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ils en ont fait des rois à la hâte, sans pays et sans sujets. Finalement ils les ont baptisés, donnant nom à l'un Balthasar, à l'autre Melchior, et à l'autre Gaspar. Or, encore que nous leur concédions toutes leurs fables, ainsi frivoles qu'elles sont, il est certain que les sages retournèrent au pays d'Orient. Car la sainte écriture le dit, et ne peut-on dire autre chose sinon qu'ils moururent là. Qui est-ce qui les a transportés depuis? et qui est-ce qui les connaissait, pour les marquer, afin de faire ainsi des reliques de leurs corps? Mais je m'en déporte, d'autant que c'est folie à moi de redarguer des moqueries tant évidentes. Seulement je dis qu'il faut que ceux de Cologne et ceux de Milan se combattent à qui les aura (1); car tous deux prétendent ensemble de les avoir, ce qui ne se peut faire. Quand leur procès sera vidé, lors nous aviserons ce qu'il sera de faire.

De saint Denis.

Entre les martyrs anciens, sain Denis est des plus célèbres; car on le tient pour un des disciples des apôtres, et le premier évangéliste de France. A cause de cette dignité, on a de ses reliques en plusieurs lieux. Toutefois, comme l'on dit, le corps est demeuré entier seulement en deux lieux, à Saint-Denis en France, et à Regensbourg (2) en Allemagne.

(1) Calvin se trompe. On ne montre à Milan que le tombeau vide des trois rois. Voyez l'article Rois.

(2) Regensburg est le nom allemand de Ratisbonne.

Pour ce que les Français maintenaient de l'avoir, ceux de Regensbourg en émurent le procès à Rome, il y a environ cent ans, et le corps leur fut adjugé, par sentence définitive, présent l'ambassadeur de France, dont ils ont une belle bulle. Qui dirait à Saint-Denis près Paris que le corps n'est point là, il serait lapidé.

Quiconque voudra contredire qu'il ne soit à Regensbourg sera tenu pour hérétique, d'autant qu'il sera rebelle au saint siége apostolique. Ainsi le plus expédient sera de ne s'entremettre point en leurs querelles. Qu'ils se crèvent les yeux les uns aux autres s'ils veulent, et en ce faisant qu'ils ne profitent de rien, sinon pour découvrir que tout leur cas gît en mensonge.

De saint Étienne.

De saint Étienne ils en ont tellement parti le corps, qu'il est entier à Rome en son église ; le chef à Arles; et des os, on en a en plus de deux cents lieux. Mais pour montrer qu'ils sont des adhérens de ceux qui l'ont meurtri, ils ont canonisé les pierres dont il a été lapidé.

On demandera où c'est qu'on les a pu trouver, et comment ils les ont eues, de quelles mains et par quel moyen. Je réponds brièvement que cette demande est folle; car on sait bien qu'on trouve partout des cailloux tellement que la voiture n'en coûte guère. A Florence, à Arles aux Augustins, au Vigan en Languedoc, on en montre. Celui qui voudra se fermer les yeux et

l'entendement croira que ce sont les propres pierres dont saint Étienne fut lapidé. Celui qui voudra un peu considérer s'en moquera. Et de fait les carmes de Poitiers en ont bien trouvé depuis quatorze ans, auxquelles ils ont assigné l'office de délivrer les femmes, lesquelles sont en travail d'enfant. Les jacobins, auxquels on avait dérobé une côte de sainte Marguerite servant à cet usage, leur ont fait grande noise, criant contre leur abus; mais en la fin ils ont gagné en tenant bon.

Des saints Innocens.

J'avais quasi délibéré de ne parler des Innocens, pour ce que quand j'en aurais assemblé une armée, ils répliqueront toujours que cela ne contrevient point à l'histoire, d'autant que le nombre n'en est point défini. Je laisse donc à parler de la multitude. Seulement, qu'on note qu'il y en a, en toutes les régions du monde. Je demande maintenant comment c'est qu'on a trouvé leurs sépulcres si long-temps après; vu qu'on ne les tenait point pour saints quand Hérode les fit mourir. Après, quand c'est qu'on les a apportés. Ils ne me peuvent répondre autre chose, sinon que ç'a été cinq ou six cents ans après leur mort. Je m'en rapporte aux plus pauvres idiots qu'on pourra trouver, si on doit ajouter foi à des choses tant absurdes.

Après, encore qu'il s'en fût trouvé par fortune quelqu'un, comme se pouvait-il faire qu'on en

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apportât plusieurs corps en France, en Allemagne, en Italie, pour les distribuer en des villes tant éloignées l'une de l'autre? Je laisse donc cette fausseté pour convaincue du tout.

De saint Laurent.

Pourtant, que saint Laurent est du nombre des anciens martyrs, nous lui donnerons ici son lieu. Je ne sais point que son corps soit en plus d'un lieu, c'est savoir à Rome en l'église dédiée à son nom. Il est vrai qu'il y a puis après un morceau de sa chair grillée ; item, deux fioles pleines, l'une de son sang, et l'autre de sa graisse; item, en l'église surnommée Panisperne (1) son bras et de ses os, et à Saint-Silvestre d'autres reliques. Mais si on voulait amasser tous les ossemens qui s'en montrent seulement en France, il у en aurait pour former deux corps au long et au large.

Il y a puis après la grille sur laquelle il fut rôti, combien que l'église qu'on surnomme Panisperne se vante d'en avoir une pièce. Or pour la grille, encore la laisserai-je passer; mais ils ont d'autres reliques trop fériales, desquelles il ne m'est point licite de me taire : comme des charbons, qu'on montre à Saint-Eustache ; item, une serviette dont l'Ange torcha son corps.

Puisqu'ils ont pris le loisir de songer telles rêveries pour abuser le monde , que ceux qui ver

(1) L'église de Saint-Laurent in Panisperná, à Rome, est un titre de cardina!.

ront cet avertissement prennent aussi loisir de penser à eux pour se garder de n'être plus ainsi moqués.

D'une même forge est sortie sa tunique, qu'on montre à Rome même en l'église Sainte- Barbe. Pour ce qu'ils ont ouï dire que saint Laurent était diacre, ils ont pensé qu'il devait avoir les mêmes accoutremens dont leurs diacres se déguisent en jouant leur personnage à la messe'; mais c'était bien un autre office de ce temps-là, en l'église chrétienne, que ce n'est à présent en la papauté. C'étaient les commis ou députés à distribuer les aumônes, et non point bateleurs pour jouer des farces. Ainsi ils n'avaient que faire de tuniques ni dalmatiques, ni autres habits de fous pour se déguiser.

Des saints Gervais et Protais.

Nous ajouterons à saint Laurent, saint Gervais et saint Protais, desquels le sépulcre fut trouvé à Milan du temps de saint Ambroise, comme luimême le testifie; pareillement saint Jérôme saint Augustin, et plusieurs autres. Et ainsi, la ville de Milan maintient qu'elle en a encore les

corps.

Nonobstant cela, ils sont à Brisach en Allemagne, et à Besançon en l'église paroissiale de SaintPierre, sans les pièces infinies qui sont éparses en diverses églises tellement qu'il faut nécessairement que chacun ait eu quatre corps pour le moins, ou qu'on jette aux champs tous les os qui s'en montrent à fausses enseignes.

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