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Il est d'autant plus essentiel de bien faire sentir le mérite, l'importance et la nécessité de la philologie, que les dernières générations ne paroissent pas l'avoir assez appréciée. Dès que la France a eu de grands écrivains, elle a négligé les langues anciennes qui les avoient formés. Dès que la critique a eu ouvert un champ libre à la philosophie de l'histoire, la philosophie et le bel esprit ont traité de pédantisme les études qui avoient enfanté la critique et fécondé le génie des Corneille, des Bossuet, des Racine, des Pascal, des Fénélon, &c. dont les noms sont à jamais consacrés par la gloire. Presque aussitôt les sciences exactes et les sciences physiques, peu cultivées en France dans un siècle qui paroissoit ne trouver de charmes que dans la littérature, ont pris l'essor le plus rapide: leur attrait naturel; la facilité d'acquérir, en s'amusant, quelques connoissances superficielles; la facilité même d'en acquérir d'assez profondes et d'assez étendues pour se placer au rang des maîtres, dans un âge où, pour l'ordinaire, on commence à peine à balbutier en littérature; enfin la mode, si puissante sur les François, ont fait que presque tous les esprits se sont tournés vers les sciences. Au fieu de se borner à croire qu'elles étoient utiles à beaucoup de choses, on s'est persuadé qu'elles

étoient nécessaires à tout, et à tout le monde, et que l'étude des langues et des chefs-d'œuvre de l'antiquité étoit à-peu-près inutile, si elle ne l'étoit pas tout-à-fait; et, si l'on n'a pas osé s'élever contre la littérature nationale, on a du moins cherché à décréditer la littérature ancienne, sans faire attention qu'en tarissant la source du goût, qu'on ne peut remplacer par des théories, quelqu'ingénieuses qu'elles soient, on éteindroit toute bonne littérature.

Il ne falloit cependant pas remonter bien loin pour trouver dans l'histoire un exemple frappant de la nécessité où est une nation d'allier toujours à l'étude des sciences celle des véritables et antiques modèles du goût, et conséquemment la philologie et la critique. Les Arabes, loin de détériorer l'héritage des sciences, qu'ils tenoient de la Grèce et de Rome, l'avoient augmenté par des découvertes heureuses: mais restés étrangers à la philologie ainsi qu'à la saine critique, leur histoire n'est qu'un ramas de contes puérils ou ridicules, remplis d'anachronismes grossiers qu'on pardonneroit à peine aux romanciers ou aux poëtes. Ils n'ont pas même tardé à introduire dans les sciences le goût des vaines subtilités et des recherches futiles qui devoient en amener la décadence; et leur littérature,

quoique cultivée par un nombre immense d'esprits féconds et pleins de verve, n'a pu fournir

aucun modèle aux nations civilisées.

Pourrions-nous craindre que le Gouvernement qui veut illustrer la France par tous les genres de gloire, laissât plus long-temps en souffrance une partie si importante de l'instruction nationale? Il traitera la saine littérature, la littérature considérée dans ses bases et dans sa source, comme il traite les arts; et tous les hommes qui en connoissent le prix, s'empresseront de répéter à l'envi cet éloge, qu'il mérite déjà à tant de titres Veteres revocavit artes.

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Les philologues les plus distingués du dernier siècle, quoiqu'inférieurs peut-être, par l'étendue de leurs études et de leurs travaux, aux Étienne, aux J. Scaliger, aux Casaubon, aux Saumaise et à tant d'autres hommes prodigieux, qui ont tous fleuri en France et qui ont associé pour toujours leurs noms aux noms les plus célèbres de l'antiquité, ont cependant un caractère particulier qui leur donne, sous certains rapports, quelques avantages sur les premiers. D'abord, leur critique est plus sûre, plus générale; en second lieu, ils ont réuni à l'étude des langues et des livres celle des monumens ; et pour exceller dans la philologie, ils ont voulu être antiquaires. Cette

réunion, dont les Spanheim, les Corsini, les Fréret, les Barthélemy, les Brunck, les Villoison, ont donné l'exemple, a été également profitable à ces deux parties de nos connoissances.

Fréret et Corsini ont sur-tout porté la critique à un grand point de perfection: l'histoire ancienne en a reçu de nouvelles lumières; car la critique de l'histoire et même la chronologie sont presque entièrement fondées sur la philologie, et ont souvent besoin de la science des antiquités.

Grecque.

On peut regarder M. Larcher, membre de la Philologie classe, comme le patriarche des hellénistes et des critiques François : sa traduction d'Hérodote, enrichie d'un grand nombre de remarques sur le texte, et réimprimée en 1802 avec beaucoup d'additions et de corrections importantes, est indispensablement nécessaire à tous ceux qui veulent bien étudier ce père de l'histoire. C'est un ouvrage éminemment philologique et critique: les savantes remarques du traducteur, ses observations géographiques et chronologiques, ses tables, mettent son Hérodote au rang des ou

vrages

les plus recommandables qui aient jamais été faits sur les auteurs Grecs.

Le même savant a communiqué à la classe deux mémoires qu'elle a entendus avec un grand

intérêt : dans l'un, il essaie de prouver que le discours attribué à Démosthène sur la lettre de Philippe, est apocryphe; dans l'autre, il traite des périodes de l'ancienne chronologie Égyptienne, et particulièrement de la période caniculaire.

On ne peut parler des hellénistes et des philologues sans nommer M. de Sainte-Croix. II sera fait une mention plus particulière de ses ouvrages dans l'article consacré à l'histoire ancienne: mais la philologie réclame sa part dans l'Examen des historiens d'Alexandre, que l'auteur a fait réimprimer en 1804, et qui suppose la critique la plus saine et la plus judicieuse. M. de Sainte-Croix a donné d'autres preuves de ses connoissances philologiques, dans un grand nombre d'excellens mémoires insérés dans le recueil de l'Académie des belles-lettres, dans plusieurs autres qu'il a lus à la classe, et dans la dissertation où il réfute avec le plus grand avantage le paradoxe hasardé sur les poëmes d'Homère par M. Wolf, savant très-distingué, dont il sera question à l'article des Philologues étrangers.

Un autre de nos confrères, M. du Theil, doit encore être placé parmi les plus fermes soutiens de la philologie Grecque et Latine. Plusieurs morceaux qu'il a publiés avec des remarques où

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