et les vieux compagnons de Vendôme, le parti de la guerre enfin, faction souveraine dans les camps.

Pressé par une impérieuse nécessité et excité par le péril, Vendôme forme ses colonnes, place en avant

quatre canons, les seuls qu'il ait encore à sa disposition dans ce moment critique, et, sans attendre le duc de Bourgogne, il commence l'attaque avec l'aile droite. La présence de leur père Vendôme enivre les soldats. Sous le feu, au milieu des haies et des fossés, ils escaladent la hauteur couverte de bataillons ennemis, et une mêlée terrible s'engage à l'arme blanche. Les Français chargent avec furie, mais les alliés résistent à leurs assauts, et les deux armées avancent et reculent tour à tour sans avantage décisif.

Tandis que Vendôme payait ainsi de sa personne, la gauche et le duc de Bourgogne, au mépris d'un ordre formel, restaient en ligne de bataille. Surpris de cette inaction, Vendôme dépêche au prince un aide de camp pour lui renouveler ses injonctions; mais alors éclate l'odieuse rivalité des partis. Au lieu d'obéir, les officiers du duc de Bourgogne lui représentent qu'il est impossible de franchir un ruisseau placé devant eux, et déclarent que le seul parti à prendre est de se retrancher. Le duc de Bourgogne résiste d'abord à ces perfides conseils :

Que dira M. de Vendôme, répond-il, quand il saura que je me retranche au lieu de charger 1 ?» Mais ses officiers insistent; le prince, qui n'est point général, finit par céder, et, pendant six heures, tandis que Vendôme lutte avec désespoir contre des forces triples des siennes, les trente mille hommes de la

1 Archives de la Guerre, vol. 2081, no 170. 19 juillet 1708. Lettre de Vendôme au roi. Pelet, t. VIII.

gauche restent l'arme au bras et regardent curieusement mourir leurs compagnons 1.

1.

Marlborough, ne sachant à quelle cause attribuer l'inaction du duc de Bourgogne, resta d'abord indécis, mais voyant qu'elle se prolongeait, il détacha vingt bataillons de sa droite, placée en face du prince, où ils étaient désormais inutiles, et les lança sur les flancs de Vendôme. Attaqués de front et de côté, au milieu des fossés et des haies, sans voir, sans entendre leur général, les Français combattent en désordre, mais de pied ferme. Leur cavalerie, qui souffrait le plus des inégalités du terrain, fournit les charges les plus brillantes et les plus téméraires ; mais la lutte était trop inégale. Que pouvait la bravoure individuelle contre les savantes combinaisons des généraux alliés? Les soldats de Vendôme étaient hors d'haleine quand ils arrivèrent sous le feu de l'ennemi; ils combattaient sans ordres, sans direction, et, pour comble de malheur, les munitions vinrent à manquer. Ils ne reculèrent pas toutefois, et, pendant une heure, ils conservèrent sous la mitraille la plus étonnante impassibilité. L'issue de la bataille n'était plus douteuse : non-seulement les alliés gardaient leurs positions, mais à chaque instant ils gagnaient du terrain. La déroute était générale.

1

« Je crois que l'affaire a été commencée à propos, et que même il étoit indispensable de s'en empêcher, par les raisons que je viens de dire à Votre Majesté. Je ne pouvois deviner que cinquante bataillons et cent quatre-vingts escadrons des meilleurs de cette armée se contenteroient de nous voir combattre pendant six heures, et regarderoient cela comme on regarde l'opera des troisièmes loges. » Même dépêche.

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