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haute. Retiré dans le Maine, où il fit restaurer avec goût son château de la Roche-Mailly, près de la Flèche, le comte de Mailly a été, pendant de longues années, au conseil général de la Sarthe, le mandataire autorisé des populations qui l'entouraient.

Admis dans notre Société la même année, à un mois d'intervalle, le premier le 5 mai, le second le 2 juin 1845, M. le comte Albéric-Hubert Perrot de Chazelle et M. le comte de Merlemont ont figuré l'un et l'autre sur nos listes pendant trente-cinq ans. Grand propriétaire en Bourgogne et maire d'Aisy-sous-Thil, commune du département de la Côte-d'Or, où l'on conserve le souvenir des services qu'il rendit en 1870, M. Perrot de Chazelle était entré par un mariage dans la famille d'un de nos plus illustres présidents: il était le gendre de l'historien des ducs de Bourgogne, de M. le baron de Barante.

Ancien officier de cavalerie, avant 1820, M. le comte de Merlemont remplissait, comme M. de Chazelle, les fonctions de maire de son village. Ce village, qui doit à son ancien maire tant d'améliorations, est Montreuil-sur-Therain, paroisse de l'ancien Beauvaisis, aujourd'hui commune du département de l'Oise. M. de Merlemont était un archéologue exercé, un bibliophile instruit, qui consacrait ses loisirs à rassembler curieusement toute espèce de monuments écrits ou figurés relatifs au pays habité par sa famille depuis quatre siècles. Les annales de la Picardie, et surtout du Beauvaisis, faisaient l'objet de ses infatigables recherches; et telle est l'importance de la collection formée par ses soins dans la vieille demeure féodale où il a passé la plus grande partie de sa vie, qu'aucun historien de la région comprise entre la Seine et la Somme ne peut se dispenser de la consulter.

Le 3 janvier 1853 est la date de l'entrée dans notre Société de l'un des hommes qui l'ont le plus aimée, qui l'ont servie avec le plus de désintéressement et de zèle: j'ai nommé M. le docteur Laloy. Né le 14 novembre 1814, et fils d'un médecin, Henri Laloy était originaire de Duclair, chef-lieu de canton de la Seine-Inférieure. Brillant élève du collège royal, puis de l'école de médecine de Rouen, interne à

l'hôpital de cette ville sous le célèbre chirurgien Flaubert, notre regretté confrère se fit recevoir docteur-médecin en 1839. Après deux ans d'exercice de sa profession en province, il vint se fixer à Belleville, où il ne tarda pas à devenir médecin de l'asile des Vieillards établi dans ce quartier, ainsi que de l'orphelinat de Ménilmontant. Le dévouement dont il fit preuve en donnant ses soins aux malades dans le cours de diverses épidémies lui valut la croix de la Légion d'honneur en 1868. Élu membre de notre conseil d'administration et de notre comité des fonds, ce médecin si occupé, qui pouvait à peine suffire aux exigences de sa nombreuse clientèle, nous donna constamment l'exemple de l'assiduité la plus ponctuelle. Tous les premiers mardis de chaque mois, il descendait de sa montagne, comme il disait en riant, pour nous apporter le concours de son caractère si droit, de son bon sens lumineux, de sa parole si nette et si incisive. On eût dit qu'il prenait plaisir à nos réunions, pourtant si austères. Aussi nous nous étions fait en quelque sorte une douce habitude de l'y rencontrer, et, le jour où nous avons appris que nous ne le reverrions plus, nous avons tous porté intérieurement le deuil de ce collaborateur aussi modeste qu'exemplaire, de ce parfait homme de bien.

M. Alexandre Singer, ancien agent de change, M. Léon Chevillard, ancien juge à Lons-le-Saulnier, M. Castel, avocat à Troyes, M. Ernest Gervais, avocat à Paris, M. Paul Perrier, propriétaire à Châlons-sur-Marne, M. Amédée Berger, président à la Cour des comptes, étaient des hommes d'affaires, des jurisconsultes, des magistrats qui trouvaient dans nos études le plus noble des délassements. Le dernier des membres décédés dont je viens de prononcer le nom, M. Amédée Berger, qui occupait avec tant de distinction l'une des premières places dans une de nos cours souveraines, a légué à la ville de Paris une collection très précieuse. Fils de l'ancien préfet de la Seine, l'éminent magistrat a voulu consacrer en quelque sorte, par cet acte de munificence éclairée, le souvenir des services rendus par son père à l'édilité parisienne.

Né à Paris en 1834 et reçu membre de notre Société le 6 juillet 1869, M. l'abbé Michel Houssaye nous a appartenu pendant les onze dernières années de sa vie. L'œuvre capitale de notre regretté confrère est une Histoire du cardinal de Bérulle, publiée de 1872 à 1875, qui forme trois volumes in-8°. Le premier volume, qui va de 1575 à 1611, est consacré au Père de Bérulle et aux Carmélites de France; il retrace l'introduction et les progrès de l'ordre du Carmel dans notre pays. Le second volume, intitulé Le Père de Bérulle et l'Oratoire de Jésus (1611-1625), nous fait assister à la fondation et aux premiers développements d'une congrégation célèbre qui a retrouvé de nos jours un lustre nouveau. Le dernier volume nous montre en présence, et parfois en lutte, le cardinal de Bérulle et le cardinal de Richelieu on y voit la droiture un peu bornée d'une âme aussi pieuse que forte aux prises avec les combinaisons les plus profondes et souvent les moins scrupuleuses du génie politique. Cet ouvrage, qui s'arrête à l'année 1629, date de la mort du cardinal de Bérulle, n'est pas seulement le fruit des plus consciencieuses recherches; il est écrit en outre avec une correction et une élégance soutenues qui deviennent de plus en plus rares. Ce qu'il faut louer particulièrement, c'est la sincérité que l'auteur apporte dans la recherche comme dans l'expression de la vérité. C'est que ce prêtre d'une foi si ardente était en même temps un libéral convaincu; il aimait profondément son temps et son pays. Dire qu'il les aimait, c'est indiquer clairement qu'il n'avait garde de les flatter; mais c'est faire comprendre aussi qu'il n'était pas de ceux qui prennent plaisir à dénigrer l'époque où ils vivent au profit d'un passé parfois imaginaire. « Nous avons vu passer sous nos yeux, dit l'abbé Houssaye à la fin de son livre, des religieux, des prêtres, des évêques, dont le langage, la conduite, formait un douloureux contraste avec la sainteté de leur état un bienveillant silence à leur endroit eût réjoui bon nombre de lecteurs et évité à l'auteur de ces pages de pénibles récriminations; mais l'histoire n'est ni une poétique légende, ni un compromis charitable, ni un

choix plus ou moins sagace de faits édifiants. Dans le champ du père de famille l'ivraie se mêle au bon grain; comment en reproduire l'exacte image si l'on ne peint que des blés jaunissants? Le procédé, fût-il légitime, ne laisserait pas que d'être singulièrement dangereux. En des jours où si facilement l'histoire dégénère en thèse, le tableau séduisant qu'on se forme du passé rend odieuse la vue du présent. On ne s'en console que par la contemplation d'un avenir fantastique. On rêve, à des conditions impossibles, le retour d'un âge. d'or dont le principal inconvénient est de n'avoir jamais existé. Des recherches plus patientes, une science plus désintéressée, une sincérité plus, entière, en montrant le passé sous son véritable jour, avec ses grandeurs, mais aussi avec ses petitesses, avec ses beautés, mais aussi avec ses laideurs, feraient tomber bien des colères et évanouir bien des rêves. Viam veritatis elegi: c'était la devise du prophète; ce doit être celle de l'historien. »

Un moraliste si clairvoyant, un écrivain si pur ne pouvait manquer d'obtenir les suffrages de l'Académie française, qui décerna pendant deux ans à l'historien du cardinal de Bérulle l'une de ses plus flatteuses récompenses, l'accessit du prix fondé par le baron Gobert en faveur de l'ouvrage le plus éloquent sur nos annales. Depuis lors, notre confrère ne fit plus que languir. Vicaire d'une des paroisses les plus importantes de Paris et chargé à ce titre de la direction des exercices du catéchisme, il voulut réserver pour son ministère les restes d'une énergie morale que trahissait déjà l'épuisement croissant des forces physiques. La tendresse d'une mère, la sollicitude d'un entourage dévoué furent impuissantes à conjurer le mal qui le minait. Il est mort le 15 mai de l'année dernière, en laissant dans le cœur de ses nombreux amis, qui révéraient en lui ce qu'il y a de plus aimable au monde, la perfection qui s'ignore, en laissant, dis-je, dans le cœur de ses amis un vide immense que rien ne pourra combler.

1. Le cardinal de Bérulle et le cardinal de Richelieu (1625-1629). Paris, Plon, 1875, p. 527 et 528.

Si la mort a frappé l'abbé Houssaye en pleine maturité, elle a été plus cruelle encore pour Armand Chapelle de Jumilhac, duc de Richelieu, qui n'aura figuré dans nos rangs que pendant une année. Ce jeune gentilhomme, dont la mort a excité de si vifs regrets, promettait de porter dignement l'un des plus beaux noms de France, un de ces noms qui sont une parure, non seulement pour la famille à laquelle ils appartiennent, mais aussi pour le pays tout entier.

Quiconque a assisté à notre assemblée générale de l'année dernière, doit se rappeler l'hommage délicat que notre savant président, M. Henri Bordier, a su rendre aux veuves ou filles de nos confrères décédés qui ont voulu perpétuer, en s'inscrivant sur nos listes, le souvenir et le nom de ceux qu'elles pleurent. C'est à ce pieux mouvement qu'avait obéi madame Thiers, en se faisant admettre dans notre Société le 3 décembre 1878. Comment notre Conseil n'aurait-il pas été particulièrement touché de voir nos rangs s'ouvrir à la veuve de l'un de nos deux premiers et plus illustres fondateurs ! Ce sera l'honneur de madame Thiers, née Élise Dosne, d'avoir prêté son concours à l'œuvre la plus grande, la plus patriotique de l'homme d'État dont elle était justement fière de porter le nom. On peut dire qu'à ce point de vue l'organisatrice, la présidente de ces trois grandes institutions charitables, rendues, hélas! indispensables par nos désastres, qui s'appellent l'Euvre des orphelins de la guerre, l'Euvre du sou des chaumières, l'Euvre des enfants de la guerre, a contribué elle aussi à panser les blessures alors saignantes de notre pays, au moment même où le Chef du pouvoir exécutif travaillait avec tant d'habileté, de zèle et de succès à assurer la libération de notre territoire. Grâce à ces trois œuvres, un grand nombre de soldats amputés ont été pourvus d'appareils mécaniques perfectionnés qui leur ont permis de se rendre utiles et de trouver un emploi ; 780 chaumières, détruites pendant la guerre, ont été reconstruites; enfin, 5,023 orphelins ont été adoptés, secourus, instruits, et le patronage dont on les entoure doit durer jusqu'en 1887.

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