« cacique Nabidrigui ou Camba a six pieds deux pouces de haut. Il répondit, en 1794, à quelqu'un qui lui demandait son âge : « Je << ne le sais pas ; mais quand on commençait « à bâtir la cathédrale de l'Assomption, j'étais déjà marié et père d'un enfant. » Or cette cathédrale fût bâtie en 1689, et supposant que ce cacique eût alors 15 ans, il en résulte qu'il était âgé de 120. Il avait, lorsque je le vis, le corps courbé, les cheveux à moitié gris et la vue un peu plus faible que les autres indiens; mais il ne lui manquait pas une dent, ni un cheveu. Il montait à cheval, maniait la lance et allait à la guerre comme les autres. L'autre partie des catiguebos est divisée en deux hordes, qui vivent à l'orient de la rivière du Paraguay. L'une qui peut avoir cinq cents ames, habite entre les rivières Ypané et Corrientes ou Appa, près de celle du Paraguay; et l'autre qui a environ trois cents individus, vit sur des coteaux ou petites montagnes qu'ils appellent Nogoná et Nebaténa, au 21. deg. de latitude. Les autres trois hordes appelées tchiguebò, gueteadebò et beutuebò, qui forment ensemble environ deux mille ames, habitent les coteaux de Noatequidi et de Noateliyá, entre les 21 deg., et les 20° 40′ coups de latitude, à l'est de la rivière du Paraguay. J'évalue leur taille moyenne à cinq pieds huit pouces ; leurs formes et leurs proportions me paraissent les meilleures du monde, et très-supérieures aux européennes. Ils ressemblent aux guanás et à d'autres indiens, dans toutes les choses dont j'ai parlé ci-dessus. Ils ne connaissent ni obéissance, ni récompenses, ni châtimens, ni lois obligatoires ; et leurs différens particuliers se décident à de poing. Ils parlent aussi davantage entre eux, et ont le regard plus ouvert. Les hommes portent le même barbote; et tous s'arrachent constamment les sourcils, les cils et le poik; ils disent qu'ils ne sont pas des chevaux pour avoir du poil. Leurs habillemens, leurs fêtes, leur ivrognerie, leur parure, leurs peintures, leurs caciques, leur manière de guérir les malades, ressemblent entièrement à celles des payaguás et des guanás ; la seule différence, c'est que leurs médecins sont des hommes et non des femmes. Mais ils se rasent entièrement la tête. Les femmes seules conservent depuis le front jusqu'au sommet de la tête, une bande de cheveux large d'un pouce et un peu moins haute. Leurs cases ou huttes sont semblables à celles des pampas, que j'ai décrites précédemment. Elles sont seulement plus élevées et plus grandes, et ils les couvrent avec des nattes comme les payaguás. Leur langage est très-différent de tous les autres, et facile à prononcer; il n'a aucun son nasal ni guttural, et il manque de la lettre f. En outre il paraît avoir de la pompe, et les noms propres sont significatifs, comme dans le biscayen. Ce langage donne lieu à une singularité extravagante, que voici : Les femmes et les garçons, avant leur mariage, donnent aux mots une autre terminaison que les hommes faits, et quelquefois même emploient des termes différens ; de manière qu'à les entendre, on dirait qu'ils ont deux idiomes. On observe quelque chose de semblable à cette extravagance dans la ville de Curuguatý, au Paraguay. Les femmes n'y parlent jamais que le guaraný, et les hommes de tout âge n'emploient que ce langage avec elles, tandis qu'entr'eux ils parlent toujours espagnol. Cela paraît encore plus extraordinaire, quand on sait que tous les autres espagnols du Paraguay parlent toujours le guaraný, et qu'il n'y a que les plus polis qui sachent l'espagnol. Les espagnols, fondateurs de la ville dont nous venons de parler, prirent pour femmes des indiennes. Leurs enfans apprirent le langage de leurs mères, comme cela était naturel, et ne conservèrent peut-être l'usage de l'espagnol que par point d'honneur, et pour prouver que leur race était plus noble. Mais les espagnols du reste de cette province ne pensèrent pas ainsi, puisqu'ils ont oublié leur langue, à laquelle ils en ont substitué une autre prise des guarany's. La même chose est arrivée exactement dans l'immense province de San Pablo, où les portugais, ayant entièrement oublié leur langue, ne parlent que le guaraný. Je déduis de tous ces faits que ce sont les mères, et non les pères, qui enseignent et perpétuent les langues; et que, tant que les gouvernemens n'établiront pas l'uniformité de langage parmi les femmes, c'est en vain qu'ils se fatigueront à faire des réglemens pour l'instruction à cet égard. Les mbayás se croient la nation la plus noble du monde, la plus généreuse, la plus exacte à tenir sa parole avec loyauté, et la plus vaillante. Comme leur taille, la beauté et l'élégance de leurs formes, ainsi que leurs forces, sont bien supérieures à celles des espagnols, ils regardent la race européenne comme très-inférieure à la leur. Quant à la religion ils n'adorent rien, et on ne remarque parmi eux rien qui fasse allusion à cet objet ni à la vie future. On en trouve quelques-uns qui, pour expliquer leur première origine, s'expriment ainsi : « Dieu créa, au commen«< cement, toutes les nations aussi nombreuses qu'elles sont aujourd'hui, ne se contentant << pas de ne créer qu'un homme et qu'une << femme, et il les distribua sur toute la sur<< face de la terre. Postérieurement, il s'avisa « de créer un mbayá avec sa femme; et comme « il avait déjà donné toute la terre aux autres «< nations, de manière qu'il n'en restait plus à << distribuer, il ordonna à l'oiseau nommé «< caracara de leur aller dire de sa part, qu'il « était bien fâché de n'avoir point de terrain à leur donner que c'était pour cela qu'il « n'avait créé que deux mbayás; mais que, « pour y remédier, il leur ordonnait d'être : toujours errans sur le territoire des autres, <«<et de ne pas cesser de faire la guerre à << toutes les nations, de tuer tous les mâles adultes, et d'adopter les enfans et les fem«mes, pour augmenter leur nombre. » Jamais préceptes divins n'ont été plus fidèlement exécutés; car l'unique occupation des mbayás est d'errer de côté et d'autre, en chas |