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adopté une plus sage méthode. Mais nous comptons aussi des métaphysiciens qui savent se garantir et de la timidité excessive des uns et de la hardiesse téméraire des autres; nous les avons vus déterminer avec justesse et netteté les notions les plus abstraites, et prêter un nouvel éclat aux vérités rationnelles, en les réduisant à n'être que les résumés les plus généraux de l'expérience.

La portion spéculative de la philosophie morale n'a pas produit en France, dans ces derniers temps, une aussi grande étendue de travaux qu'on auroit cru devoir l'attendre. Mais les mêmes circonstances qui offroient un si vaste et souvent un si triste tableau à l'observation des moralistes, touchèrent de trop près aux intérêts individuels pour permettre une étude impartiale et libre : peu d'hommes étoient placés dans une situation qui leur laissât la faculté de n'en être que les spectateurs; et quel spectateur même eût été calme, s'il étoit sensible?

Lorsqu'ensuite un génie bienfaisant, en réparant nos malheurs, a réparé aussi les plus cruels de tous, en restaurant les mœurs publiques et les institutions qui les protégent, un sentiment unanime, un besoin général, a ramené tous les cœurs au sentiment des devoirs, et les esprits

aux maximes qui peuvent leur donner plus d'em pire. Les moralistes ne pouvoient faire de leurs travaux un plus noble emploi que de seconder cet heureux retour. Un homme célèbre, qui occupa parmi nous les premières fonctions du ministère, qui, à la première époque de sa retraite, développa l'importance des idées religieuses, a lui-même consacré les dernières années de sa vie à les montrer dans leur alliance avec les lois de nos devoirs. La réforme opérée dans la législation du divorce, en remplissant le vœu des bonnes mœurs, a fait éclore plusieurs écrits recommandables sur le caractère moral du premier lien de la société. La voix de la morale et de la nature a réclamé avec le même succès les droits et les devoirs de l'autorité paternelle. Un concours ouvert par la classe des sciences morales de l'Institut, en appelant une discussion approfondie sur les maximes de l'auteur d'Émile, a fait poser de sages limites entre l'emploi et l'abus du ressort de l'émulation dans l'éducation de la jeunesse.

S'il suffisoit à la morale que la nomenclature de ses préceptes fût exposée avec clarté, avec méthode; si, ayant à lutter contre le torrent des passions et les obstacles que les événemens lui opposent, elle n'ayoit besoin de s'aider, en

s'adressant aux hommes, de toute la chaleur du sentiment, de cet enthousiasme juste et légitime, et, comme disoit Platon, de ces amours admirables qu'excite la vertu dans les cœurs honnêtes, le Catéchisme universel de Saint-Lambert auroit pu remplir son objet : mais on se demande quel peut être l'usage d'un traité qui sembloit destiné à devenir un manuel; on est surpris que le chantre des saisons, après avoir, dans ses élégans tableaux, animé toute la nature matérielle, ait pu priver ensuite, dans cet ouvrage, la nature morale de son esprit de vie et de fécondité. Une erreur philosophique en est la cause : il n'a considéré la morale que comme une prudente économie, si l'on peut dire ainsi, dans le cours de la vie; il a cru qu'il suffisoit de lui prêter un flambeau sans lui donner aucun moteur; il n'a voulu accorder pour principe à l'amour du devoir que cet intérêt sensible qui peut bien en faciliter quelquefois la pratique aux ames foibles, mais que les ames généreuses apprennent de la vertu même plutôt à immoler qu'à satisfaire; et cette doctrine, qui glaceroit, dans la pratique, le cœur de l'homme dont elle seroit le seul aliment, a répandu la même influence sur les méditations et sur la théorie de cet auteur.

Marmontel, en traitant le même sujet, et

quoique se renfermant dans un cadre plus étroit, n'est pas tombé dans la même faute : il fait chérir la vertu en la faisant connoître. Il n'entroit pas dans son dessein d'étudier la marche des passions humaines; c'étoit un père qui enseignoit à ses enfans à être bons: il a du moins emprunté par-là un des plus beaux caractères du ministère des moralistes parmi les hommes.

Marmontel, dans ses œuvres posthumes, a laissé aussi un Traité de logique et un Traité de métaphysique : il n'y faut pas chercher non plus des vues neuves et profondes; mais ces écrits renferment un choix fait avec discernement et sagesse dans les travaux des philosophes de tous les temps. C'est un recueil de vérités utiles, présentées avec simplicité, avec netteté et méthode.

On peut remarquer que plusieurs des hommes de lettres distingués qui ont terminé leur carrière pendant l'intervalle qui nous occupe, en ont consacré les dernières années et les derniers efforts aux travaux philosophiques. Peut-être l'âge et les événemens les avoient-ils ramenés plus fortement aux idées sérieuses; peut-être aussi avoient-ils jugé que l'époque à laquelle nous sommes arrivés, ouvroit à ceux qui embrassent ce genre d'étude de nouvelles perspectives. Le malheur des temps a dû réveiller avec force le

sentiment

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sentiment et le besoin de la morale: les travaux
d'un grand nombre de siècles sont accumulés
devant nous; et si l'exemple de tant de systèmes
rapidement élevés et détruits nous indique les
fautes à éviter, la possession des vérités acquises
nous encourage à les étendre. Les tentatives du
scepticisme ont été poussées si loin, qu'elles ont
en quelque sorte épuisé ses forces, et que tout
ce qui sera conquis sur lui sera désormais hors
d'atteinte : les hommes qui cultivent les études
philosophiques sont plus disposés à s'entendre;
et la diversité des opinions ne produit plus au
même degré l'esprit de secte. Enfin, s'il reste
encore beaucoup de problèmes à résoudre, les
problèmes fondamentaux sont au moins définis
avec plus de précision que jamais. Ceux qui les
méditeront profondément, y trouveront de puis-
sans secours pour avancer dans la carrière; ils
marcheront d'autant plus directement au but,
qu'ils porteront dans cette étude des intentions
plus pures, et que
le zèle pour les intérêts sa-
crés de la vertu s'associera plus profondément
dans leur ame à l'amour de la vérité : ils avance-
ront aussi avec d'autant plus de certitude, qu'ils
seront mieux préparés par les recherches histo-
riques et par l'étude de l'antiquité; introduction
indispensable pour les travaux philosophiques.
Littérature ancienne.

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