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1er juillet 1572, mort le 3 février 1637. A l'âge de quinze ans, il composa un poëme italien sur la Vie de saint Eustache. Plus tard quelques vers latins sur la mort d'Alexandre Farnèse lui valurent une pension de cent ducats; il s'en servit pour étudier le droit à Pérouse. Reçu docteur en 1558, il fut nommé la même année gouverneur de Tessenano, et devint podestat de Foligno; il quitta ses fonctions publiques à cause de l'affaiblissement de son ouïe. Il employa dès lors sa retraite à composer plusieurs poëmes, qui lui ont assigné un rang distingué dans la littérature italienne. C'est surtout dans le genre badin et burlesque que Lalli a excellé. On a de lui: Conclusiones in utroque jure; Pérouse, 1598; · La Moscheide, overo Domiziano Moschicide; Vicenze, 1619; Venise, 1624; Milan, 1626; Bracciano, 1640, in-12: récit très-amusant de la guerre de l'empereur Domitien contre Raspon, le roi des mouches; Montani Secessus pe. rigraphi; Foligno, 1624, in-4°; La Franceide,overo del Mal Francese, poema giocoso; Venise, 1629, in-12; Foligno, 1629; « l'auteur, dit Nicéron, a su traiter ce sujet délicat d'une manière modeste; - Il Tito, overo la Gierusalemme desolata, poema heroico; Venise, 1629; Foligno, 1635, in-12; - Opere poetiche, cioè la Franceide, la Moscheide, Gerusalemme desolata, rime giocose, rime del Pe- | trarca in stil burlesco; Milan, 1630, in-12; L'Eneide travestita; Rome, 1633 et Venise, 1635, in-12; dans cette parodie Lalli a su éviter la bouffonnerie, souvent répugnante, dans laquelle Scarron est tombé ; Rime sacre; Foligno, 1637; Egloghe et ultime poësie, premer titre suivi de ce second: Poesie nuova, volume postumo, cioè: L'Egloghe di Virgilio tradotte; Epistole giocose; Rime del Petrarca trasformate; Sonnetti gravi e Centone; La Vita dell' autore; Rome, 1638, in-12; recueil publié par le fils de Lalli, Jean Lalli, qui y a inséré plusieurs pièces de poésie. Enfin, Lalli a aussi publié, au dire de Jacobilli, un ouvrage de droit intitulé: Viridarium practicabilium materiarum in utroque jure, ordine alphabetico concinuatum. E. G.

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Vita di Lalli (à la fin des Poësie nuove de Lalli). Rossi, Pinacotheca, pars I. - Glorie de gli incogniti di Venetia; Venise, 1647, in-4°, p. 222. - L. Jacobilli, Bibl. Umbriæ. - Nicéron, Mémoires, t. XXXIII. — Tiraboschi, Storia della Letter. Ital., t. VIII.

LALLY (Thomas-Arthur, baron DE TOLLENDAL, comte DE), lieutenant général et gouverneur des Indes françaises, né à Romans (Dauphiné), en janvier 1702, décapité à Paris, le 9 mai 1766. Sa famille était une des plus nobles d'Irlande; ses ancêtres jusqu'en 1541 portèrent le titre de chieftain; ils émigrèrent à la suite des Stuarts. Son père, sir Gerard Lally, commandait le régiment irlandais au service de France dont son oncle, le général Dillon (voy. ce nom), était propriétaire. L'éducation du jeune Lally fut essentiellement militaire; pendant le temps de ses

vacances, il rejoignait son père aux armées; dès l'âge de huit ans il assistait avec lui au siége de Girone, et à douze ans il montait, comme capitaine, sa première garde de tranchée devant Barcelone. Cependant la mort du régent, son protecteur, ralentit un peu son avancement, et en 1732 il n'était encore qu'aide major. Sa brillante conduite au siége de Kehl (1733), et à celui de Philisbourg, où il sauva la vie à son père, lui valut le grade de major. La guerre terminée, Lally, qui souffrait impatiemment l'oisiveté, rêva le rétablissement de Jacques III sur le trône anglais. Après avoir été en Angleterre nouer des relations favorables à son projet, il voulat intéresser les cours du Nord à la restauration des Stuarts, sous le prétexte d'aller servir dans l'armée russe, que commandait alors son oncle, le général Lascy. Il se disposait à partir lorsque le cardinal de Fleury le chargea d'une mission secrète pour l'impératrice de Russie. Il fut fort bien accueilli à Saint-Pétersbourg, mais ne tarda pas à se convaincre que la cour moscovite était peu disposée à appuyer Jacques III, et même à s'allier intimement avec la France. Ce mauvais résultat fut peut-être dû à l'indécision habituelle du cardinal, qui laissait son agent sans instructions précises. D'un caractère bouillant et incapable de rester dans une fausse position, Lally quitta brusquement Saint-Pétersbourg, et vint reprocher au ministre français son silence compromettant. « J'ai cru entrer en Russie comme un lion, lui dit-il, et grâce à vous je me regarde heureux d'en être sorti comme un renard. >> Fleury, déconcerté, s'excusa de son mieux, promit d'examiner deux mémoires que lui avait remis Lally sur la question de l'union des deux plus grandes puissances européennes ; mais il mourut avant d'avoir rendu une réponse.

En 1741, les hostilités éclatèrent de nouveau : Lally déploya tant d'habileté dans la campagne de Flandre que le maréchal de Noailles le demanda pour aide major général. Ce fut en cette qualité qu'il prit une part active à la bataille de Dettingen, aux siéges de Menin, d'Ypres et de Furnes. En 1744 on créa pour lui et sous son nom un nouveau régiment irlandais. En quatre mois Lally l'organisa si bien qu'on lui dut la prise de Tournai. A Fontenoy, de l'aveu du maréchal de Saxe, la brigade irlandaise décida de la victoire en dispersant à la baïonnette la terrible colonne anglaise qu'avaient ouverte l'artillerie du duc de Richelieu et la cavalerie de la maison du roi. Louis XV nomma Lally brigadier sur le champ de bataille.

Charles-Édouard venait de débarquer en Écosse (1745); il y rassembla rapidement une armée de montagnards, et fit proclamer son père roi et lui-même régent. Lally proposa au cabinet de Versailles d'envoyer dix mille Français en Écosse pour soutenir les Stuarts. Ce projet fut accueilli, mais point exécuté. Le duc de Richelieu fut nommé commandant en chef de

l'expédition et Lally maréchal général des logis de l'armée. Il prit les devants avec quelques volontaires, aborda en Écosse, où il joignit aussitôt Charles-Édouard. Il servit d'aide de camp à ce prince à la bataille de Falkirk. Puis il se rendit à Londres, passa en Irlandre, et revint à Londres, où sa tête était mise à prix. Mais, dé. guisé en matelot, il s'échappa parmi des contrebandiers, et se fit débarquer à Dunkerque.

La journée de Culloden avait ruiné les espérances des jacobites; Lally rentra dès lors dans les rangs de l'armée française. En 1747 on le retrouve aux premiers rangs dans Anvers et à la bataille de Lawfeldt. A Berg-op-Zoom il faillit être englouti par l'explosion d'une mine et fut pris dans une embuscade. Échangé quelque temps après, il fut encore blessé à la prise de Maestricht; cela lui valut le grade de maréchal de camp.

En 1755, les Anglais prirent, sans déclaration de guerre, deux bâtiments français dans les eaux de Terre-Neuve. Malgré sa longanimité, le cabinet de Versailles s'émut de cette violation du droit commun; il appela dans ses délibérations Lally, qui proposa ou de reconduire Charles-Édouard en Angleterre avec une armée et une flotte convenables, qu'il se chargeait d'utiliser glorieusement, ou d'attaquer les Anglais dans l'Inde, ou bien encore de leur enlever leurs colonies d'Amérique; « mais, ajoutait-il, il faut penser vite et agir de même ». Les ministres français se décidèrent pour la voie des négociations. Pendant qu'on négociait, l'Angleterre continuait les hostilités, et la France, au bout d'une année, alors même que les hostilités n'étaient pas déclarées, avait déjà vu son commerce ruiné, deux cent cinquante de ses navires pris, coulés ou brûlés, et quatre mille de ses marins tués ou jetés sur d'infects pontons. Alors on se décida à envoyer une expédition dans l'Inde, et Lally fut nommé lieutenant général, grand'croix de SaintLouis, commissaire du roi, syndic de la Compagnie des Indes, et commandant général de tous les établissements français dans l'Asie orientale. Le comte d'Argenson s'opposa fortement à ce choix, non pas qu'il doutât de la capacité de Lally, dont il était l'ami, mais il redoutait les effets d'un caractère droit et rigide, violent et emporté, inflexible dans la discipline, surtout en présence des abus de toutes natures, des dilapidations et de l'insubordination qui régnaient dans les comptoirs de l'Inde.

Lally partit de Lorient le 2 mai 1757, sur l'escadre de d'Aché, forte de quatre vaisseaux de ligne; il emmenait avec lui environ quatre mille hommes de troupes et quatre millions. Crillon, Conflans, d'Estaing, La Fare, La Tourdu-Pin, Montmorency formaient son état-major. Après une pénible traversée, il débarqua enfin à Pondichery, le 28 avril 1758. A son arrivée, il apprit que les Anglais venaient de nous chasser de Mahé et de Chandernagor. Sans

| perdre un instant, il marche sur Gondelour, qui se rend après une faible résistance, et le 2 juin suivant, après dix-sept jours de tranchée, le fort Saint-David, que défendaient cent quatre-vingtquatorze bouches à feu, subit le même sort. « La réussite seule de l'entreprise a pu en apprendre la possibilité », écrivait alors le comte d'Estaing. Après avoir donné l'ordre de raser cette place, Lally marcha sur Devicottah, qui ouvrit ses portes. Des quatre forts qui couvraient la nabadie d'Arcote (Karnatic ), deux furent emportés d'assaut, et les quatre autres capitulèrent. Au bout de trente-huit jours seulement, il n'y avait plus d'Anglais dans tout le sud de la côte de Coromandel. C'était là un éclatant début, et Lally, qui écrivait alors aux commandants des troupes françaises : «Toute ma politique est dans ces quatre mots : plus d'Anglais dans l'Inde! >> pouvait espérer de réaliser son projet. Lally se préparait à attaquer Madras, siége de la puissance britannique; le chef d'escadre d'Aché lui déclara qu'il ne voulait pas l'aider dans cette entreprise. De son côté, le gouverneur de Pondichéry lui annonça que dans quinze jours il ne pourrait plus nourrir ni solder l'armée française, mais que le rajah de Tanjaour devait treize millions à la Compagnie, et qu'il ne tenait qu'au général d'en accélérer le recouvrement. La dette étant niée par le rajah; Lally marcha contre lui, et chemin faisant il pilla une place qui appartenait aux Anglais; c'était le seul moyen de faire vivre ses troupes. Arrivé devant Tanjaour, il prit la ville, et reçût seulement deux lacs de roupies (500,000 francs) du rajah. Durant cette expédition, qui fut plus tard un des chefs de l'accusation dirigée contre Lally (1), l'armée d'Orixa, victorieuse jusque alors sous les ordres de Bussy, était mise en déroute par des forces inférieuses. Les Anglais prirent Masulipatnam, et expulsèrent les Français du nord de l'Inde. Pondichéry fut même menacé. Lally se porta à la défense de cette ville; mais sa retraite fut difficile, poursuivi qu'il était par quinze mille indigènes commandés par des officiers anglais. Continuellement en butte à des tentatives d'assassinat, il faillit être massacré par une bande d'Hindous qui faisaient la guerre sacrée surpris par eux et blessé dans sa tente, il ne dut la vie qu'à son courage et au dévouement d'un de ses gardes. Enfin il revint à

(1) Lally écrivait alors au gouverneur de Pondichery : «La rapine et le désordre m'ont suivi depuis Pondichéry, et m'y ramèneront. Il faut que tout ceci change ou que la Compagnie culbute. » Sa commission portait au surplus l'injonction « de se faire rendre compte de l'administration; de corriger le despotisme du gouverneur; de remonter jusqu'à l'origine, et de couper jusqu'à la racine des abus; de faire poursuivre à la requête du procureur général tout employé qui auroit quelque intérêt dans les intérêts de la Compagnie, etc. <«< il n'en fallait pas davantage pour le rendre en horreur, comme il le disait lui-même, à tous les gens du pays.» «Eût-il été le plus doux des hommes, écrivit Voltaire, dans de semblables conditions, il eût été haï. »

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Pondichéry, en écarta les ennemis, et reprit son projet de ruiner les Anglais dans Madras même et malgré la défection de d'Aché, qui était allé mouiller à l'Ile de France, dont il ne revint plus. La caisse de la Compagnie ne pouvait subvenir aux dépenses; Lally prêta de ses deniers 156,000 francs. Apprenant que la flotte anglaise était partie pour Bombay, Lally se mit en campagne, et s'empara d'Arcote. Là il fut rejoint par Bussy, qui commandait dans le Dekkan. Dès ce moment deux partis se formèrent l'un des troupes royales, qui appuyèrent Lally, l'autre des troupes de la Compagnie, qui ne voulaient marcher que sous Bussy, et ce lieutenant-colonel, quoique créé brigadier par Lally, refusa plusieurs fois d'obéir à son chef. Enfin, le 14 décembre 1758, les Français se présentèrent devant Madras, et occupèrent presque sans coup férir la ville noire. Les ennemis s'étaient retirés dans le fort Saint-Georges. Les troupes de Lally, la plupart indigènes, se débandèrent aussitôt pour se livrer au piliage. Le commandant anglais profita de ce désordre pour exécuter une sortie. D'Estaing fut fait prisonnier, et les Français ployaient lorsque leur général vint les ramener au combat, « et, dit M. de Norvins, sans Bussy, qui refusa de marcher, la garnison anglaise était coupée du fort, où elle ne rentra que mutilée. » Malgré cet incident, la tranchée s'ouvrit devant Saint-Georges; mais l'attaque fut mal conduite. Harcelée continuellement sur ses derrières, l'armée française manquait de tout; enfin, après quarante-six jours de siége et au moment où tout était disposé pour l'assaut, une flotte anglaise, que d'Aché avait laissée passer, entra dans le port de Madras, et força Lally à renoncer à sa proie et à se replier sur Pondichéry, où la disette et le manque d'argent occasionnèrent une nouvelle révolte (1). Le conseil de la Compagnie dut porter sa vaisselle à la monnaie, et Lally épuisa ses dernières ressources financières. Il profita du rétablissement de l'ordre pour prendre Seringham. Ce fut son dernier succès les Anglais le battirent complétement sous les murs de Vandarachi ( 22 janvier 1760). Bussy, blessé, resta au pouvoir de l'ennemi, qui vint, le 18 mars 1760, bloquer Pondichéry par mer et par terre.

Après avoir tenu en échec pendant dix mois des forces vingt fois plus nombreuses que les siennes, débordé par l'anarchie, haï de chacun, malade, menacé par le fer et le poison, trahi de tous côtés, n'ayant plus que quatre onces de riz par jour à faire distribuer à sept cents soldats exténués, le 14 janvier 1761 il consentit seulement, sur la sommation du conseil de la Compagnie, à capituler; mais le général anglais Coote exigea une reddition à discrétion. Le 16 Lally, prisonnier de guerre, fut embarqué pour l'Angleterre, à bord d'un navire hollandais. Arrivé à

(1) C'était la dixième pour le même motif.

| Londres, il apprit que toutes les haines que son
administration avait soulevées fermentaient à
Paris; sa sévérité, sa loyauté lui avaient fait
peu d'amis. Plus jaloux de son honneur que de
sa sûreté, il quitte Londres sur parole, et ac-
court à Fontainebleau, où était la cour, « ap-
portant, dit-il, sa tête et son innocence ». Vaine-
ment d'Aché et de Bussy lui parlent d'accommo-
dement, vainernent le duc de Choiseul lui con-
seille de fuir, Lally demeure inébranlable dans sa
et
volonté « d'avoir justice de ses accusateurs »>,
va le 5 novembre se constituer prisonnier à la
Bastille. C'était une grave imprudence; car le
duc de Choiseul, alors premier ministre, avait
épousé une parente de Bussy, et Bussy avait dit :

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qu'il fallait que la tête de Lally tombât ou la sienne ». Et sa fatale influence se fit sentir dans tout le cours de ce procès ou plutôt de cette lutte mortelle dans laquelle la justice ne se montra que de nom. Sur l'ordre du parlement la procédure fut commencée au Châtelet, le 6 juillet 1763. En janvier 1764, Louis XV renvoya, par lettres patentes, à la grand'chambre assemblée du parlement de Paris la connaissance de tous les délits qui auraient été commis aux Indes orientales. On admit contre Lally les témoignages les plus suspects. Il compta parmi ses accusateurs quelques marchands de l'Inde, le supérieur des jésuites de Pondichery, et jusqu'à ses propres valets. Trois fois il sollicita un avocat : ce droit lui fut refusé. Après deux ans de débats à huis clos, on fit enfin le rapport. L'accusé demanda huit jours pour produire sa défense; sa requête fut rejetée. Le président Maupeou, prié de ralentir les séances, répondit : « Si je pouvais les doubler, je les doublerais! » Malgré les protestations de l'accusé, les nombreuses pièces qu'il demandait à produire pour établir son innocence, et le rapport du 30 avril 1766, qui mit Lally hors de cause pour la partie civile, malgré l'éloquence de l'avocat général Seguier, le procureur général déposa le 3 mai des conclusions tendant à la peine de mort. En vain ce magistrat reçut une nouvelle requête de Lally accompagnée de pièces importantes; sans même ouvrir le paquet, il écrivit au bas de ses conclusions: « Vu les pièces... Je persiste.

Le 5 mai 1766 Lally fut amené sur la sellette, et on procéda contre lui à un interrogatoire illusoire. Il découvrit sa poitrine, et s'écria montrant ses cicatrices et ses cheveux blancs: « Voilà donc la récompense de cinquante-cinq ans de services ». Le lendemain il fut « déclaré dûment atteint et convaincu d'avoir trahi les intérêts du roi et de la Compagnie des Indes, d'abus d'autorité et d'exactions envers les sujets du roi et étrangers, et condamné à avoir la tête tranchée et ses biens confisqués ». Le comte d'Aché et plusieurs autres personnages fortement compromis dans le cours du procès furent mis hors de cause. Un de ses juges, Pellot pensait

pourtant que « si de Lally ne devait pas être absous de toutes les accusations intentées contre lui, du moins il ne méritait pas la peine capitale». On obtint du premier président un sursis de trois jours; le duc de Choiseul et le maréchal de Soubise demandèrent sa grâce au nom de l'armée; Louis XV répondit au duc : « C'est vous qui l'avez fait arrêter, il est trop tard il est jugé ». Lally fut conduit dans une chapelle, où le greffier lui lut son arrêt. Lorsque le condamné entendit ces mots : « avoir trahi les intérêts du roi ». « Cela n'est pas vrai! jamais! jamais! » s'écria-t-il et tirant un compas caché sous son habit, il s'enfonça le fer dans la poitrine. La blessure, quoique grave, ne fut pas mortelle, et ses ennemis, craignant de voir échapper leur victime à la honte de l'échafaud, firent avancer de six heures son exécution. Aubry, curé de Saint-Louis, son confesseur, s'efforça de calmer Lally, et lui promit qu'il sortirait de la Conciergerie dans son carrosse et suivi seulement d'un corbillard. Le bourreau vint ensuite, par ordre, mettre un bâillon au malheureux général, qui quelques instants plus tard était jeté dans un ignoble tombereau; «< J'étais payé, murmura-t-il sous son bâillon, pour m'attendre à tout de la part des hommes; vous aussi, monsieur le curé, vous m'avez trompé ! - Ah, monsieur! répondit l'abbé Aubry, dites qu'on nous a trompés tous les deux »>. Sur l'échafaud, Lally dit aux commissaires du parlement : « : « Répétez à mes juges que Dieu m'a fait la grâce de leur pardonner. Si je les revoyais, je n'en aurais peut-être plus le courage». L'abbé Aubry écrivit aux amis de Lally. « Il s'était frappé en héros, il est mort en chrétien ». Sept mois après, Louis XV disait au duc de Noailles : « Ils l'ont massacré ! » et quatre ans plus tard, au chancelier Maupeou : « Ce sera vous qui en répondrez, et non pas moi »>.

Tels sont les renseignements les plus exacts que les mémoires du temps nous ont fournis sur ce meurtre judiciaire. L'histoire en accordant à l'infortuné Lally toutes les qualités d'un brave officier et en reconnaissant que son inflexibilité et sa franchise imprudente lui suscitèrent des ennemis acharnés et irréconciliables parmi les marchands de la Compagnie des Indes, dont l'influence s'étendit jusque sur le tribunal appelé à le juger, l'histoire, disons-nous, répétera que Lally commit de grandes fautes dans son gouver. nement aussi bien que dans ses opérations militaires. Ses fautes furent telles que Voltaire, qui fut toujours au nombre de ses défenseurs, ne craignit pas de dire : «< Lally est l'homme sur lequel tout le monde avait le droit de mettre la main excepté le bourreau. » Douze ans après, le 21 mai 1778, sur les réclamations réitérées du marquis Trophime-Gérard de Lally-Tollendal (dont l'article suit), le roi Louis XV cassa en son conseil, après trente-deux séances de commissaires, et à l'unanimité de soixante-douze

magistrats (1), l'arrêt du parlement de Paris, et renvoya l'affaire devant le parlement de Rouen, qui, le 23 août 1783, prononça de nouveau la culpabilité de Lally. Cet arrêt fut infirmé, et le parlement de Dijon eut encore à instruire sur la cause; il maintint le jugement primitif, et ce ne fut qu'après douze ans d'efforts que le fils de Lally obtint la réhabilitation de la mémoire de son père. Voltaire, se ranimant sur son lit de mort, écrivit au jeune Lally le 26 mai 1778: « Le mourant ressuscite, il embrasse tendrement M. de Lally; il voit que le roi est le défenseur de la justice; il mourra content. »>

Alfred DE LACAZE.

Mémoires et pièces du procès de Lally à la Bibliothèque impériale et aux Archives de France. Recueil des Causes célèbres. Voltaire, Siècle de Louis XV. – Dictionnaire Historique (édit. de 1822), t. III, p. 15, 93, 95, 102, 105. Inde dans l'Univers pittoresque. 1 Norvins, dans le Dictionnaire de la Conversation. Le Bas, Dictionnaire Encyclopédique de la France. - Sismondi, Histoire des Français, XXIX, no 254, 300 à 305.

LALLY-TOLLENDAL (Trophime GÉRARD, marquis DE), littérateur et homme politique français, fils du précédent et de Félicité Crafton, né à Paris, le 5 mars 1751, mort dans la même ville, le 11 mars 1830. Il étudia au collège d'Harcourt, sous le nom de Trophime, et ne fut instruit du secret de sa naissance que la veille du jour où il devait perdre son père. « Je n'ai appris, dit-il lui-même, le nom de ma mère que plus de quatre ans après l'avoir perdue; celui de mon père. qu'un seul jour avant de le perdre. J'ai couru pour lui porter mon premier hommage et mon éternel adieu... J'ai couru vainement... On avait hâté l'instant. Je n'ai plus trouvé mon père; je n'ai vu que la trace de son sang. »> Son père lui avait recommandé sa mémoire dans un dernier écrit. Dès l'âge le plus tendre il se promit de la faire réhabiliter. Il n'avait pas encore seize ans lorsqu'il adressa à son professeur, Mauduit, une pièce de vers latins sur le procès de Jean Calas, qui contenait sur la mort de son père un passage plein de chaleur. Louis XV s'intéressa au jeune Lally, qui entra à son service et fut nommé capitaine de cuirassiers. A peine eut-il atteint l'âge nécessaire que les tribunaux retentirent de ses réclamations en faveur de son père; elles furent appuyées par Voltaire. Quatre arrêts du conseil cassèrent successivement les sentences des parlements, qui tous se croyaient solidaires, même dans leurs erreurs, conformément à cet horrible adage, la plus haute expression de l'orgueil humain, savoir que «< la justice ne peut se tromper ». C'est à cette orgueilleuse sentence qu'il faut attribuer sans doute les longues formalités à remplir lorsqu'il s'agit de la réhabilitation de la mémoire d'un homme injustement supplicié. Les provisions de la charge

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de grand-bailli d'Etampes, que le jeune Lally acheta vers l'année 1779, portent qu'elles lui ont été accordées pour les services rendus à l'État par son père et à cause de sa piété filiale. Pendant l'instance, il eut à lutter contre d'Éprémesnil : le seeret de son origine fut mis à découvert, et ses recherches aboutirent à démontrer sa légitimation. L'éclat que ce procès avait jeté sur lui fixa l'attention des électeurs en 1789, et il fut nommé député de la noblesse de Paris aux états généraux. Partisan des réformes et passionné pour les systèmes de Necker, il se réunit, le 25 juin, aux communes avec la minorité de la noblesse. Le 11 juillet, à propos de la proposition de La Fayette pour la déclaration des droits de l'homme, il s'écria : « L'auteur de la déclaration parle de la liberté comme il l'a défendue. » Néanmoins, il ne pensait pas que cet énoncé des droits dût faire partie de la constitution. Le 13 du même mois, il fit déclarer, de concert avec Mounier, que la dette publique était sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté nationale. Nommé membre du comité de constitution le 14 juillet, il fit partie le même jour d'une députation ayant pour objet de calmer l'agitation du peuple. Le lendemain il prononça une harangue à l'hôtel de ville, et dit que l'assemblée avait dessillé les yeux du roi, que la calomnie avait voulu tromper ». Le 17, quand Louis XVI parut à l'hôtel de ville, Lally parla d'abord au peuple, et lui rappela les nombreux bienfaits dont le monarque l'avait comblé, puis, s'adressant au roi, il fit valoir les sentiments d'amour, de fidélité et de reconnaissance dont le peuple était pénétré pour lui. Le 23 juillet, lendemain de l'assassinat de Bertier, intendant de Paris, par le peuple, Lally supplie l'assemblée de prendre des mesures pour garantir à l'avenir la société contre de tels excès. C'est alors que Barnave laissa échapper cette exclamation: « Ce sang est-il donc si pur qu'on n'en puisse répandre quelques gouttes?» Lally attaqua indirectement Mirabeau par ces paroles : « On peut avoir de l'esprit, de grandes idées, et être un tyran. » Dès lors, quittant le rôle de médiateur, Lally parut pencher du côté de la cour. Dans la nuit du 4 août, il siégeait au bureau comme secrétaire, et quoique très-sensible, il ne se laissa pas entraîner; il remit même au président un billet portant : « Personne n'est plus maître de soi; levez la séance. » Cet avis n'ayant pas été suivi, il chercha du moins à détourner le torrent, et sur sa proposition l'assemblée, décerna par acclamation à Louis XVI le titre de Restaurateur de la liberté française. Le 7 août Lally appuya un projet d'emprunt présenté par Necker, dont le rejet eût amené la retraite de ce ministre. Le 19 août Lally pressentit les dispositions de l'assemblée par un discours où il admettait trois pouvoirs distincts; ensuite il essaya, comme rapporteur du premier comité de constitution, de faire adopter un système copié

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sur la charte anglaise. Ce projet ayant été repoussé, il en présenta un autre, avec Mounier et Bergasse, qui consistait à créer un sénat et uņe chambre des représentants avec cette clause, que pour être membre du sénat il ne fallait qu'une fortune un peu plus considérable que pour être député; mais cette proposition fut encore écartée. Le comité de constitution fut dissous, et on en forma un autre, qui présenta successivement les dispositions de la constitution dite de 1791. Lally se montra surtout partisan de l'égalité, et dans la séance du 20 août il proposa un amendement portant que « tous les citoyens étaient admissibles aux emplois, sans autre distinction que celle des talents et des vertus ». Cet article fut voté par acclamation. Lally défendit avec énergie le droit de veto absolu du roi, qu'il croyait nécessaire à l'équilibre des pouvoirs, et il osa se plaindre de ce qu'en rédigeant les concessions faites par les deux premiers ordres dans la nuit du 4 août on s'était permis de les étendre jusqu'à attaquer de véritables propriétés. Enfin, les journées des 5 et 6 octobre lui paraissant le présage de malheurs prêts à fondre sur la France, et jugeant que l'assemblée manquait de force et de volonté pour rétablir l'ordre, il abandonna ses fonctions, et se retira en Suisse auprès de Mounier. Il fit alors paraître son Quintus Capitolinus, dans lequel il discutait les bases de la constitution de 1791. Il rentra en France en 1792 pour chercher le moyen de faire sortir le roi de Paris. Arrêté après les événements du 10 août, il fut enfermé à l'Abbaye; mais ses amis obtinrent son élargissement quelques jours avant les massacres de septembre: il se retira aussitôt en Angleterre. Privé de ressources, il accepta des secours du gouvernement britannique. Lors du procès de Louis XVI, il écrivit à la Convention et s'offrit comme défenseur de ce prince; sa demande étant restée sans réponse, il fit imprimer son plaidoyer. Il écrivit plus tard une défense des émigrés, qui eut un grand nombre d'éditions, et dans laquelle il faisait une distinction entre ceux qui avaient porté les armes contre leur pays et ceux que la force seule avait contraints d'abandonner leur patrie. Il rentra en France après le 18 brumaire, et habita Bordeaux jusqu'en 1805. A cette époque il vint à Paris pour présenter ses hommages au souverain pontife, qui était venu sacrer Napoléon, et qui l'accueillit d'une façon gracieuse. Le concordat lui avait donné de l'enthousiasme, et dans une lettre il disait : « Quelque attaché que l'on soit au roi, il ne faut pas sacrifier trente millions d'âmes pour une seule âme. >>

Lally no sortit de sa retraite qu'après la restauration. Il suivit Louis XVIII à Gand, en mars 1815, et ce prince le nomma membre de son conseil privé. Ce fut lui qui fit le rapport d'après lequel on rédigea le manifeste du roi à la nation française. I travailla au Moniteur de Gand. « Nous discourions, dit Châteaubriand, autour

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