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chinoise avec celle des peuples de l'Occident 1. D'Argenson le fit mettre à la Bastille, où il resta pendant six mois 2.

Tant de persécutions, qui rappelaient les plus mauvais temps des plus mauvais rois, jetèrent un voile de deuil sur les derniers jours de Louis XIV. Elles le montraient agenouillé devant un moine, humiliant dans sa personne la royauté et la patrie, et soulevèrent contre lui les plus implacables des haines: les haines religieuses. La France lui avait pardonné ses amours et son luxe, ses dépenses et ses guerres, la banqueroute et la famine, elle ne lui pardonna point cette tyrannie. Bâillonnée et espionnée par les jésuites, l'opinion se vengea par des écrits. Le nombre prodigieux de satires composées à cette époque contre le roi, madame de Maintenon et le P. Letellier, témoigne hautement de l'impopularité du règne. Les mécontents ne raillent plus, ils déchirent. Ils demandent à grands cris la délivrance, c'est-à-dire la mort du roi et le supplice du confesseur. La haine descend jusque dans les dernières classes de la nation. On répète que Louis XIV porte des reliques, qu'il est affilié aux jésuites, qu'il a prononcé leur qua

1 Il composa à la Bastille une grammaire chinoise, et sa famille eut plus tard beaucoup de peine à le faire renoncer à son voyage.

* Arrêté le 26 décembre 1714, il sortit le 28 juin 1715. Voy. sur Fréret, Biographie universelle, art. FRÉRET, et le savant examen critique des ouvrages composés par Fréret, de M. le baron Walckenaër.

3. Voy. notamment une chanson du Recueil Maurepas, t. XIII, p. 123. Pour les nombreuses satires composées à cette époque, voy. Recueil Maurepas, t. XIII, p. 69 et suiv. L'une de ces chansons du Recueil Maurepas, t. XIII, p. 143, est véritablement éloquente. Voici une pièce composée

trième vœu, et le peuple, qui juge d'après les faits, accueille avidement ces accusations. Cette exaspération des esprits nous explique la railleuse indifférence de la foule aux funérailles de Louis XIV. Quand le peuple accourut sur les chemins, buvant et chantant devant le cercueil, il ne voyait plus en Louis XIV son roi, mais un jésuite.

en forme d'épitaphe contre le P. Letellier, qu'on appelait le R. P. Tricorne. Nous la citons parce qu'elle est courte et montre les colères du temps (1715):

Cy git Letellier, d'exécrable mémoire.

En deux mots voici son histoire:

Il fut un fourbe déloyal,

Il tourmenta l'Eglise, abatit Port-Royal,
J'admire par quelle aventure

Son corps repose en ce tombeau :

Il devroit être la pâture,

Ou d'un vautour ou d'un corbeau.

(Rec. Maurepas, t. XII, p. 115.)

CHAPITRE XVIII.

Epuisement de la France.

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(1713-1714.)

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Sombre physionomie de Versailles depuis la mort de la duchesse de Bourgogne. Lettres trouvées dans sa cassette. Tristesse et accablement du roi. Ses journées dans l'appartement de madame de Maintenon. Rappel de Villeroy à Versailles. Le duc et la duchesse de Berry. · Intrigues pour le gouvernement à la mort dants: le duc d'Orléans et le duc du Maine. de Maintenon pour le duc du Maine. - Son caractère et sa fortune.Edits de légitimation et testament de Louis XIV en faveur du duc du Maine. Longue résistance du roi. Ses plaintes amères aux mem

Mort du duc de Berry. du roi.-Deux prétenManoeuvres de madame

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bres du Parlement et à la reine d'Angleterre. Préparatifs du duc du Maine pour assurer l'exécution du testament. Ses promesses aux pairs de France. Ses intrigues dans le Parlement. - Commandement militaire attribué au maréchal de Villeroy par un codicille de Louis XIV. Appui du pape et de l'Espagne. ambitieuse de Philippe V. deur d'Espagne à Paris.

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Conduite suspecte et Ses instructions à Cellamare, ambassa

La France était comme un champ de bataille. L'aigreur des disputes religieuses, les persécutions et les haines, les plaies d'une guerre de quatorze ans, la ruine de l'agriculture et de l'industrie, la dépréciation du crédit public, tellement avili, que Desmarets ne trouvait plus à emprunter à 400 pour 100, prolongeaient, au milieu de la paix, les souffrances de la guerre, et accablaient la vieillesse du roi. Loin de calmer les passions et d'imposer silence aux par

tis, Louis XIV apportait dans ces querelles religieuses la dureté d'un fanatique, l'insouciance d'un jeune homme et l'entêtement d'un vieillard. Cette résistance opiniâtre que rencontrait la bulle Unigenitus indignait son orgueil, et il reportait sur les huguenots et sur les jansénistes cette indomptable volonté qu'il avait déployée dans ses guerres contre l'Europe, tandis que la piété, le devoir, la nécessité de transmettre à son petit-fils un royaume pacifié, commandaient la clémence et la douceur.

Louis XIV, en effet, approchait de la tombe. Il avait maintenant soixante-seize ans. Il avait vu mourir tous les grands hommes de son règne : Pascal et Molière, Turenne et Colbert, Condé et Duquesne, Lebrun et Lesueur, Puget et Louvois, La Fontaine et Racine, Bossuet1 et Boileau 2. Fénelon seul restait encore; mais, frappé dans ses plus chères affections par la mort de son disciple bien-aimé le duc de Bourgogne et de ses amis les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers, il allait bientôt les suivre dans la tombe. Avec eux le roi avait perdu sa mère, sa

1 Bossuet était mort le 12 avril 1704, en proie à un amer découragement, et prévoyant dans l'avenir Pavénement du libre examen, contre lequel il avait lutté jusque dans ses derniers jours.

2 Le 13 mai 1711.

* Le duc de Chevreuse était mort le 3 novembre 1712, et le duc de Beauvilliers le 31 août 1714. « J'ai le cœur toujours malade, écrit Fénelon à la duchesse de Beauvilliers, depuis la perte irremédiable de notre petit prince, et celle du cher duca rouvert toutes mes plaies... Les vrais amis font notre plus grande douleur et notre plus grande amertume; on seroit tenté de désirer que tous les bons amis s'entendissent pour mourir ensemble le même jour. »

Le 7 janvier 1715.

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