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dentes, ouvrirent successivement leurs portes au maréchal. Quinze généraux et vingt mille hommes restèrent prisonniers; cent pièces de gros canon, cinquante mortiers et quatre cents milliers de poudre allèrent garnir nos arsenaux épuisés. Enfin, Eugène fut rejeté sur la frontière, où il ne put se maintenir, et bientôt après il se retira sous Bruxelles avec une armée vaincue, démoralisée et presque anéantie 1. Après la prise de Denain, Villars avait envoyé soixante drapeaux à Louis XIV. Quand il parut à Versailles, le roi l'accueillit par cette parole aussi flatteuse que méritée « Monsieur le maréchal, vous nous avez sauvés tous. » Villars fut d'autant plus sensible à cet éloge que les envieux avaient pu espérer un instant que tant de services resteraient méconnus 2.

Telle fut cette brillante campagne de Flandre. Sur le Rhin, la guerre languissait comme l'année précédente, mais non sans avantage pour la France. Le duc de Wurtemberg traversait le Rhin avec l'armée allemande, canonnait pendant deux journées les lignes de Weissembourg, puis repassait le fleuve après cette infructueuse tentative 3. Dans les Alpes, le duc de Savoie, qui songeait de plus en plus à se rapprocher des puissances occidentales, résistait aux instances de l'Autriche et refusait de se mettre à la tête de ses soldats. Enhardi par son inaction, Berwick

Lettres de madame de Maintenon à madame des Ursins, t. II, p. 322323.

1 Octobre 1712.

2 Mém. de Villars, p. 217.

3 Août 1712.

passa les montagnes, leva des contributions en Italie, et ne se retira que devant Victor-Amédée, qui arrivait enfin pour le combattre 1.

En Espagne, Vendôme faisait ses préparatifs pour reprendre aux Autrichiens leurs dernières places: Tarragone et Barcelone. En attendant l'ouverture de la campagne, il s'était arrêté à Vignaroz, sur les bords de la Méditerranée, dans un des sites les plus heureux de la Péninsule, où il s'oubliait dans les plaisirs de la table, lorsqu'il tomba sérieusement malade, et en quelques jours il fut à l'extrémité. A la vue de son état, les misérables qui l'entouraient pillent ses vêtements, ses meubles, et fuient en emportant leur proie. Quelques-uns s'approchent de son lit, et, sans pitié pour les supplications du moribond, arrachent ses draps et ses couvertures, et le laissent expirer sur sa paillasse 2. Déplorable fin d'un homme qui, malgré ses vices, est resté une des grandes figures du règne! Philippe V répara dignement cet outrage en faisant prendre le deuil à toute l'Espagne, et en faisant déposer à l'Escurial, près des tombeaux des rois, le corps du grand capitaine.

Vendôme emportait dans la tombe les secrets de la campagne. Les Autrichiens reprirent aussitôt l'offensive. Stahremberg marcha sur Girone, occupée par une garnison française, la resserra étroitement

1 Octobre 1712.

2 Le 10 juin 1712. Voy. Saint-Simon, t. 10, p. 314-315. — Vendôme avait épousé, en 1710, Marie-Anne de Bourbon-Condé, sœur de la duchesse du Maine.

pendant neuf mois, et réduisit les assiégés à la plus affreuse famine. Ils allaient se rendre, quand Louis XIV envoya Berwick à leur secours avec l'armée des Alpes. Berwick traversa le Languedoc, franchit les Pyrénées, culbuta les Catalans et les Autrichiens et ravitailla Girone, dont les défenseurs étaient pâles de faim'. Stahremberg rentra dans Barcelone pour n'en plus sortir. L'Angleterre, en vertu de la trêve, lui retira ses bataillons et ses subsides, et il ne garda plus que les Catalans et quelques milliers d'Autrichiens, d'Allemands et de Hollandais à la solde de la Grande-Alliance. A l'autre extrémité de l'Espagne, en Estramadure, le roi de Portugal Jean V, à l'exemple de Victor-Amédée, se rapprochait secrètement de Louis XIV. Il rappelait ses armées, signait une suspension d'armes avec Philippe V, et envoyait à son ambassadeur à Utrecht l'ordre de débattre les conditions d'une paix définitive.

Ainsi finit l'année 1712. La France était partout triomphante. Sur le Rhin, le duc d'Harcourt repoussait les Allemands au delà du fleuve; dans les Alpes, Berwick envahissait l'Italie; puis, rappelé en Espagne, il remplaçait Vendôme et renfermait Stahremberg dans Barcelone; en Flandre, Villars battait Albemarle, ruinait l'armée d'Eugène, reprenait la moitié des places perdues, et, vengeant l'honneur de nos soldats, il envoyait à Versailles soixante drapeaux arrachés à l'Autriche et à la Hollande. La vue

1 4 janvier 1713. Archives de la guerre, vol. 2358, 2404, 2405, 2406, 2407.

de ces trophées, qui rappelaient sa jeunesse, réjouit le cœur attristé du vieux roi. Il entrevit dès lors le terme de cette longue guerre, qui avait épuisé la France et ébranlé son trône. Déjà l'Angleterre, le Piémont, le Portugal, posaient les armes. L'épée de Villars avait tranché le noeud des négociations. Louis XIV pouvait maintenant traiter avec honneur, au bruit du canon de ses armées. Après de si épouvantables revers, ces succès parurent si merveilleux que le peuple les attribua à l'intercession du duc de Bourgogne auprès de celui qui donne les victoires et protége les nations 1.

1 a Tout Paris veut que la révolution de nos affaires en Flandre soit un effet de la protection de M. le Dauphin, tant on y est persuadé de sa sainteté. » Lettres de madame de Maintenon, édit. Auger, t. II, p. 316.

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