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de sa royauté, la principauté de Neuchâtel, qu'il avait acquise pendant la guerre, la province espaguole de Gueldre, contiguë au duché prussien de Clèves, et comprenant Gueldre, Ruremonde et Vanloo. Les puissances occidentales consentaient à reconnaître ses droits à la couronne et ses prétentions sur la principauté de Neuchâtel; mais elles lui refusaient la Gueldre. La Hollande convoitait ardemment cette province, enclavée dans son territoire, et les États-Généraux avaient obtenu du ministère whig un traité secret, signé le 29 octobre 1709, qui lui en assurait la possession. Il était dès lors très-difficile de l'ôter à la République pour la donner au roi de Prusse. Les tories prirent un terme moyen: exaspérés par les whigs, dont les attaques continuaient dans les deux chambres, ils désavouèrent la convention de 1709, en déclarant aux Communes que ceux qui l'avaient signée étaient les ennemis de la paix et de la reine, et offrirent ensuite à Frédéric ler, s'il voulait quitter la coalition, la possession de la Gueldre, sauf Ruremonde et Vanloo, qu'ils réservèrent à la Hollande. Après quelques difficultés, le roi de Prusse se décida à accepter, conclut une trêve avec la France et rappela ses troupes des Pays-Bas 1. Ainsi se poursuivait peu à peu la dissolution de la Grande-Alliance; de sept peuples unis contre nous, trois seulement conservaient leurs armes: l'Autriche, l'Allemagne et la Hollande.

1 Décembre 1712.

Mais la Hollande elle-même était ébranlée : son trésor était épuisé, son armée en partie détruite, son commerce anéanti. Dans l'impuissance de supporter seule le fardeau de la guerre, elle se décida enfin à traiter, et, au mois de décembre 1712, elle pria la reine Aune, à laquelle Louis XIV témoignait les plus grands égards, de s'entremettre en sa faveur. Le roi, qui n'avait pas oublié les humiliations de Gertruydemberg et les récentes insultes de Rechteren, repoussa toute ouverture avant d'avoir reçu satisfaction des violences commises envers Ménager. Les Hollandais offrirent de désavouer Rechteren dans un Mémoire; mais Louis XIV exigea une réparation plus éclatante, et les États-Généraux durent céder. Dans un dîner d'apparat, chez le maréchal d'Huxelles, où se trouvaient Ménager et la plupart des ambassadeurs présents à Utrecht, les députés hollandais déclarèrent que la République blâmait la conduite de Rechteren, et que, pour en donner une preuve manifeste, elle révoquait sa commission au congrès. Rechteren fut en effet rappelé d'Utrecht et remplacé par un autre plénipotentiaire 1. A cette condition, les conférences recommencèrent entre les ambassadeurs de France et les députés des États-Généraux.

Les anciennes difficultés déjà soulevées à Gertruydemberg et à La Haye reparurent alors. La première était cette délicate question des places belges, que la République réclamait pour y mettre garnison et

1 29 janvier 1713.

s'en servir de barrière contre la France. Découvrant une ambition longtemps cachée au fond de leurs cœurs, les Hollandais demandèrent, non plus l'occupation, mais la propriété de ces villes'. L'Angleterre, la France et l'Autriche, déjà souveraine des PaysBas, ayant rejeté cette prétention d'une voix unanime, les Hollandais réclamèrent du moins, pour fortifier leur barrière, Tournai, Lille et Béthune, en un mot, les villes prises par les alliés dans les dernières campagnes de Flandre. C'était ouvrir notre frontière du Nord, la plus faible et la plus menacée du royaume. Louis XIV refusa. Après des conférences, qui durèrent plusieurs semaines, les États-Généraux renoncèrent à Lille, mais ils réclamèrent Tournai, qui relevait de nos rois depuis les premiers temps de la monarchie, et en outre les priviléges commerciaux accordés aux Français en Espagne, l'exemption du droit de cinquante sous par tonneau établi sur les vaisseaux étrangers, pour protéger notre marine marchande; le rétablissement du tarif modéré de 1664 et l'abolition du tarif de 1699, plus favorable à la France.

Louis XIV fit les plus larges concessions : il promit à la Hollande tous les priviléges commerciaux accordés à ses sujets en Espagne, l'exemption du droit de cinquante sous, le tarif même de 1664, à Ja seule condition de maintenir les droits existants sur quatre classes de marchandises: les sucres, les draps, les baleines et les salaisons, pour lesquelles la con

1 Continuation de Rapin-Thoyras, t. XII, p. 606.

currence des Hollandais était ruineuse. La pêche et surtout celle du hareng étant souvent la plus féconde de leurs richesses', les États-Généraux insistèrent sur la libre entrée de leurs salaisons. D'un autre côté, la France, qui sacrifiait déjà sa marine marchande, ne pouvait sacrifier encore son commerce; les ÉtatsGénéraux, s'obstinant dans leurs prétentions, Louis XIV ne voulut céder ni Tournai, ni le tarif entier de 1699.

L'Angleterre intervint de nouveau dans l'intérêt de la paix, si vivement désirée par la reine et ses ministres; une réaction manifeste s'accomplissait à Londres en faveur de la Hollande, ancienne alliée, sœur politique et religieuse de la Grande-Bretagne : la reine était à l'extrémité, sa mort rappelait les whigs et rompait toutes les conventions établies depuis deux ans; Harley et Bolingbroke représentèrent à Louis XIV les dangers d'un plus long retard et le prièrent d'épuiser sur-le-champ la mesure des concessions qu'il pouvait faire. Ils écrivirent en même temps aux États-Généraux de tenir compte de la générosité des Français et d'accepter le tarif de 1699, avec les exceptions invoquées par Louis XIV, rendues nécessaires par l'état de l'industrie française. Excités à la lutte par l'Autriche, soutenus en Angleterre par les whigs et l'opinion, les Hollandais répondirent que les quatre exceptions au tarif frappaient les branches

1 Suivant le comte d'Avaux, ambassadeur de France à La Haye, soixante mille personnes en Hollande vivaient de la pêche du hareng. Suivant les Mémoires de Jean de Witt, cinq cent mille personnes vivaient de la grande pêche (morue, baleine, etc.).

les plus considérables de leur commerce, et ils écrivirent à la reine une lettre désolée, la suppliant publiquement de prendre leur défense 1. Louis XIV offrit alors l'abandon du tarif entier de 1699, à la condition de garder Tournai; les États-Généraux refusèrent encore, sous ce spécieux prétexte, qu'ils ne pouvaient se passer de la terre grasse de Tournai pour la fabrication de leurs faïences.

Cette avidité des Provinces-Unies rangea de notre côté l'Angleterre, déjà jalouse de l'extension des Hollandais en Belgique et sur les frontières de France. Le colonel Strafford somma brusquement les ÉtatsGénéraux de se prononcer dans le plus bref délai. L'évêque de Bristol ajouta, avec une froide politesse, que le congrès durait depuis plus de quatorze mois, qu'un plus long retard compromettait la paix du monde, et que si les hésitations de la République continuaient, il avait l'ordre de signer seul et sur-lechamp la paix avec la France. Cette menace décida les Hollandais. Ils gardèrent Tournai, le tarif de 1664, mais Louis XIV maintint les quatre exceptions sur les marchandises, en promettant toutefois des adoucissements sur l'entrée des harengs dans le royaume2.

Toutes les conditions de la paix générale étant ainsi réglées, sur le refus de l'Allemagne et de l'Autriche d'y prendre part, les ambassadeurs réunis à Utrecht rédigèrent les traités et y apposèrent leurs signatures. Les Anglais signèrent les premiers, les

1 28 février 1713.

Lamberty, t. VIII, p. 53.

III.

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