BULLETIN

DU

Bouquiniste

Paraissant le 1 et le 15 de chaque mois.

CHEZ AUG. AUBRY, LIBRAIRE, RUE DAUPHINE, 16

Lieux d'abonnement:

FRANCE. Lyon, Aug. Brun, Richarme. Marseille, Boy. Nantes, Petitpas, Rouen, Lebrument, Lanctin. Angoulême, Goblet, Goumard. Bordeaux, Sauvat. Dijon, Lamarche. Reims, Brissart-Binet. Chartres, Petrot-Garnier, Troyes, Dufey-Robert. Metz, Lorette. Nancy, Peiffer. Lille, Beghin, Quarré, Grenoble, Merle, Maisonville et Jourdan. Toulouse, A. Abadie.

ETRANGER. Bruxelles, Heussner. Berlin, Asher, Behr. Leipzig, Brockhaus. Francfort-s.-Mein, Baer. Tubingue, Fues. Londres, Barthès et Lowelt, Genève, Cherbuliez. Bále, Schneider. Turin, Bocca.

Et chez tous les libraires de France et de l'Étranger.

4er avril.-État des ventes. -VARIÉTÉS BIBLIOGRAPHIQUES. JULIEN TRAVERS. Le Bestiaire d'Amour, par Richard de Fournival, publié par M. Hippeau. Paris au xe siècle, par A. Springer, traduit par M. V. Foucher. OUVRAGES EN VENTE Å PRIS MARQUÉS. Livres anciens et modernes. Ouvrages sur le Théâtre. — Histoire des villes et provinces de France. Paris (fin). - PUBLICATIONS NOUVELLES. Antiquités gallo-romaines des Eburovigues, par Th. Bonnin.- Table méthodique du Journal des Savants.Histoire des ordres de Saint-Maurice et de Saint-Lazare, etc.

15 mars. VARIÉTÉS BIBLIOGRAPHIQUES.

Le docteur CORNAY.

Histoire des comtes du Perche de la famille des Rotrou, par O. Des-Murs. -Joseph COUDRE. Histoire littéraire des Fous, par O. Delepierre.—Guide administratif et scolaire dans les Facultés de médecine, etc., par A. de Fontaine de Resbecq. CORRESPONDANCE. A. NICAISE. Fragment des comptes de l'argenterie de Charles VI et de Mgrs de Valois et de Beaujeu. V. Nicolas. Un Dernier mot sur le poëte Cl. Le Petit. OUVRAGES EN VENTE A PRIX MARQUÉS. Livres anciens et modernes. - Annales archéologiques, par Didron.-Ouvrages sur le Magnétisme et l'Électricité (50 numéros). Histoire des villes et provinces de France. Paris (suite). -PUBLICATIONS NOUVELLES. Bibliothèque de l'Amateur champenois.-Marguerite de Flandre. -Lettres de l'abbé Lebeuf.-Quelques Lettres inédites de Henri IV.-Rabutin-Chantal, etc., etc.

SOUS PRESSE :

CATALOGUE DES LIVRES composant les bibliothèques du De PIERQUIN DE GEMBLOUX et de M. M', orientaliste, dont la vente se fera en avril. — Ouvrages de linguistique; grand nombre de Poésies, Contes et Comédies en idiomes et patois des différentes parties de la France (particulièrement du Midi); OUVRAGES EN LANGUES ORIENTALES, Littérature et Histoire (950 numéros). A. Aubry, libraire.

ACHAT

DE BIBLIOTHÈQUES

DE PARTIES DE LIVRES

et de toute espèce d'ouvrages anciens et modernes.

Expertises.

Rédaction de Catalogues, Ventes publiques aux enchères.

VARIÉTÉS BIBLIOGRAPHIQUES

LE BESTIAIRE D'AMOUR 1

PAR RICHARD DE FOURNIVAL ;

suivi de

LA RÉPONSE DE LA DAME

Enrichi de 18 dessins gravés sur bois; publiés pour la première fois d'après le manuscrit de la Bibliothèque impériale, par M. HIPPEAU, professeur à la Faculté des lettres de Caen.

Le 1er septembre 1859, M. Hippeau achevait à Caen la savante introduction qu'il a mise en tête du Bestiaire d'amour. L'impression de l'ouvrage était fort avancée quand il partit, en décembre, pour l'Italie. A son retour, il s'est empressé de le publier, et ce livre singulier reçoit le meilleur accueil des bibliophiles. C'est pour eux, en effet, que de semblables compositions sont exhumées des bibliothèques, et voient le jour de l'impression après avoir langui pendant des siècles à l'état de manuscrit. Quand Lacroix du Maine, quand Legrand d'Aussy, quand Van Praët, quand Daunou, et, de nos jours même, quand M. Paulin Paris s'occupaient de l'œuvre inédite de Richard de Fournival, ils ne pensaient pas qu'à la fin de 1859, un professeur de notre Faculté des lettres ferait imprimer à Caen le Bestiaire d'amour. Il fallait tout le zèle de M. Hippeau pour entreprendre une publication de cette espèce; il fallait sa connaissance intime de la langue du moyen âge pour éditer avec succès la prose d'un bel esprit de la première moitié du xe siècle, mort vers 1260, chancelier de l'église d'Amiens. Nous disons la prose d'un bel esprit. C'était même un raffiné que Richard de Fournival, un raffiné de galanterie, qui usait et abusait d'une érudition très-suspecte en histoire naturelle pour se faire écouter d'une belle inconnue, qui se défend en retorquant les arguments du clerc amoureux, et le fait avec une subtilité aussi vive qu'ingénieuse. Un exemple dès les premières pages: On raconte, dit

Paris, Aug. Aubry. (Voir aux annonces.)

Richard, que si le loup est aperçu de l'homme avant qu'il ne l'ait aperçu lui-même, il perd toute sa force et sa hardiesse; c'est, au contraire, l'homme qui devient muet, si c'est le loup qui l'a aperçu le premier. Il en est ainsi des amants. Celui des deux qui s'aperçoit le premier qu'il est aimé se trouve par cela même le plus fort. J'ai donc été vu le premier, et, d'après la nature du loup, j'ai dû perdre la voix. La dame lui répond: Le loup fuit devant l'homme si celuici l'aperçoit le premier. Puisque je dois répondre à vos paroles je puis bien dire que c'est vous qui m'avez aperçue le premier. C'est donc à moi d'avoir peur et de fuir devant le loup.

Un autre exemple tiré de la fin. Richard, après avoir trouvé mille moyens déterminants dans son érudition fort illusoire, tirés des coqs, des ânes sauvages, des cygnes, des chiens, etc., même des animaux fantastiques, comme les guivres, les sirènes, les unicornes, etc., termine par le vautour, et dit à sa belle Le vautour suit les armées,

bientôt des massacres d'hommes et d'animaux. Ce vautour signifie ceux qui suivent les dames et les damoiselles pour en faire leur profit; et ceux qui marchent sur leurs pas, parce qu'ils ne savent pas où aller, sont ceux qui n'aiment personne. Ils ne peuvent voir une femme sans lui parler d'amour; ils ne parlent d'amour que pour prier, et ils ne prient que pour tromper. Ceux qui, au contraire, vont à l'armée pour servir leur seigneur signifient les loyaux amis. Pour moi, certes, je ne vous suis pas à la manière du vautour. Mes paroles ne peuvent vous dire pourquoi je vous suis. Si cependant vous aviez voulu me retenir, je vous aurais dit que je n'avais d'autre but que de vous servir; et puisque nulle raison ne peut vous toucher, je n'ai plus qu'à implorer votre merci.-Sire maître, lui répondit la dame ou damoiselle, vous me semblez avoir la nature des vautours, qui suivent les armées dans l'espérance d'y trouver leur profit. Vous avez affaire à tant de gens, et tant de gens ont affaire à vous, que l'on vous aura sans doute parlé de moi; on vous aura dit que j'aime à entendre bien dire, et que je vois volontiers ceux qui sont habiles. Pour cette raison sans doute vous êtes venu d'abord pour voir qui j'étais, et si vous pouviez trouver en moi quelque chose qui vous dût plaire. Vous m'avez donc fait savoir tout ce que j'ai entendu de vous, et je pense que toutes vos paroles n'ont eu pour but que de m'engager à me garder du mal. Et comme vous m'avez appris que l'on ne sait jamais ni qui est bon, ni qui est mauvais, il convient que l'on se garde de tous les hommes. Je n'accorderai donc pas la merci qu'on me demande. Donc il m'est avis que, quand on ne veut pas faire une chose, on doit exprimer nettement son refus. Cela suffise à bon entendant ou, dans le style de l'auteur: Çou sosfice à bon entendant.

Les gravures dont est accompagné le texte sont une reproduction fidèle des miniatures que contiennent les manuscrits. Ce sont autant de types des arts du dessin au xì° siècle, comme on le verra par quelques-unes des gravures que nous donnons ici en spécimen.

Ainsi que l'expose M. Hippeau, ces mêmes animaux qui servent au chanoine d'Amiens de prétextes aux compliments adressés à sa dame sont employés ailleurs dans un tout autre sens, et sont autant de symboles parlants lorsqu'ils sont représentés dans les églises. Voici par exemple une gravure représentant la caladre, oiseau d'une blancheur éclatante et qui figure le Christ. La caladre apportée devant le lit d'un malade annonçait d'une manière infaillible si celui-ci devait guérir ou succomber dans le premier cas, elle se tournait de son côté; dans le second, elle se tournait dans un sens opposé. image du